Compétition et plaisir au Top 12 de l’espoir

Il y a un an, la France et plusieurs pays du monde débutaient un confinement qui durera plusieurs semaines. Un confinement entraînant l’arrêt net des entraînements, à quelques mois à peine des Jeux Olympiques de Tokyo. Depuis ce mois de mars 2020, les annulations de compétitions se sont enchaînées. Annulation des championnats de France élite, des étapes de coupe du monde, report des Jeux, le monde de la gymnastique tournait au ralenti. Si les athlètes de haut-niveau ont finalement pu reprendre les entraînements quasi-normalement, la réalité est malheureusement toute autre dans les clubs ou les gymnastes sont à l’arrêt depuis des mois, entraînant ainsi l’annulation de l’ensemble des championnats de France par équipes. Seul l’un d’eux a survécu : le Top 12, championnat regroupant les 12 meilleures équipes féminines et masculines en gymnastique artistique. Un Top 12 toutefois remanié, où le titre se jouait sur une seule journée, et en un seul lieu.

Les féminines étaient les premières à entrer en lice. C’est à Haguenau, samedi 27 mars, que les gymnastes se sont retrouvées. À huis clos et sans spectateurs. Un moment chargé en émotions et en prise de plaisir.

Favori de ce Top 12 féminin, Avoine s’est largement imposé, décrochant le premier titre de son histoire, avec près de 10 points d’avance sur Meaux, deuxième. Une équipe d’Avoine qui avait sorti l’artillerie lourde et qui avait fait le pari de ne pas diminuer les contenus de ses mouvements. Un pari gagnant puisqu’avec de belles notes de départ et de belles exécutions, Carolann Heduit, Kaylia Nemour, Léa Franceries, Maeva Guery, Chiara Castelluci, Chloris Fouace et Claire Pontlevoy (remplaçante) ont survolé la compétition. Une fierté pour le club et pour les proches des gyms. “Je suis très heureuse de la compétition de ma fille” , confiait  d’ailleurs Stéphanie, la maman de Kaylia, le lendemain de la compétition. “Je suis extrêmement fière de Kaylia car c’est un travail titanesque au quotidien. Il faut du physique mais aussi du mental et encore plus depuis la Covid qui l’a privée des championnats d’Europe juniors l’an passé. Elle garde sa motivation et ne perds pas de vue son objectif.”

Avec 14.200, Kaylia Nemour (13 ans) a une nouvelle fois impressionnée aux barres asymétriques. La vidéo de son passage a fait le tour de l’Europe, tous attendant avec impatience son entrée en senior. Sa coéquipière Carolann Heduit, opérée d’une fracture de la cheville il y a quelques mois, a elle aussi confirmé son bon état de forme, totalisant 52.750 points au total. Le meilleur total sur cette compétition avec Marine Boyer. Mais si Kaylia et Carolann, les leaders de cette équipe d’Avoine étaient attendues, il y a une autre gymnaste qui a créé la sensation. Connue par les plus initiés, beaucoup l’ont découvertes à Haguenau. Léa Franceries (2004) a marqué les esprits, obtenant la meilleure note de la compétition au saut grâce à une double vrilles et la deuxième meilleure note au sol. “J’avais hâte de pouvoir rematcher” , lance-t-elle avant d’ajouter : “Pendant l’échauffement de la compète, j’avais un peu de stress mais une fois sur le plateau j’avais envie de tout déchirer !” Une envie de surpasser qui lui a fait pousser des ailes… Car Léa a été l’une des gymnastes les plus remarquées du week-end. “Je pense avoir fait une assez bonne compète, avec quand même quelques erreurs comme ma chute en poutre, mais sinon je suis très contente parce que j’ai rentrée plein de nouveautés et c’est la première fois que je matche sur les 4 agrès, donc je suis super contente.” 

Parmi les nouveautés présentées, le Ginger aux barres, le twist double, le full in au sol ou encore la double vrilles au saut. Une double vrille qui lui a valu de décrocher la meilleure note de la compétition à cet agrès.

Meaux lâche le titre mais reste toujours aussi solide
Tenantes du titre, les Meldoises ne se présentaient pas avec les mêmes atouts que les années précédentes. Elles visaient un Top 4 et ont finalement terminé 2emes. “Avant la compétition, notre objectif était de terminer dans les 4 premières” , éclaire Marine Boyer, la capitaine de l’équipe. “On était en effectif réduit, il manquait Julia, qui revient de blessure, et Alisson qui est maintenant aux Etats-Unis, donc on visait un Top 4. On s’était dit que si on faisait une médaille, ça aurait été super ! On a joué stratégiquement, on a mis des contenus plus simples mais c’était propre donc le résultat était là. Au final, on termine deuxième, c’est trop bien ! On est toutes très très fières. C’est vraiment un résultat parfait, on n’aurait pas pu faire mieux.

Pour Marine, la victoire d’Avoine n’est pas une surprise et personne ne méritait plus le titre qu’elles. “On savait très bien qu’Avoine avait un niveau largement supérieur au nôtre” , analyse-t-elle. “On avait des contenus plus simples et lorsque j’étais en stage à Avoine avec le collectif France et que j’ai vu les filles s’entraîner, je savais très bien qu’elles allaient gagner, il n’y avait pas de doute là-dessus.

Un retour à la compétition que la vice-championne d’Europe à la poutre en 2016 a savouré. Car si elle a la chance d’être convoquée à des tests avec le collectif France senior, ce Top 12 était pour elle un retour à la vraie compétition. “Ça faisait un an qu’on n’avait pas fait de compétition… ça fait tellement plaisir de ressentir ce que tu n’avais plus ressenti depuis longtemps. Les compétitions, c’est tellement autre chose, tellement une autre ambiance, ça m’a fait énormément de bien. En plus en équipe, en Top 12, avec ma team c’était génial” , sourit celle qui, malgré des contenus allégés, a obtenu le meilleur total points sur les 4 agrès (52.750 points), ex-aequo avec Carolann Heduit.

Et si cette médaille d’argent est une belle performance collective, d’un point de vue personnel, ce Top 12 représente également beaucoup pour Marine, qui a connu quelques coups durs ces dernières semaines. “La préparation a été assez difficile pour moi car je m’étais bloquée le dos il n’y a pas très longtemps à l’entraînement et c’était assez dur moralement“, confie-t-elle. “Au Top 12, je suis revenue sur les 4 agrès, et voir le total que j’ai réussi à faire malgré des contenus allégés et une préparation difficile, je suis très satisfaite. J’ai fait un bon tour sans chute, et pour le moral, c’est tellement gratifiant.”

Avoine en or, Meaux en argent et le bronze pour Haguenau qui a renoué avec le podium sur ses terres. Un podium que le club n’avait plus atteint depuis 2013. “Nous sommes fières du résultat et de ce qu’on a pu montrer avec l’équipe” , sourit Mathilde Wahl. Un avis partagé par sa jeune coéquipière Lucia Dul. “On s’est battu pour enfin être sur le podium. Le travail paie toujours et maintenant on va essayer de garder ce titre les années suivantes.” Lucia Dul qui réalise d’ailleurs l’un des meilleurs total points sur les 4 agrès, dépassant la barre des 50 points, décrochant par la même occasion son ticket pour les championnats de France élites planifiés en juin prochain.

Saint-Etienne au pied du podium 
Privé de Lorette Charpy, opérée du genou mardi, et avec seulement 4 gyms dans l’équipe, le club de l’Indépendante stéphanoise a réussi à se hisser à la quatrième place. “Avec la blessure de Lorette, tout s’est un petit peu effondré” , livre Serena, la grande soeur de Lorette, également membre de l’équipe stéphanoise. “Les objectifs ont donc été revus largement à la baisse. Cette quatrième place est un bon résultat mais terminer plus loin aurait été décevant. Finalement, je me rends compte que l’on a peut-être un petit peu manqué d’ambition car le podium n’était pas si loin et en effaçant quelques erreurs, cela n’aura pas été illusoire de viser une troisième place.”

En étant seulement 4 dans l’équipe, Serena Charpy, Clarisse Passeron, Maewenn Eugene et Clara Cardosa n’avaient pas de joker. Toutes étaient donc obligées d’évoluer sur les 4 agrès. “Peut-être que le fait de n’être que 4 dans l’équipe a rajouté du stress” , explique Serena. “En tout cas, j’espère que l’année prochaine je pourrai à nouveau être dans l’équipe et sur le podium mais cette fois-ci avec Lorette à mes côtés.

Si Serena est la moins connue des soeurs Charpy, elle est en revanche celle qui a le profil le plus atypique. Interne en huitième année de médecine, Serena jongle avec ses études supérieures et ses entraînements de gymnastique ! Un quotidien rythmé et un parcours personnel qui fascinent. “J’ai très peu de disponibilités pour m’entraîner car mes contraintes professionnelles me prennent énormément de temps. De plus, avec le Covid, je n’ai plus accès à la salle d’entraînement comme c’était le cas avant” , explique l’aînée des soeurs Charpy. “Je m’entraîne donc très tard, grâce à la dérogation fédérale distribuée aux membres des équipes Top 12, ou sur mes repos de garde, à raison de 7 heures par semaine.” Si les heures d’entraînement ont manqué, sa préparation a également été marquée par le départ de son entraîneur. “Cyrille Valette, mon entraîneur depuis 2011, a quitté le club après le premier confinement pour de nouvelles aventures, donc ça a été un gros coup dur pour moi. Sans parler du fait que je ne devais pas participer à la compétition, cela s’est décidé tristement après la blessure de Lorette.”

Suite à la blessure au genou de Lorette, Serena a donc dû remplacer sa soeur au pied levé. Une mission qu’elle a pleinement relevée… Non sans stress toutefois. “J’étais bien consciente que cela était une perte immense pour le club et que mon niveau ne me permettrait pas de garder une équipe compétitive donc je me suis mis beaucoup trop de pression sur ces quelques semaines de préparation” , commence-t-elle avant de préciser. “J’étais vraiment très stressée parce que ma dernière vraie compétition datait de mai 2019. Mais finalement pour une fois, je vais dire que je suis très satisfaite de moi car je suis parvenue à faire tout ce que je voulais. Je suis contente de ma prestation car à part quelques petits détails, il était impossible pour moi de faire mieux. J’aime beaucoup les compétitions équipe, c’était mon 11eme Top 12 mais la dernière fois que j’avais fait les 4 agrès, c’était en 2014.”

Sept ans après, Serena se retrouve donc de nouveau à présenter les 4 agrès. À 24 ans, alors qu’elle est étudiante en 8eme année de médecine et qu’elle n’encaisse plus les mêmes entraînements qu’avant. Telle une guerrière, une super-héroïne même, qui se surpasse constamment. Et qui ne se lasse jamais. “Plus la compétition avançait, plus je me disais que cela m’avait manqué. Et même si on me dit souvent que je suis trop vielle, je me dis que l’on peut encore se faire plaisir en Top 12 à 24 ans !” Une passionnée tout simplement.

Si Lorette a été contrainte de déclarer forfait à cause de sa blessure contractée au genou lors d’un entraînement à la poutre début mars, elle a revanche participer à la compétition… d’une toute autre manière. La Stéphanoise était consultante pour France TV. “Ça s’est fait un peu à la dernière minute mais j’ai adoré cette expérience” , sourit la médaillée de bronze à la poutre en 2019. “Au début, j’ai eu un peu de mal à m’imposer car c’était tout nouveau pour moi et puis au fil du temps qui passait, je me suis sentie de plus en plus à l’aise.” Une première plébiscitée par les amoureux de la gym qui ont multiplié les messages positifs tout au long du week-end, la plébiscitant même pour commenter les championnats d’Europe. Une idée qui ne déplairait pas à la principale intéressée.

Combs-La-Ville, le petit Poucet qui entre dans le Top 5
Ce Top 12 a également été marqué par le bon au classement du club de Combs-La-Ville ! Arrivé en Top 12 en 2019, le club seine-et-marnais, à la lutte pour le maintien les saisons précédentes, a su se hisser dans le Top 5. “En partant à Haguenau, nous nous étions fixées comme objectif d’être dans les 8 premières équipes du Top 12. Une fois sur place, et en ayant regardé un peu ce qui se faisait au cours de l’entraînement de la veille, on s’est dit qu’avec un bon match, nous pouvions allé chercher la 5eme place. C’est chose faite !” , se félicite Marion Chamarande, l’une des deux entraîneures de l’équipe Top 12 de Combs-La-Ville.

Une équipe de Combs-La Ville, qui comptait dans ses rangs une nouvelle recrue en la personne de Camille Bahl (ancienne membre de l’équipe de France, NDLR), et qui a débuté à la poutre. “C’était à double tranchant” , lance la coach. “Si tout se passait bien, la compétition était lancée et les filles libérées et si jamais cela ne se passait pas comme nous l’avions espéré, il aurait fallu trouver les ressources pour relancer tout le monde. Au final, nous fait une prestation mitigée mais les filles se sont bien battues et c’est le principal.”

À Haguenau, les gymnastes voulaient avant tout prendre du plaisir mais également montrer qu’avec de l’envie, de la passion et du travail, il est possible de faire de grandes choses, même sans s’entraîner en structure de haut-niveau. Montrer qu’avec un collectif sérieux et soudé, rien n’est impossible. “Quoiqu’il arrive on voulait tout donner, et surtout on voulait prendre du plaisir ! On voulait le faire pour les filles, pour le club, et aussi pour ces milliers de jeunes gymnastes qui n’ont pas accès à leur salle depuis une éternité. On avait vraiment à coeur de profiter de ce moment privilégié” , confie la coach.

Un moment privilégié qui fait figure de récompense également. Surtout pour toutes ces gymnastes qui jonglent entre leurs études supérieures et leurs entraînements. “Les filles sont en fin de carrière, leur emploi du temps ne leur permet pas de venir plus de 2 ou 3 fois par semaine pour certaines, donc on essaie d’être efficace mais ça n’est pas simple de se maintenir au niveau dans ces conditions en temps normal, alors dans les conditions sanitaires que tout le monde connaît depuis deux saisons, ça l’a été encore moins. Les filles se sont impliquées avec beaucoup de sérieux et d’engagement dans cette préparation, c’est vraiment une super récompense pour elles, pour nous, et pour le staff de CACV cette 5eme place !

Cette saison, le Top 12 avait donc une saveur toute particulière puisqu’il marquait le retour à la compétition. Des gymnastes mais également des juges. “Tout le monde était très content de se retrouver, que ce soit les juges, les gymnastes, les entraîneurs, les membres de la fédération présents, les bénévoles du COL, etc. Nous avons assisté à une très belle compétition remportée largement par le club d’Avoine qui a survolé ses concurrents” , livre un des juges présents à Haguenau. “Cette compétition par équipes est la seule à être sur le code FIG. Ce programme, à l’instar du code FIG aménagé (souvent utilisé en France pour les compétitions par équipes), demande aux gymnastes de réaliser des difficultés sans commettre de fautes. C’est ainsi que les gymnastes ont présenté des programmes maîtrisés dans la majorité des cas. En règle générale, le niveau était bon et nous avons eu la chance d’assister à quelques mouvements de valeur mondiale.”

Un Top 12 2021 également inédit dans son format puisqu’aucune équipe n’était reléguée. Seul championnat par équipes à se tenir cette saison, aucune descente en Nationale A1 ne pouvait avoir lieu puisqu’aucune montée de Nationale A1, le championnat n’ayant pas pu se tenir, ne pouvait avoir lieu. Un soulagement donc pour toutes les équipes qui, après une année blanche et des entraînements en dent-de-scie pour certaines, savaient que ce Top 12  là ne serait pas leur dernier…

Charlotte Laroche

Lire aussi

Le journal de bord d’une juge Top 12

Article précédentLe journal de bord d’une juge Top 12
Article suivantBlessé à l’épaule, Lucas Desanges a été opéré

LAISSER UN COMMENTAIRE

Merci d'inscrire votre commentaire !
Merci d'indiquer votre nom