JO GR Paris 2024 : un tourbillon d’émotions et de surprises (partie 2 : bilan des ensembles)

Ensemble France GR - Paris 2024
L'ensemble France de GR

Après les émotions causées par le concours individuel, les ensembles ne nous ont pas davantage épargnés en suspens.

Vendredi 9 août – Qualifications ensembles : L’ensemble France s’envole emporté par une salle en folie

La Bulgarie a remporté les qualifications avec des exercices maitrisés, mais aucun de gagné (deuxièmes à chaque engin). Les compositions faisaient de loin partie des meilleures : originales, difficiles, avec de véritables tableaux esthétiques, permettant d’oublier le choix vestimentaire étrange.

L’Italie s’est imposée aux cinq cerceaux avec un enchaînement dont il faut reconnaitre la technique et la stratégie de composition, mais dont le style laisse quelque peu extérieur. À l’inverse à l’engin mixte, elles ont cumulé les erreurs (un noeud dès le départ jamais défait, une chute sur le risque et de nombreuses fautes de trajectoires). Mais cet enchaînement sur Ennio Morricone était un plaisir pour les yeux et les oreilles. Sixièmes aux ballons-rubans, elles se qualifièrent avec la deuxième place au total des deux passages.

L'ensemble d'Ukraine
L’ensemble d’Ukraine

Et c’est l’Ukraine qui a créé la surprise à la troisième place faisant la joie de Deriuguina. Elles ont remporté brillamment le rubans-ballons électro et se sont classées sixièmes aux cerceaux à cause d’une chute.

À l’arrivée de la France, Marseillaise et hurlements s’élevèrent dans la salle. L’ensemble a réalisé une compétition formidable donnant des frissons à chaque spectateur dans la salle en extase. L’enchaînement 5 cerceaux sur Johnny Hallyday qui était plus enclin aux erreurs est passé sans faute avec concentration, détermination et émotion faisant monter les larmes d’Anna Baranova l’une des deux entraîneurs. Elles obtiennent la troisième meilleure note à cet engin. Aux ballons rubans une petite chute d’inattention leur a coûté la troisième place, mais cela a suffi à les qualifier brillamment en quatrième position laissant chacun croire à une médaille pour le lendemain.
A visionner : Reportage sur la préparation de l’ensemble France

Bonne place pour la Chine cinquième des qualifications avec deux passages où il y avait peu à reprendre. L’Israël a sous performé et s’est classée sixième. Enfin l’Ouzbékistan s’est brillamment qualifié devant l’Azerbaïdjan, deux équipes dont la finale n’était clairement pas assurée.

L'ensemble du Mexique
L’ensemble du Mexique

Le cauchemar espagnol continua sur les ensembles et décidément on se demanda “que se passe-t-il avec l’Espagne” ?  Vice-championnes olympiques en 2016 à Rio, les Espagnoles bien qu’on leur ait soustrait leurs entraineurs aujourd’hui en France, avaient fait une formidable saison l’année passée, laissant croire à minima à la qualification. Elles ont démarré avec un cerceau catastrophique (chute étonnante sur une collaboration, suivie d’une chute de gymnaste pour sauver un engin mal lancé et le risque non réalisé d’une des cinq gymnastes), des erreurs incompréhensibles et une note irrécupérable. Leur seconde performance n’était pas grandement meilleure (deux grosses fautes de trajectoire au ruban dont une qui se termina en sortie) et les classa finalement dixièmes. La même jeune entraîneur s’occupe aussi bien de l’ensemble que des deux individuelles. Alors, y a-t-il un lien ? Il est évident que quelque chose a cloché au sein de la délégation.

Enfin, le Brésil qui s’était classé quatrième après son performant cerceau a été pris de malchance. Dès les premières secondes du rubans-ballons, une des gymnastes s’est tordue la cheville sur l’équilibre fouetté (déjà endolorie avant le passage). Dès lors, ses efforts ne lui ont pas permis de faire mieux que de la simple marche, boitant et sauvant les engins à cloche-pied. Un spectacle effroyable et réellement triste pour cette équipe qui avait de grandes chances. Elles ont fini neuvièmes alors que les huit premiers ensembles étaient qualifiés.

Résultats officiels des qualifications ensembles GR aux JO 2024

Samedi 10 août – Finale ensembles : Des performances étonnantes menant à un podium inédit

Samedi, la pression monta, les erreurs s’enchaînèrent et le jeu des réclamations s’ouvrit. Du début à la fin, le spectacle n’a cessé de mettre la salle sous tension, car tous les scénarios ont été envisagés.

La Bulgarie tenante du titre et plus que favorite après les qualifications a fait la finale qu’il ne fallait pas faire et malgré leur avance technique, les multiples erreurs aux cerceaux les ont fait tomber à la place la plus amère, celle au bas du podium ne pouvant rattraper leur retard malgré un excellent ballons-rubans qu’elles remportèrent. Scénario similaire pour l’Ukraine, deuxième à l’issue d’un superbe premier passage sur Carmen de Bizet, on croyait enfin à la médaille pour elles. Copié-collé de l’individuelle de la veille, elles ont fini dernières de l’engin mixte enchaînant les catastrophes (pertes d’engins, emmêlages) “Comment est-ce possible” clame-t-on en voyant le passage ! La dégringolade devenant quasi habituelle pour l’Ukraine, elle ne surprend plus mais désole ; à croire que les gourous engagés par Irina Viner en Russie afin de porter le mauvais oeil à son ennemie ukrainienne Deriuguina ont encore frappé.

L'ensemble d'Israël
L’ensemble d’Israël

Le podium s’est donc joué entre la Chine, l’Italie et l’Israël. Cette dernière a réalisé un premier passage avec quelques imprécisions ne pouvant montrer sa belle fin. Sixièmes au cerceau, on les avait quelque peu oubliées pour le deuxième passage et quelle fut notre surprise quand elles ont remporté la deuxième place sur la même musique que les Françaises aux rubans-ballons, grâce à un passage sans plus, mais performant, décrochant de même la médaille d’argent et volant celle-ci à l’Italie. À sept dixièmes d’écart, l’Italie méritait peut-être davantage cette médaille. Leurs exercices étaient bien plus intéressants, graphiques et techniques mais quelques erreurs les laissèrent à la troisième place, une médaille qui rappelle celle de leur individuelle Rafaelli, mais aussi celle qu’elles ont obtenu à Tokyo en 2021.

Seule la Chine réalisa ses deux passages parfaitement. Le cinq cerceaux technique et dynamique contre l’engin mixte élégant et harmonieux aux mélodies traditionnelles ont  offert avec beaucoup de surprise la première place à la Chine. Une première pour ce pays qui avait fini deuxième à Pékin en 2008.

Au final, l’Azerbaïdjan s’est retrouvée presque injustement devant la France réussissant davantage, mais proposant des exercices bien moins captivants.

L'ensemble France
L’ensemble France

Elles nous auront donc fait vibrer, pleurer et nous auront rendus fiers car jamais la France n’était si à même de faire une médaille aux Jeux ! Elles ouvraient la compétition et on y a cru jusqu’au bout, malheureusement, elles n’avaient pas le droit à l’erreur. Et c’est dommage car après l’hécatombe espagnole, les erreurs de toutes les nations avaient fait naître un réel espoir pour nos Françaises. Une chute quasiment imperceptible sur une CR aux cerceaux leur fait perdre un point par rapport à la veille. Alors quatrièmes, on y croyait encore mais l’erreur de trop s’est produite au ruban sur le Moulin Rouge quand l’une d’entre elles s’est emmêlée juste avant un pivot fouetté laissant sur le ruban un noeud pour la fin de l’exercice. Septièmes aux ballons rubans, elles se classent sixièmes de ces Jeux olympiques. Le soutien de tous les spectateurs sur place et à distance a fait oublier sur le moment les erreurs permettant à Anna Baranova de dire : « C’est un grand bonheur. On n’a pas de médailles. Et, bien sûr, il y a eu des bêtises. C’est dommage, on aura été proches, mais c’est un ensemble jeune et je suis heureuse des émotions qu’on a transmises, du niveau, de la force que les filles ont su exprimer. Quant au soutien des gens, du public, c’était magnifique. On a ressenti l’énergie de toute la salle. C’était impossible à imaginer. Ce ne sont pas mes premiers Jeux, mais je n’avais jamais eu une telle atmosphère ». 

Ces Jeux laissent un sentiment de fierté et en même temps une légère déception car malgré le sourire de l’équipe française, on sait que la médaille n’a et ne sera jamais aussi accessible que cette fois-ci.

Résultats officiels des finales ensembles GR aux JO 2024
Résultats officiels des finales ensembles GR aux JO 2024

>>Tous les résultats ici.

Bilan : Une compétition qui nous a tenus en haleine

En définitif, ces Jeux promettaient d’être exceptionnels et ils l’ont été. Surprenants, captivants, jamais il y avait tant la possibilité pour chacune de monter sur le podium que ce soit en individuel ou en ensemble. Tout était possible et surtout chaque pays et gymnaste des finales étaient foncièrement différentes que ce soit physiquement mais surtout en terme de style et de proposition chorégraphique. Cela a changé de ce qu’on a pu voir par le passé avec un podium dessiné à l’avance.

Alors certes, les Russes et les Biélorusses étaient encore absentes de ce rendez-vous international. Mais avec leur long retrait de la scène internationale, seraient-elles encore les meilleures ? Notons que les Russes étaient quand même bien représentées (Varfolomeev, Atamanov, Kolov, Vedeneeva, Tugolukova, Baldassarri,…pour ne pas être exhaustif) comme l’a si bien fait remarquer l’illustre Irina Viner à la suite de la victoire de l’ensemble chinois entrainé par la double-championne olympique Anastasia Bliznyuk, ancienne gymnaste de l’ensemble de Russie : “Là où la Russie pose ses mains, il y a toujours la victoire. C’était, c’est et ce sera ainsi”.

En tous cas, il est très regrettable de voir que le système de médailles n’évolue pas au rythme des olympiades. À quoi servent réellement les qualifications si le lendemain tout est remis à zéro ? Simple proposition, pourquoi ne pas attribuer le titre de championne olympique à l’issue des qualifications et le lendemain disputer des finales par engin, comme cela est fait chez nos cousins gymnastes artistiques ? Tout cela sans parler de l’injustice en ensemble : cinq médailles de distribuées et pas une de plus pour la remplaçante, alors que le judo ou le rugby à sept distribue deux fois plus de médailles que de joueurs ayant participé.

Concluons sur les Françaises, pour la première fois depuis longtemps, nous pouvons être réellement fiers et admiratifs du travail accompli par les entraîneurs français et leurs gymnastes. Elles ont porté avec brio les couleurs de la France chez elles devant leur public. N’est-ce pas déjà une grande victoire ?

La saison prochaine promet de beaux épisodes et sera à suivre avec grand intérêt : nouveau code, nouvelles gymnastes, nouveaux exercices… Qui continuera l’aventure et mènera alors la danse ?

La partie 1 sur les individuelles en cliquant ici

Darja Varfolomeev (GER) Championne Olympique
Darja Varfolomeev (GER) Championne Olympique
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5 Commentaires

  1. Article très interessant nous plaçant au coeur du championnat et de l’action. Narration importante laissant un témoignage sur ce qui s’st passé sur le terrain.
    Ce type de témoignage est un héritage important, il serait intéressant que les autres disciplines soient traitées de la même façon. En quelque sorte “spotgym” remplace le “Gymnaste magazine” qui était l’organe officiel FFG et relie, voire rejoint “GymTechnic” revue abandonnée également par la FFGym.

  2. Article que j’aurai pu écrire mots pour mots, le précédant également !! Je crois que de toute façon nous avons tous ressenti la même chose dans cette Arena (j’y étais le samedi) où devant notre écran, les mêmes joies, déceptions, questionnements. Un grand bravo à Spot gym et à la GR française bien sur, merci pour ces beaux JO 😉

  3. Jolie description mais pas mal d’erreurs dans l’article :
    – la gymnaste de l’équipe du Brésil était blessée avant de rentrer sur le tapis puisqu’elle est même entrée en boitant déjà , blessure faite donc en amont en salle d’échauffement

    – quand à la France le noeud dans le ruban est apparu avant l’emménage sur le fouetté suite à une mauvaise manip .

    Aussi je trouve que les remarques sur les tenues ou perceptions des chorégraphies restent subjectives et manque de développement . L’Italie a été très force de propositions avec des compos incroyablement rapides et complexes
    Pour ce qui est des tenues des Bulgare elles allaient parfaitement au thème même si les goûts et les couleurs …

    Aussi c’est dommage de ne pas avoir souligné le travail remarquable des Ouzbèques avec de très belles originalités et un 5 cerceaux avec beaucoup d’effets !

    Quand aux Chinoises il ne faut pas oublier de noter que le travail est finalement un travail russe .. poussée et aidée dans le travail par cette nation + un ancienne entraîneur médaillée dans l’ensemble .
    Beaucoup de ressemblances avec le travail russe rien donc d’avant gardiste et pas de propositions nouvelles ( des petits pas piétinés sous tous les lancers , des couronnes sur la tête et des manières ) certes le contrat et la précision étaient la mais pas l’émotion.

    Les italiennes ont été sous notées ou les chinoises sur notées ? ( alors qu’ils y avaient bcp de déplacements sous les échanges et collaborations)

  4. Résumé très complet.
    Une petite remarque : il me semble que l’Ukraine aux 5 cerceaux c’est Carmen et non le Boléro, un classique Carmen chez l’Ukraine d’ailleurs 😉 je confirme un commentaire précédent concernant la blessure de la Brésilienne, qui s’est faite en amont du passage et je soulignerais également le travail très propre de l’Ouzbékistan.
    Pour le jugement, on peut noter que l’exécution a plus ou moins fait la différence (+ que l’artistique malheureusement…) et que les israéliennes font la différence sur leur note extrêmement élevée de difficulté sur leur deuxième passage.
    Et oui, la Russie et la Biélorussie étaient présentes par procuration et par divers canaux, mais peut-on comparer des Russes naturalisées il y a quelques années, de gymnastes ou de coach présentes sur le circuit national depuis plusieurs cycles et/ou ayant grandi sur place ou étant simplement binationales ? Il serait dommage de tout ramener à un “sang russe” ou a une “méthode” biélorusse qui permettrait d’obtenir de meilleurs résultats alors que de nombreux contre-exemples existent.
    Quoi qu’il en soit, bravo à la France, et je dirais que cette finale Ensembles était à l’image de toute cette saison 2024 : imprévisible.

  5. Un très bon résumé de cette magnifique compétition par ensemble !!
    Mes petites remarques personnelles :

    – une victoire bien méritée pour la Chine, un travail exceptionnel qui remonte jusqu’au cycle précédent grâce à la superbe coach Sun Dan qu’il ne faut pas oublier, même si Bliznyuk a su apporter à cet ensemble la seule chose qui leur manquait (la stabilité… et donc des médailles)

    – J’aurais mis la Bulgarie sur le podium à la place d’Israël, malgré les erreurs aux 5 cerceaux… Elles ont un travail beaucoup plus propre et agréable à regarder, contrairement aux vice-championnes qui ont fait beaucoup d’imprécisions et un travail corporel assez douteux.

    – L’Italie, si elle avait réussi les 5 cerceaux, aurait pu gagner l’or : c’était leur gros point fort, car le mixte n’est pas sorti une fois complet et propre cette année… Je suis heureuse qu’elle ne l’ont pas loupé, car elles proposent tout de même une belle gymnastique

    – Même après les 5 cerceaux, je ne voyais pas l’Ukraine sur le podium… un ensemble qui s’est amélioré mais qui pour moi manque encore quelque chose pour être au top.

    – Grande surprise du côté de l’Ouzbékistan, qui s’est qualifié pour ces Jeux d’une manière assez douteuse devant le Japon… mais elles ont fait le job, et se sont bien améliorées depuis le début de l’année

    – L’Azerbaïjan qui finit 5e, à la fois incompréhensible mais pas si choquant. Je pense qu’elles manquent de moments “wow” et de grands lancers dans leurs compositions, ce qui donnent un impression de moins grande difficulté.

    – Très fière de notre ensemble France!! Malgré l’erreur au mixte en finale, elles ont été très stables tout au long de la compétition et peuvent être contentes d’avoir montré leur travail devant un public en feu. J’ai hâte de voir ce que ça va donner au prochain cycle…

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