Sacrée championne olympique aux barres, Kaylia Nemour, ancienne internationale française, a gagné sa médaille sous ses nouvelles couleurs, l’Algérie, devenant la toute première championne olympique algérienne et de l’ensemble du continent africain en gymnastique, faisant la fierté de tout son pays. Retour sur son histoire.
La Kayliamania s’est emparée des réseaux dimanche quelques minutes après son sacre olympique aux barres asymétriques. En zone mixte, les journalistes affluaient devant elle pour récolter ses toutes premières impressions. Kaylia Nemour, 17 ans, encore méconnue du grand public il y a quelques mois, venait de passer dans une toute autre dimension.
Née à Saint-Benoît-la-Forêt, en Indre-et-Loire, le 30 décembre 2006, Kaylia Nemour découvre la gymnastique au club d’Avoine-Beaumont, où elle évolue toujours. Brillamment formée par Marc et Gina Chirilcenco qui ont avant elle entraîné Youna Dufournet, championne d’Europe junior au sol et aux barres en 2008 et médaillée de bronze au saut en senior aux championnats du monde en 2009, elle se démarque rapidement par son impressionnant contenu technique, devenant l’une des meilleures gymnastes françaises de sa génération. En 2019, elle décroche sa première sélection en équipe de France lors du Massilia où elle obtient la médaille d’or aux barres asymétriques et le bronze au sol. Ce sera son unique compétition en équipe de France.
En 2021, quelques semaines après son titre de championne de France aux barres asymétriques, où elle présente le mouvement avec la plus grande difficulté, elle se fait opérer des deux genoux pour une ostéonchondrite. S’en était alors suivi une longue période de repos et une longue rééducation afin de se remettre sur pied. Entre temps, un projet de regrouper toutes les gymnastes du collectif France identifiées dans le projet olympique sur l’INSEP et le pôle de Saint-Etienne est mis en place par la fédération. Les gymnastes d’Avoine-Beaumont font alors part de leur souhait de rester s’entraîner dans leur club, au sein d’un environnement où elles se sentent bien, et les tensions commencent.
Après sa rééducation, Kaylia obtient ensuite en mars 2022 le feu vert de son chirurgien et de son médecin du sport pour reprendre l’entraînement, soit huit mois après son opération, mais elle était en revanche dans l’attente de l’aval du médecin fédéral français. Sans cet accord, il lui était impossible de reprendre la compétition.
Dans ce contexte, la Fédération française de gymnastique entame en parallèle des procédures à l’encontre des entraîneurs du club d’Avoine-Beaumont pour “mise en danger d’autrui” et “suspicion d’emprise générale” suite à des signalements (une procédure pour laquelle les deux entraîneurs seront blanchis quelques mois plus tard, NDLR). Un bras de fer se met alors en place entre le club d’Indre-et-Loire et l’instance fédérale et Kaylia Nemour voit son avenir en équipe de France bouché. Elle songe donc à concourir pour l’Algérie, pays d’origine de son père, afin de pouvoir poursuivre sa quête olympique. La fédération française de gymnastique est avertie, mais n’en saisit pas les conséquences, comme l’explique Gina Chirilcenco dans un reportage. La France était sur le point de perdre une énorme championne.
Les discussions avec la fédération algérienne sont entamées et les démarches se mettent rapidement en place. En juillet 2022, la Fédération Internationale de Gymnastique accorde le changement de nationalité sportive à Kaylia Nemour, mais la décision ne pourra être pleinement effective qu’un an plus tard en raison d’un délai de carence à respecter, ce dernier pouvant toutefois être annulé dans le cas où la fédération sortante donne son accord, ce qui n’était pas le cas dans le cas de la gymnaste d’Avoine-Beaumont.
Ce délai de carence d’un an empêchait la gymnaste de participer aux championnats africains, compétition qualificative pour les championnats du monde, eux-mêmes qualificatifs pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Stéphanie, sa maman, finit donc par lancer une pétition afin que sa fille soit libérée par la France et puisse concourir pour l’Algérie. Et c’est en mai 2023, à la suite de l’intervention de la Ministre des Sports, que la jeune gymnaste alors âgée de 16 ans est définitivement libérée, pouvant enfin concourir pour l’Algérie.
Chez elle, à Avoine-Beaumont, aux côtés de ses entraîneurs de toujours, elle peaufine sa préparation, et monte encore d’un cran en élevant encore un peu plus son niveau de difficultés à chaque agrès. Aux championnats africains, elle décroche le 26 mai 2023, sous les couleurs de l’Algérie, sa qualification pour les championnats du monde marquant une première fois l’histoire en entrant son nom dans le code de pointage en réalisant le Nemour, un katchev tendu du stalder serré (un franchissement dorsal de la barre supérieure en position tendue amené du stalder serré).
Aux championnats du monde d’Anvers, en octobre 2023, elle devient vice-championne du monde aux barres asymétriques, et valide son ticket pour les Jeux Olympiques de Paris. Ensuite les médailles pleuvent sur chacune de ses sorties internationales. Sur le circuit coupe du monde, elle rafle toutes les médailles d’or aux barres, et s’invite également sur certains podiums poutre et sol. Kaylia Nemour devient alors l’une des plus grandes favorites à la médaille aux barres, son agrès de prédilection.
À Paris, en cet été 2024, elle n’a pas tremblé. Tout d’abord, elle termine cinquième du concours général, l’épreuve reine en gymnastique artistique. Ensuite, dimanche 4 août, elle inscrit définitivement son nom dans le marbre en devenant championne olympique aux barres. Elle ne peut retenir ses larmes à la réception de sa sortie. Elle le savait, elle l’avait fait. Lorsque la note sort, elle comprend qu’elle a remporté l’or, devançant la chinoise Qiyuan Qui de deux dixièmes, elle exulte. Tout le public exulte. Les supporters algériens mais aussi les supporters français et les supporters du monde entier. Une grande championne était née. Un grand moment de gymnastique, qui traverse les frontières.
Comme elle dit elle-même en conférence de presse, elle a sorti “le mouvement d’une vie au bon moment“. Une médaille qui a une saveur encore plus particulière après tout ce qu’elle a traversé. Tout ce qu’elle a vécu. Une médaille historique pour l’Algérie qui a ouvert ses portes à cette gymnaste capable de faire des merveilles, et qui a mis tous les moyens en oeuvre pour lui permettre d’avoir la meilleure préparation olympique possible. “La préparation que la fédération algérienne lui a donnée, le ministre des sports et le pays, lui a permis de faire des stages et une préparation optimale et individualisée, ce qui n’aurait pas été forcément le cas avec l’équipe de France” , a expliqué son entraîneur à Avoine-Beaumont Marc Chirilcenco à La Gazette du Fennec, concluant que “la construction de cette médaille est bien algérienne.”
Mais loin de tout le tumulte, ce qu’il faut retenir dans tout ça, c’est le sourire de Kaylia Nemour sur la plus haute marche d’un podium olympique. Cette joie inscrite dans le coeur, ces étoiles dans les yeux et cette fierté qui pétille. Un pur diamant de la gymnastique tout simplement.
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Retour sur ses principales déclarations en conférence de presse
« La pression a été très forte aujourd’hui, je me suis entraînée toute ma vie pour cette médaille et je suis vraiment très contente d’avoir pu sortir le bon mouvement au bon moment »
« J’étais très stressée ces deux derniers jours, ça fait un an que je me prépare à fond pour vivre cette finale. Tout était dans la précision, la rigueur. Le travail a démarré après les championnats du monde où j’ai alors commencé à perfectionner tous mes mouvements. »
« Merci à la fédération algérienne de me soutenir, de m’avoir accueillie. Je suis honorée de représenter l’Algérie et d’avoir pu offrir cette médaille à tout le peuple algérien »
Que l ensemble de cette fédération et en particulier le médecin soient vires