Il était l’un des meilleurs généralistes de sa génération. Un métronome de la gymnastique artistique. Après plus de quinze ans passés en équipe de France, Julien Gobaux tire sa révérence, sans pour autant tirer un trait sur la gymnastique. Un nouveau défi l’attend désormais sous le soleil de Dubaï.
Spot Gym : Julien, vous avez annoncé sur votre compte Instagram mettre un terme à votre carrière de gymnaste de haut-niveau, quelles sont les raisons qui vous ont poussées à prendre cette décision ?
Julien Gobaux : Il y a plein de choses. Tout d’abord ma blessure à la cheville contracté en septembre dernier lors d’un stage France en vue des championnats du monde m’a fait beaucoup réfléchir. Ensuite je me suis déchiré le pec sur 7 centimètres et comme je ne pouvais plus m’entraîner parce que j’avais une cheville et un bras en vrac, je suis parti en vacances à Dubaï avec mon ami, le gymnaste Jimmy Verbayes, et on a commencé à évoquer l’avenir, savoir si j’avais une idée de ce que je voulais faire après. À ce moment-là, j’avais les Jeux Olympiques de Paris en tête, c’était vraiment mon objectif. Mais ma blessure a pas mal bousculé les choses, surtout que je ne me sentais pas beaucoup soutenu par la Fédération par rapport au financement de la rééducation. En plus, au final cette blessure à la cheville était plus grave que prévu. J’avais commencé par porter un mois une botte puis après avoir réalisé de nouveaux examens, j’ai pris 3 semaines supplémentaires, c’était un vrai coup dur car ça commençait à faire beaucoup. Et puis j’avance dans l’âge, je vais avoir 32 ans donc j’ai commencé à me demander si ça valait le coup que je reparte sur un nouveau cycle olympique, surtout que le nouveau système mis en place ne me convenait pas forcément. À partir de mi-janvier, j’ai repris tout doucement l’entraînement, je ne pouvais m’entraîner qu’une fois par jour et puis en février j’ai pris la décision d’arrêter. C’était un samedi, juste avant une rencontre Top 12 que j’allais disputer avec mon club de Monaco, je suis allé voir Thierry (Aymes), mon entraîneur, et je lui ai dit que j’avais pris la décision d’arrêter.
Donc votre décision d’arrêter est prise depuis un moment déjà ?
Oui depuis le mois de février, je savais que j’allais arrêter cet été. Je voulais terminer la saison en Top 12 et aller jusqu’aux championnats de France élite, malheureusement j’ai dû m’arrêter prématurément car je me suis de nouveau blessé, je me suis fait une déchirure au pec mais j’ai quand même pu aller jusqu’au bout de la saison en Top 12 avec mon club de Monaco et c’était important pour moi. J’ai tout fait pour raviver la flamme de la passion, j’ai participé aux stages avec le collectif France mais il y avait trop de choses qui n’allaient pas. C’est un ras le bol général en fait. Quand la tête va plus, c’est difficile de continuer. De toute manière, j’ai toujours dit que le jour où la tête ou le corps n’irait plus, j’arrêterais. Ma tête ne suivait plus, le corps ne suivait plus, j’avais des douleurs un peu partout, ce n’était pas des grosses blessures, mais tout un tas de petites blessures qui faisaient que je m’entraînais tout le temps avec des douleurs. Et puis j’en étais arrivé à un stade où je me disais après chaque compète, bon je suis toujours sur mes 2 jambes et 2 mains, j’ai de la chance. C’était pesant à force ! Je ne progressais plus à cause de toutes les blessures et les douleurs donc comme je ne prenais plus plaisir à faire de la gym, c’était le moment pour moi d’arrêter.
Avez-vous pensé à vous arrêter plus tôt dans la saison ?
Non, pour moi c’était impensable de partir en cours de saison et de lâcher mon club de Monaco avec qui nous étions engagés en Top 12. Et même là, si un jour il m’appelle et qu’ils me disent qu’ils ont vraiment besoin de moi, bien sûr que je ferai tout pour les aider. Je ne les lâcherai jamais.
Quels sont vos projets désormais ?
Je pars m’installer à Dubaï pour entraîner dans un club de gym. En novembre, lors de mon précédent séjour, une opportunité s’était présentée. A l’époque, c’était encore un peu tôt mais je l’avais gardé dans un coin de ma tête. Ça fait d’ailleurs 8 mois que je prends des cours d’anglais chaque lundi après-midi avec un prof particulier. J’ai remplacé un entraînement par ces cours d’anglais et puis ça fait un moment que j’ai mis mon téléphone en anglais, que je regarde des films et des séries qu’en anglais. J’ai toujours été attiré par les voyages et je me suis toujours dit que si une opportunité à l’étranger se présentait un jour et qu’elle me plaisait, je partirai.
Comment ça va se passer à votre arrivée ? Vous avez déjà trouvé votre logement ?
Le premier mois je vais vivre dans un appart hôtel car comme je n’ai pas encore de visa je ne peux encore louer d’appartement. Le club prend en charge mon billet d’avion et j’ai aussi un aller-retour offert par an pour revenir dans mon pays d’origine, donc en France. Ensuite, une fois là-bas, je vais entraîner 35 heures par semaines, 5 fois par semaine, chaque après-midi, de 14h à 19h ou de 15h30 à 20h30.
Dans quel état d’esprit êtes-vous actuellement ? Pressé de partir ?
Je passe par différentes phases. Je suis content, je doute mais c’est normal, l’inconnu fait peur. Forcément je me pose des questions, je me demande si je fais bien de partir. Donc j’ai un peu peur mais je suis aussi super excité ! C’est tout nouveau pour moi. En gymnastique, on est un peu assisté, on fait quasiment jamais de papiers, tout notre quotidien est bien organisé. Là je m’apprête à découvrir le monde du travail, c’est un nouveau départ et c’est génial ! La gym, c ‘est fait d’objectifs, là ce sont de nouveau objectifs que je me fixe, différents, mais de nouveaux objectifs. Je ne vois pas ma vie sans objectif de toute manière. Et puis ma valise est prête, j’ai pas mis de pull, ni de manteau, il fait 50° là-bas actuellement donc j’ai plutôt pris des serviettes pour éponger la transpiration (Rires).
Vous avez un lien très fort avec votre club de l’Etoile de Monaco, comment expliquez-vous ce lien si fort ?
Les choses se sont faites naturellement. Quand j’ai arrêté la gym un peu plus jeune, j’ai fait pas mal de bêtises et ils m’ont tendu la main. J’ai su la saisir. Thierry (Aymes) m’a tendu la main, avec ses conditions et j’ai accroché. Alors c’est sûr qu’il y a eu des moments pas faciles, mais ça a fonctionné dès le début. Ils m’ont considéré comme leur 3eme fils dès le début et ça a tout de suite bien matché.
Quand et comment êtes-vous arrivé à Monaco ?
En 2007, j’ai fait 2 ans où j’étais à La Rochelle, 1 an de fac à Nantes et après je suis redescendu à Nice pour me rapprocher du club et je suis resté loyal et fidèle. En fait quand j’ai quitté le pôle d’Antibes, j’ai arrêté la gym pendant un an et j’ai ensuite rencontré Thierry qui m’a dit que si j’avais envie de reprendre la gym il était prêt à m’accueillir sur Monaco. A la base, on n’était pas du tout dans une optique de performance car je ne savais pas encore exactement ce que je voulais et je voulais surtout reprendre tout doucement. Et puis au bout d’un an, j’ai fait un stage en Roumanie avec Monaco, j’ai demandé à Thierry s’il pensait que je pouvais accéder à l’équipe de France et il m’a dit que j’en étais capable, que le chemin allait être long, qu’il ne me ferait pas de cadeau, il m’a pas fait de cadeau c’est sûr, j’en ai même versé quelques larmes (Rires) mais ça a bien fonctionné et la suite est celle qu’on connaît. Il a su me redonner la passion de la gymnastique. C’est quelqu’un de très respectueux, il prend les gyms individuellement, il ne gère pas tout le monde de la même manière et il ne m’a pas géré comme les autres, comme il n’a pas géré les autres comme moi, et c’est ce qui fait que ça matche bien. J’étais quelqu’un d’assez impulsif, il a su me calmer.
Quels souvenirs gardez-vous de toutes vos années en équipe de France ?
Il y a la première sélection en 2013 pour une coupe du monde en Croatie, il y a la qualification olympique lors des championnats de France élite, les Jeux Olympiques bien évidemment et les championnats d’Europe de Glasgow avec la médaille par équipes et Bercy. Ce sont vraiment mes 5 meilleurs souvenirs. Et puis avec le club, finir sur une médaille de bronze au Top 12, c’est incroyable.
Partir sur ça, c’est une belle fin non ?
Oui c’est clair ! On s’est toujours dit qu’on ne prendrait pas d’étranger tant qu’on ne serait pas en Top 12. On s’y est tenu, et on a réussi à gravir les échelons pour se hisser en Top 12 uniquement avec des gyms de club. Donc là, cette médaille de bronze en Top 12 vient boucler la boucle. Thierry et tout le club ont fait un travail énorme toutes ces années alors finir là dessus, c’était juste ouf surtout qu’en début d’année, on était 3 sur le carreaux ! On ne savait pas comment la saison allait se passer. Pour le premier Top 12, je suis passé qu’aux barres parallèles car j’avais le bras et la cheville en vrac, mais pour le club, il m’était impossible de les laisser tomber. On a créé un mouvement et puis j’ai fini la saison en faisant les 5 agrès, donc c’est super de finir comme ça, surtout face à une grosse équipe de Noisy. Il y avait beaucoup d’émotion. En plus je savais que cette finale allait être mon avant-dernière compétition donc il y avait encore plus d’émotion. Bon au final, ça a été ma dernière compète car dernière je me suis blessé et je n’ai pas pu faire les France donc finir comme ça, c’est super. Je ne pouvais pas espérer mieux.
Depuis que vous avez annoncé votre arrêt, vous avez reçu beaucoup de messages de soutien, vous aviez conscience d’être autant apprécié ?
Je dois avouer que c’était un peu dur émotionnellement, mais dans le bon sens du terme ! Je ne pensais pas avoir cet impact là, j’ai toujours été un peu grande gueule donc forcément parfois ça m’a porté préjudice donc ça m’a fait chaud au coeur de lire tous les messages. Je ne m’y attendais pas. J’étais loin de m’imaginer recevoir autant de messages de soutien. La gym c’est ma passion, ça a marqué une grosse partie de ma vie, donc si je peux laisser une trace, faire aimer la gym à d’autres, forcément ça fait plaisir. Même si je n’ai jamais fait de la gym pour ça, ça fait plaisir et ça rend fier, c’est certain. Et si je peux aider les autres comme on a pu m’aider, c’est le meilleur des cadeaux.
Propos recueillis par Charlotte Laroche