Des gymnastes allemandes dénoncent des abus vécus au cours de leur carrière

Tabea Alt et Carina Kröll se sont exprimées samedi sur leur compte Instagram, dénonçant les abus vécus pendant leur carrière au sein du centre fédéral de Stuttgart, où elles s’entraînaient, et de manière plus générale de la part de la fédération allemande.

Carina Kröll (à gauche) et Tabea Alt (à droite), aux côtés d’Elli Seitz et Kim Bui. Photo IMAGO / Pressefoto Baumann

La parole continue de se libérer et le silence de se briser. Après l’affaire Larry Nassar, l’ancien médecin de l’équipe nationale américaine accusé par plus de 150 gymnastes américaines, dont Simone Biles, Aly Raisman et McKayla Maroney, d’abus sexuels sous couvert de traitements médicaux, de plus en plus de gymnastes prennent publiquement la parole afin de dénoncer les abus physiques, émotionnels ou encore sexuels vécus au cours de leur carrière.

Ce samedi, ce sont les gymnastes allemandes Tabea Alt et Carina Kröll qui se sont exprimées sur leur compte Instagram, dénonçant des pratiques d’entraînement abusives, de pressions excessives pour performer et de comportements inappropriés vécus au sein de leur structure d’entraînement à Stuttgart.

Pendant longtemps, j’ai hésité à m’exprimer publiquement sur les dysfonctionnements de Stuttgart, mais aussi de la gymnastique féminine allemande en général” , écrit Tabea Alt, médaillée de bronze mondiale à la poutre en 2017 à Montréal. Dans un long post Instagram, elle explique avoir écrit une lettre il y a trois ans à ses entraîneurs à Stuttgart, à l’entraîneur national, au président de la DTB, au médecin de l’équipe et à d’autres responsables afin d’identifier certains dysfonctionnements dans son centre d’entraînement à Stuttgart et de manière plus générale dans la gymnastique féminine allemande. “J’ai proposé des solutions explicites sur la manière dont je souhaitais m’impliquer dans ce contexte et sur les possibilités qui existaient, selon moi, de résoudre ces dysfonctionnements et de PROTÉGER les jeunes talents encore actifs à l’époque des erreurs commises chez moi. Je pensais ainsi avoir fait un premier pas vers le changement. Sans devoir exposer les gens en public. J’ai dû constater avec regret que cela n’a pas eu de succès et n’a mené à rien. Cela a été ignoré ou tout simplement pas pris au sérieux.”

Aujourd’hui âgée de 24 ans, Tabea Alt reproche aux entraîneurs et aux fédérations d’avoir “délibérément mis sa santé en danger pendant toutes ces années (…) en ne respectant pas les prescriptions médicales et en me faisant faire de la gymnastique avec plusieurs fractures et en m’envoyant en compétition“.

Tabea Alt pose également les mots sur ces traumatismes, évoquant une prise de conscience dénonçant des “abus physiques et mentaux systématiques” et ciblant “les troubles alimentaires, l’entraînement criminel, les analgésiques, les menaces et les humiliations.”

Ne se considérant pas comme un cas isolé, l’ancienne gymnaste souhaite que sa prise de parole permette de faire avancer les choses et puisse permettre de continuer à briser le silence. “Nous devons être entendus !” , poursuit-elle. “Il s’agit de jeunes gens, de leur santé et du fait que leur carrière ne s’arrête pas avant même d’avoir commencé. Il s’agit également de protéger le plus beau sport du monde. Ce système doit changer pour pouvoir évoluer.”

Tabea Alt n’est pas la seule à avoir pris publiquement la parole. Carina Kröll s’est également exprimée. “Il est temps de changer“, commence-t-elle par écrire. “Je partage mon histoire ici (…) Je ne fais pas ça pour moi mais pour la génération à venir. Pour faire des sports de performance un endroit où les enfants peuvent grandir sans se ruiner.

Plus jeune gymnaste allemande à avoir remporté une coupe du monde au sol, Carina Kröll s’est longuement confiée sur sa carrière, évoquant par exemple une triste anecdote sur son poids. “Quand j’avais 17 ans, on m’avait demandé de perdre 5 à 6 kilos dans les semaines suivantes.” La raison évoquée ? ” À cause de mon poids, je ne pouvais faire les répétitions dont j’avais besoin et il n’y avait plus aucune chance de me développer davantage. J’étais soi-disant à ma limite.” Elle mesurait alors 1,64 mètres et pesait 52 kg. “Un poids tout à fait sain. Néanmoins, j’ai été classée comme trop lourde. On m’a dit qu’en raison des changements de règles dans le Code de Pointage, ils ne voyaient plus beaucoup de chances de me recommander à l’international.”

Quatre ans plus tard, elle participait aux championnats d’Europe et cinq ans plus tard aux championnats du monde, grâce à sa double nationalité et à la confiance de l’entraîneur autrichien de l’époque.

Une pression sur son poids qui lui laisse encore aujourd’hui des séquelles. “J’aurais toujours du mal à manger du chocolat sans penser aux calories” , confie-t-elle.

Après ces premières déclarations, d’autres ont suivi. Kim Bui ou encore Janine Berger ont à leur tour pris la parole sur leur compte Instagram. Des témoignages qui se révèlent être de véritables appels à la prise de conscience et au changement. Des témoignages visant à lutter contre la culture du silence qui entoure souvent le sport, avec des gymnastes qui ont souvent peur de parler, par peur de compromettre leur carrière.

Suite à ces prises de parole, la fédération allemande de gymnastique (DTB) s’est exprimée par via de communiqué, indiquant prendre au sérieux le débat public et la santé mentale des gymnastes de haut niveau. Une enquête va être diligentée afin de mettre la lumière sur les éventuels comportements fautifs des entraîneurs et de prendre des mesures concrètes, révèle le média allemand sportchau.de.

En France, dans un reportage diffusé sur Stade 2 en mai 2023, six anciennes gymnastes de l’équipe de France ont témoigné des violences physiques et psychologiques subies au cours de leur carrière, débouchant sur la suspension à titre conservatoire de la cadre, agent d’état, visée dans le reportage en attendant la conclusion de l’enquête.


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