Alors qu’il avait annoncé sa fin de carrière en fin de saison dernière suite à une blessure au poignet qui ne guérissait pas, Shun Petit est finalement de retour. Pour Spot Gym, il s’explique sur ce retournement de situation.
Spot Gym : Shun, lorsque nous nous étions rencontrées en mai dernier lors de la petite finale Top 12 que tu disputais face à Orléans avec ton club de Monaco tu nous faisais part de ta fin de carrière, finalement te voilà de retour et sous les couleurs d’un nouveau club, que s’est-il passé en l’espace de cinq mois ?
Shun Petit : C’est vrai que la dernière fois que nous nous sommes parlés, j’avais décidé de tirer ma révérence. J’avais vécu une saison compliquée à cause d’une blessure à un poignet et je ne m’en sortais pas. Les douleurs étaient devenues tellement fortes malgré l’opération que j’avais fini par perdre le plaisir de m’entraîner.
Comment t’étais-tu blessé ? Peux-tu revenir sur les circonstances de cette blessure ?
J’ai eu une ligamentoplastie du poignet. A la base, il y a eu de l’usure, comme pour tous les gymnastes de haut-niveau, et puis j’ai chuté aux arçons à l’entraînement et là j’ai senti un énorme clac. J’ai fait des examens et j’ai été opéré début juillet 2023. Il n’y avait plus de cartilage et le ligament tenait à un rien, donc la chirurgienne a tout gratté et tout reconstruit.
À ce moment-là, tu pensais que ton opération te permettrait de pouvoir reprendre la gymnastique sereinement avec un poignet tout neuf ?
Oui c’était l’espoir que j’avais. J’ai eu un mois et demi d’immobilisation, avec 2 semaines de plâtre puis j’ai porté une attelle. Pendant cette période, je ne pouvais plus du tout faire de gym car je n’avais pas le droit de bouger, le moindre petit mouvement pouvant me faire déchirer les fils. Donc pendant un mois et demi, je ne pouvais rien faire. Honnêtement, cette période a été très longue, moralement c’était dur, mais je savais qu’il fallait passer par là pour pouvoir remonter sur les agrès. Ensuite, j’ai pu reprendre progressivement mais malheureusement l’opération et la période d’immobilisation n’avaient pas suffi à enlever toutes les douleurs.
Et c’est à ce moment-là que l’idée de ta fin de carrière s’est construite…
Oui. Comme le cartilage ne se reconstruisait pas, c’était difficile de faire du haut-niveau. Je ne progressais plus, je stagnais et à force de m’entraîner avec des douleurs, j’ai fini par perdre le goût de m’entraîner. J’étais prêt à tirer encore quelques années mais le corps en avait décidé autrement. J’étais alors prêt à entamer une vie différente. En janvier, j’avais annoncé sur les réseaux mon arrêt de carrière, je m’étais fait à l’idée, mais j’avais pris la décision de terminer la saison avec Monaco pour aller chercher la phase finale. On a disputé la petite finale face à Orléans, un super match face à une équipe qui a fait une super compétition, et pour moi cette petite finale marquait la fin de ma carrière.
Sauf que… finalement te voilà de retour sur les agrès et à la compétition ?
Exactement (Rires). Et j’en suis vraiment ravi.
Qu’est-ce qui a entraîné ce retournement de situation ?
Après le Top 12, je m’étais vraiment fait à l’idée de ma fin de carrière. J’avais trouvé ma reconversion professionnelle et j’étais prêt. Je n’allais plus à la salle, je reposais mon poignet et ça me faisait du bien. Et puis il y a eu les championnats de France élite. Je suis allée voir ma soeur Sheyen qui disputait sa dernière compétition avant, elle aussi, de prendre sa retraite gymnique, et j’ai eu un gros coup de blues. Je me suis dit que ma place n’était pas dans les tribunes mais sur le plateau. J’ai alors commencé à retourner tranquillement à la salle à Fréjus, là où j’ai été formé, et puis je me suis rendu compte que les douleurs au poignet avaient presque disparu. Je reprenais plaisir à m’entraîner, à faire de la gym et à m’entraîner sans être dans la contrainte, comme j’avais pu l’être ces derniers mois à cause de la blessure. Je me suis tout simplement rendu compte que la passion était finalement plus forte que tout le reste. J’en ai alors parlé à Monaco, pour voir ce qu’ils pouvaient me proposer, et puis finalement les choses ne se sont pas concrétisées.
C’est alors que le projet avec Franconville s’est mis en place ?
Oui. J’ai fait part à quelques clubs de mon envie de reprendre ma carrière et Franconville m’a répondu dans la foulée. Ils étaient intéressés par mon projet. Lorenzo Aymes a aussi signé à Franconville et ça a été l’élément déclencheur pour moi. Je me suis dit go ! Ensuite, j’ai repris l’entraînement début août, mais vraiment tranquillement, le temps de voir comment mon corps réagissais et depuis début septembre j’ai vraiment bien réattaqué l’entraînement. J’ai retrouvé le plaisir et comme j’ai diminué l’entraînement le corps tire moins. Et en fait, c’est vraiment la passion qui a parlé, qui m’a empêché d’arrêter. Quand je suis allé aux championnats de France élite, je me suis rendu compte que finalement je n’étais pas prêt à tirer ma révérence. Donc cette année, je serai encore présent sur les plateaux et je suis vraiment content de ça !
Quel est ton rythme d’entraînement désormais ?
Je m’entraîne beaucoup moins qu’avant car j’ai débuté une alternance dans la maréchalerie. Je travaille donc la journée dans l’entreprise familiale avec mon père en tant que maréchal ferrant et je m’entraîne en fin de journée, généralement entre 2h30 et 3h chaque soir, ce qui fait à peu près entre 12 et 15h d’entraînement par semaine. Il y a certains jours où les entraînements peuvent être un peu plus courts en fonction de ma journée de travail, car maréchal ferrant étant un métier très physique, parfois il m’arrive d’avoir moins d’énergie pour aller m’entraîner. Mais je suis content car ce rythme est suffisant pour garder le niveau et surtout pour pouvoir continuer à progresser, car c’était important pour moi de continuer à progresser. Je suis quelqu’un qui aime les défis. L’adrénaline, le risque, les défis à l’entraînement, c’est ce qui me fait vibrer. Et voir que malgré la différence d’heures d’entraînement, je continue toujours à progresser et à prendre du plaisir, c’est hyper satisfaisant. Maintenant, j’ai hâte d’être à la première compète pour retrouver aussi l’adrénaline de la compétition.
Au niveau de ta blessure au poignet, comment te sens-tu ?
Maintenant ça va beaucoup mieux. Je continue de faire le nécessaire niveau renforcement pour pouvoir continuer de m’entraîner comme je le souhaite sans avoir de douleurs et faire toute la saison avec Franconville avec pourquoi pas la demi-finale et la petite ou la grande finale à la fin… on ne sait pas ce que l’année nous réserve, mais cette année on a une belle équipe, avec le renfort également d’étrangers comme Illia Kovtun, Joe Fraser, Manrique Larduet, et on est au taquet (Rires). De manière plus personnelle, j’ai aussi envie de me faire plaisir, de réussir ma saison et de faire le nécessaire pour aider l’équipe à aller jusqu’au bout.
Ton discours est totalement différent de celui que tu tenais lorsqu’on s’était vu à Orléans après la petite finale du Top 12. Tu as l’air serein et apaisé ?
Oui totalement, et je suis hyper motivé. J’ai vraiment repris le plaisir de la gym que j’avais fini par perdre l’année dernière à cause de ma blessure suite à l’opération. J’allais à l’entraînement à reculons parce que je ne pouvais plus progresser, je stagnais, j’avais mal, et c’était une période très dure. Et pour un amoureux de la gym comme moi, ce n’est pas la pratique de la gymnastique que j’aime. Là j’ai repris ce plaisir et cette envie de tout donner sur les agrès.
Ta reconversion professionnelle en tant que maréchal ferrant a l’air également de t’épanouir, c’est un équilibre de vie que tu as réussi à trouver au final et qui te permet d’avoir retrouver cette sérénité qui te manquait ?
Oui, j’aime vraiment ce que je fais et je me sens bien. Aussi bien au travail, qu’à l’entrainement. Et c’est important. La gym est une passion, après 20 ans de carrière, j’ai réussi à repartir du bon pied.
On connaît beaucoup ta soeur, Sheyen, qui a également pris sa retraite en juin dernier. Elle compte de nombreuses sélections en équipe de France, mais en ce qui te concerne, le grand public te connaît moins. Peux-tu revenir rapidement sur ton parcours ?
J’ai commencé la gym à l’âge de 5 ans au club de Fréjus. J’y suis resté jusqu’à mes 10 ans avant d’intégrer le pôle d’Antibes en 2009. Je suis resté au pôle jusqu’en 2017 et je suis retourné sur le club de Fréjus pendant 4 ans. Puis j’ai commencé à songer à arrêter ma carrière et certains clubs Top 12 comme ceux de la Madeleine et Bourges m’ont proposé de les rejoindre avant de raccrocher, mais à cette époque, je ne me voyais pas quitter le sud. J’ai alors pris contact avec Thierry Aymes de Monaco et j’ai signé à Monaco. Avec eux, j’ai découvert le Top 12 en 2022, en 2023 on a remporté le bronze et en 2024 on a terminé 4ème. J’y ai vécu de très belles années. C’est aussi à cette époque que j’ai pu participer à nouveau aux championnats de France élite. Je suis passé à côté de mon match mais j’étais heureux de participer à nouveau aux France élite. Tout cela, je le dois à Thierry et à Barbara. Ils m’ont accueilli les bras ouverts et ça m’a fait du bien. Désormais, j’entame un nouveau chapitre avec Franconville, tout en continuant de m’entraîner à Fréjus, là où tout a commencé pour moi et où je peux poursuivre ma formation professionnelle.
Quel regard portes-tu sur ta carrière jusqu’à présent ?
Je ne vais pas le cacher mais je garde un petit arrière goût de regret et de déception par rapport à certaines choses qui ont pu se passer, notamment quand j’étais sur le pôle d’Antibes, mais je suis heureux d’avoir pu porter le maillot de l’équipe de France quand j’étais junior. Ce n’est pas donné à tout le monde et je l’ai fait. Après j’aurais aimé décrocher plus de sélections mais c’est comme ça. Tout n’a pas toujours été facile, j’ai dû m’accrocher à différentes branches et je suis content d’être encore là. J’aime la gym. C’est plus qu’un sport pour moi, et ça, jamais personne ne pourra me l’enlever.
Propos recueillis par Charlotte Laroche