La préparation mentale, clé de la gestion du stress en compétition

La compétition est, pour chaque gymnaste, une source de stress. L’idée de n’avoir qu’une seule chance pour réaliser le mouvement sans erreur peut rapidement angoisser, et déstabiliser un sportif. La préparation mentale, qui se développe de plus en plus en France, est une solution ayant fait ses preuves chez de nombreux athlètes. Mais qu’est ce que la préparation mentale exactement et comment peut-elle être un outil pour gérer le stress en compétition ? Plusieurs intervenants spécialisés de la question s’expliquent.

Loris Frasca en pleine visualisation avant son passage aux arçons en finale du Top 12. Photo Anaïs Carlier

La préparation mentale, travail incontournable pour gérer son stress

De nos jours, la plupart des gymnastes s’entrainant dans une structure dédiée au haut niveau sont suivis par des préparateurs mentaux. Mais qu’est ce que la préparation mentale et à quoi sert-elle ? Éléments de réponse avec Arthur Plancq, étudiant en dernière année de master STAPS orienté sur le préparation mentale. 

Arthur Plancq, 23 ans, a monté son entreprise en début d’année et suit désormais des gymnastes voulant passer un cap grâce à la préparation mentale. Les problématiques sur lesquelles il travaille avec les gymnastes, il les connaît bien puisqu’il est lui-même gymnaste et entraineur, de nature plutôt stressée. Il affirme d’ailleurs avoir vécu toutes les situations sur lesquelles son travail se porte soit au travers de son expérience, soit part quelqu’un de son entourage.

Arthur Plancq. Photo DR

Spot Gym : Peut-on donner une définition simple de la préparation mentale ?
Arthur Plancq : La préparation mentale consiste à optimiser la performance par le mental en favorisant l’autonomie et le plaisir (à la différence de la psychologie, qui est vraiment un travail plus profond). La préparation mentale peut servir à travailler sur la gestion du stress, mais également sur la confiance, l’estime de soi, la motivation ou encore la concentration.

La préparation mentale est-elle essentielle dans la vie d’un.e gymnaste ? Si oui à partir de quel niveau ?
Oui, c’est essentiel. Et c’est essentiel à tout niveau, du moment que le ou la gymnaste pratique la gymnastique en compétition. Dès que le sportif fait face à un enjeu, il faut qu’il soit préparé mentalement, aussi bien pour du niveau fédéral que des compétitions internationales, car à partir du moment où la situation est nouvelle et sort de l’ordinaire, le cerveau se met à stresser.

Dans le cadre de la gestion du stress, la préparation mentale est-elle un travail à court, moyen ou long terme ?
Dans le cadre d’un travail sur la gestion du stress, il y a un travail en amont, un travail de fond, c’est donc généralement à long terme. Il est nécéssaire qu’avant d’entrer en compétition, les agents stressants soient déterminés afin d’être verbalisés. C’est un travail en deux temps : le préparateur mental accompagne le ou la gymnaste en donnant des outils pour réaliser un travail de fond mais également des outils à utiliser pendant la compétition.

Quels sont les outils basiques qu’un ou une gymnaste peut utiliser seul, sans préparateur mental à ses côtés, pour gérer son stress en compétition ?
Je travaille tout d’abord énormément sur l’idée de bulle pour aider les gymnastes à gérer le stress en compétition. Cette bulle doit être crée en amont, et doit être utilisée au moment de l’échéance. Elle possède plusieurs rôles.

  • Rester concentré. Enormément de distractions peuvent provenir de la musique, des encouragements du public, ou encore d’un autre entraineur qui donne des conseils à un ou une autre gymnaste. La bulle permet de ne pas se laisser distraire par ce qui nous entoure.
  • Conserver sa confiance. Voir, pendant une compétition, un ou une autre gymnaste se blesser ou faire une grosse chute peut perturber et déstabiliser. Le cerveau fait automatiquement un transfert, il s’imagine à la place du ou de la blessé. Se mettre dans une bulle permettra de se concentrer sur sa performance et non sur celles des autres en conservant sa confiance en soi.
  • Protéger des jugements. En compétition, des jugements peuvent provenir des entraineurs, du public, des coéquipières ou même des proches venus encourager le ou la gymnaste. Souvent, ces personnes ont plutôt l’habitude de parler du négatif que du positif. La bulle va ainsi protéger de toutes ces pensées négatives, et éviter de devenir trop critique envers soi-même, qui est une des conséquences de la gymnastique en règle générale.
  • Orienter son attention. La bulle permet de focaliser son attention uniquement sur sa performance, et non pas sur d’autres distractions.
  • Avoir un espace sans stress. La bulle est un espace sain, qui vous rassure, qui forme un bouclier contre le stress que procure la compétition.
  • Garder le contrôle sur la situation. La bulle permet de ne pas perdre le contrôle en cas de situation dans laquelle les facteurs sont incontrôlables, sur lesquels nous n’avons pas la main. Cela peut être du retard sur l’heure prévue, un ou une gymnaste blessé que l’on n’arrive pas à évacuer rapidement, des juges qui mettent longtemps à poser leur note ou même un souci technique.

On peut citer 7 étapes nécessaires à la construction de sa propre bulle.

  1. Définir la taille de votre bulle : elle peut vous englober seul, ou bien être plus grande et englober votre entraineur, ou encore votre équipe par exemple.
  2. Définir la couleur de votre bulle : En psychologie, chaque couleur est reliée à des émotions et sentiments.
  3. Définir les personnes que vous laissez entrer dans votre bulle : il faut décider de fermer la porte de votre bulle à certaines personnes comme les juges ou les parents par exemples. Si vous parlez à n’importe qui, n’importe quoi entrera dans votre tête. Les personnes autorisées à entrer et non autorisées doivent être bien définies.
  4. Définir les mots que vous pouvez laisser entrer dans votre bulle : certains mots négatifs que vous pouvez entendre n’ont pas lieu d’être dans votre bulle comme “chute”, “pas assez”, “regarde l’autre équipe”. Certains mots que vous pourriez prononcer vous-même doivent également être écartés au maximum comme “je suis nulle” ou “je ne vais pas y arriver”.
  5. Se couper de certains sens : En entrant dans votre bulle, vous pouvez vous couper du son ambiant (musique de rotations, musique de sol, cris d’encouragements), mais également de la vision en fermant les yeux afin de ne pas avoir l’esprit pollué. Il est important de ne pas exprimer d’interprétations : par exemple ce n’est pas parce que la gymnaste à coté de vous réalise une acrobatie ou un saut plus compliqué que vous qu’il faut imaginer qu’elle est plus forte, et que vous allez donc perdre. Ces interprétations mènent à du négatif.
  6. Définir ce que vous pouvez contrôler dans votre bulle : vos pensées par exemple.
  7. Adapter votre respiration : trois points clés sont importants pour contrôler votre respiration en compétition : l’expiration doit être plus profonde que l’inspiration, l’inspiration doit se faire par le nez et l’expiration par la bouche, et le ventre doit se lever lors de l’inspiration (lorsque le diaphragme passe sur le plexus solaire, cela diminue le stress). En effet, la respiration ventrale vous permet d’être relaxé, détendu, à l’inverse de la respiration par la poitrine qui procure du stress et de la pression.

Quels sont les principales techniques que vous utilisez pour construire un travail de fond avec les gymnastes ?
Avec les gymnastes, j’utilise énormément ce qu’on appelle la “mind fulness”, c’est à dire la méditation de pleine conscience. Elle permet de totalement lâcher prise. Le lâcher prise signifie ne pas interpréter, il s’agit de ne pas rester attaché à ce qui vient de se passer, comme une chute à un agrès par exemple. J’utilise également la méthode du Switch, qui consiste, pour faire simple, à passer d’une situation perçue négativement, à une situation positive.

Pour en savoir plus, Arthur Plancq est à retrouver sur Instagram : @arthur.pm_ , et sur Facebook : Arthur Plancq.

L’imagerie motrice, aspect essentiel de la préparation mentale
chez le gymnaste

Rodolphe Bouché, entraineur au pôle France d’Antibes et coach mental certifié EMA INSEP,  a beaucoup travaillé sur la notion d’imagerie motrice.

Rodolphe Bouché aux côtés de Samir Aït Saïd lors des Internationaux de France. Photo Cybile C. Photography

On entend généralement parler « d’imagerie mentale » mais ce serait en réalité un pléonasme comme l’explique le technicien antibois car lorsque l’on imagine quelque chose dans notre tête, c’est déjà mental. Il est alors préférable de parler « d’imagerie motrice ».

L’imagerie motrice désigne la représentation du mouvement fait par le cerveau et par le corps, le mot « imagerie » étant utilisé en rapport à l’imagination, et le fait d’associé une image représentative d’une sensation : une sensation gestuelle = une image référence pour l’athlète. Plusieurs canaux peuvent être utilisés : en règle générale, les plus communs sont l’imagerie visuelle et l’imagerie kinesthésique, mais on peut également citer l’imagerie auditive qui est importante à certains agrès comme le sol et le saut. Chaque gymnaste possède un canal prioritaire plus impactant que les autres sur lequel il va pouvoir s’appuyer. Le pôle d’Antibes a notamment collaboré avec l’Université Claude Bernard de Lyon avec Christian Collet et Aymeric Guillot, afin de cartographier de manière scientifique ce qui impactait et activait le plus le gymnaste. « Grâce à cette carte d’identité connective, chaque gymnaste a pu préciser les scripts d’imagerie nécessaires à sa préparation » , révèle l’entraîneur antibois. L’étude scientifique a été publiée et a montré que l’imagerie avait un impact réel sur l’optimisation des performances.

L’imagerie motrice peut servir à se préparer à la réalisation du geste mais également à renforcer un geste qui vient d’être fait. Pour cela, dans les 30 à 40 secondes après avoir réaliser un passage à l’entrainement, le ou la gymnaste peut refaire ce geste en imagerie jusqu’à 3 ou 4 fois. Le geste sera revitalisé avec les sensations qu’il vient de sentir. Au delà de ces 30 à 40 secondes, qu’on appelle la mémoire de travail, le réalisme et la véracité de ce qui vient d’être fait est perdu. Pour le cerveau, si on imagine le geste avec les sensations associées, le cerveau ne fait pas de différence entre un passage fait et un passage imaginé. Dans un principe d’économie, si un ou une gymnaste réalise une réalisation et 3 visualisations, le cerveau aura fait 4 passages. Cela permet d’entrainer le cerveau à automatiser le geste tout en économisant le corps.

Les gymnastes d’Antibes réalisent alors, en compétition, un double échauffement. Premièrement un échauffement physico-mental, sur les agrès, puis un échauffement uniquement mental sur environ 20 minutes. Pendant ces 20 minutes, le gymnaste revitalise ses mouvements à côtés de chaque agrès avec les sensations associées, et les bruits de la salle de compétition.

Aujourd’hui, Rodolphe Bouché affirme que chaque entraineur devrait avoir une formation en préparation mentale pour accompagner le ou la gymnaste. La relation pédagogique entraineur / entrainé est meilleur si l’entraineur est formé pour s’adapter au gym afin de faciliter le travail.

 

La préparation mentale, pas assez développée en France

Le QLC club est une petite entreprise créée par un groupe d’amis sportifs dont Mira Boumejmajen, ancienne gymnaste de haut niveau ayant notamment participé aux jeux olympiques de Londres en 2012. Ils n’ont qu’un seul but en tête : faire bouger la préparation mentale qui n’est selon eux, pas du tout assez accessible en France. Ils considèrent qu’il est inenvisageable de continuer dans le système actuel dans lequel certains sportifs sont obligés de payer eux mêmes des préparateurs mentaux, car la préparation mentale et l’optimisation des performances est une des parts les plus importantes dans la carrière d’un sportif. Ils affirment que la préparation mentale doit avoir une place aussi importante que la préparation physique dans la vie d’un athlète. Elle occupe un large pourcentage du temps d’entrainement du sportif, car si le sportif ne sait pas gérer la pression, tout entrainement physique devient caduc. La France est très en retard sur ce point et ils affirment qu’il serait nécéssaire “de s’inspirer un peu des Etats-Unis, du Canada ou de l’Angleterre”.

Pour en savoir plus, le QLC club est à retrouver sur Instagram : @qlc_club

Les paroles d’une ancienne gymnaste de haut niveau

Alisson Lapp, ancienne gymnaste de haut niveau ayant notamment fait partie d’une équipe concourant en NCAA, le célèbre championnat universitaire américain, s’est exprimée sur sa gestion du stress en compétition.

Ancienne membre du collectif France junior et senior passée ensuite par les Etats-Unis, Alisson Lapp s’entraîne désormais au club de Schiltigheim avec qui elle a disputé la petite finale du Top 12 cette saison. Photo Amandine Vallée

En compétition, Alisson est souvent nerveuse. Pour gérer son stress, elle utilise diverses méthodes. Elle réalise des exercices de visualisation, principalement à la poutre. Avant son passage, tout en respirant calmement, elle mime ses mouvements en imaginant les réussir. Cette technique de visualisation porte également le nom “d’imagerie mentale”. Le cerveau voit les éléments réussis et aborde ainsi plus sereinement le mouvement.

Bien qu’Alisson réalise ces techniques de préparation mentale qu’elle a appris grâce à ses entraineurs, elle affirme n’avoir jamais été suivie par un préparateur mental. Chaque gymnaste est différente et ressent des besoins différents en terme de préparation. Elle a préféré se tourner vers un psychologue avec qui elle a travaillé sur le stress, la pression et qui l’a beaucoup aidée sur ces points là.

Alisson conclut en affirmant “il m’arrive aussi d’utiliser l’application Respirelax+ lorsque je suis vraiment nerveuse”.

Article précédentLilou Besson : “Cela faisait quelques mois déjà que je ne m’entraînais plus”
Article suivantSamir Aït Saïd, un retour envisagé pour septembre

LAISSER UN COMMENTAIRE

Merci d'inscrire votre commentaire !
Merci d'indiquer votre nom