[JOURNAL DE BORD] Après un an sans compétition, les juges ont pu recommencer à juger lors du Top 12 de gymnastique artistique masculine et féminine qui s’est tenu les 27 et 28 mars à Haguenau pour les féminines et Montceau-Les-Mines pour les masculins. Camille, l’une des juges présente à Haguenau, revient sur ce grand retour à la compétition. Un moment qu’elle a savouré, telle une grande passionnée.
“Initialement, je ne devais pas prendre part au Top 12 2021 et ne pas juger. Mais quelques jours avant la compétition, un de mes amis m’a appelée. Il avait un empêchement et ne pouvait plus faire le déplacement à Haguenau pour juger pour son club. Il souhaitait que ce soit moi qui le remplace. La décision ne fut pas si facile à prendre car je ne devais plus juger mais, parce que l’amitié fait partie des valeurs importantes pour moi, j’ai accepté de me lancer dans l’aventure, même si je ne connaissais pas vraiment les personnes avec qui j’allais la vivre… mais la passion rassemble toujours !
Avec le contexte que l’on connaît, mon dernier jugement remontait au 29 février 2020 avec le match Avoine/Combs-La-Ville. Heureusement que juger est plus qu’une passion et donc depuis, je continuais à faire de la vidéo. J’ai jugé tous les Europes, le championnat de Russie ains que les vidéos publiées sur un groupe Facebook consacré au jugement et créé par le responsable nationale des juges. Evidemment ce n’est pas comme le réel mais ça permet de garder certains automatismes.
Sur place, sur 16 juges, environ la moitié était dans le même cas que moi, l’autre moitié faisant partie du collectif des juges placés auprès des collectifs nationaux. Ils avaient donc déjà pu se retrouver lors de stages, tests ou revues d’effectifs. Cela permettait d’avoir un bon équilibre et je ne me sentais pas seule. Et puis ce sont souvent les mêmes juges qui sont sur les matchs Top 12, donc on se connaît assez bien.
En arrivant sur place, les conditions sanitaires ont obligé des mesures particulières. C’était un peu bizarre car on ne savait pas trop si on pouvait se déplacer, se parler, etc. Finalement, au fil du week-end et toujours en faisant très attention, tout cela s’est détendu et on s’est retrouvé avec joie. C’est à partir de là que j’ai mesuré la chance que j’avais de participer à cette compétition. J’ai pensé à tous les juges qui ne peuvent plus pratiquer leur passion depuis plus d’un an. Je crois que l’ensemble des acteurs (gymnastes, entraîneurs, juges) réalisent la chance qu’il a de pouvoir pratiquer sa passion, son métier, et mesure l’envie qu’ils peuvent susciter à travers les clubs du territoire de pouvoir (s’)entraîner. Je crois que l’on a tous penser une fois dans le week-end aux centaines de milliers de gens, d’athlètes, de gymnastes qui en sont privés.
Je jugeais au sol. J’appréhendais de juger avec le masque, surtout en tant que binoclarde. C’est pas agréable mais on s’y fait, surtout que l’on n’a pas le choix. Ce qui était aussi différent de d’habitude c’est que les gymnastes ne se présentaient pas devant nous. J’avoue que cela m’a manquée, car en temps normal, je trouve que cela crée quelque chose entre le jury et le gymnaste, une complicité. J’aime bien ce court moment.
J’ai ressenti beaucoup d’émotions, à divers moments. Etant au sol, j’ai vécu la compétition intensément, au rythme des musiques, des émotions transmises. J’ai un rapport très particulier avec l’artistique. Il y a vraiment des sols qui m’ont touchée, comme celui d’Alexandra Lens de Colomiers sur “Ne me quitte pas”. J’ai découvert aussi le sol de Mathilde Wahl d’Haguenau, un vrai bijou, ou encore celui de Clarisse Passeron de Saint-Etienne dont le lien entre le rythme de la musique et l’exécution artistique est superbe. Je pense aussi au sol de Charline Denys de Dunkerque avec un style auquel je ne m’attendais pas et qui a éveillé mon épiderme. Et puis bien sûr, il y a Sheyen Petit (Rouen) qui est divine et mention spéciale également à la Queen Marine Boyer (et Adriana Pop) sur “Don’t stop me now.”
Nous avons eu de superbes performances avec Léa Franceries et Kaylia Nemour (Avoine) ou Oriane Segaux et Morgane Osyssek (Haguenau), mais ce que je voudrais vraiment souligner, c’est l’engagement de l’ensemble des gymnastes. Le niveau était très hétérogène pour ce Top 12 mais chacune a su s’engager pour son club. Des plus jeunes aux plus expérimentées, quelque soit leur parcours, qu’elles s’entraînent quelques heures ou des dizaines d’heures, et ce malgré les conditions d’entraînement parfois très difficiles, des entraînements tronqués, des cas de COVID parmi les collectifs, l’absence de renfort étranger conforme à la réglementation fédérale, mais toutes se sont engagées à fond pour porter haut les couleurs de leur club.
J’ai également pu vivre d’autres moments forts : l’équipe de Saint-Etienne qui a rendu hommage à Lorette Charpy, blessée ; Céline Pitre (42 ans) qui a remis le justaucorps avec sa fille et son papa dans les gradins pour permettre à son club (Beaucaire) de matcher, je ne sais pas si beaucoup l’aurait fait ; le fait que Claire Pontlevoy ait été associée à la victoire d’Avoine ; la présence toujours forte de Clara Beugnon et Camille Bahl dans l’équipe de Combs-La-Ville ; la présence d’Anne Kuhm dans l’organisation ; les gens heureux de se retrouver et l’accueil que j’ai reçu de la part des juges et des entraîneurs qui ne savaient pas que je serais là. Cela m’a fait chaud au coeur. On avait l’habitude de se côtoyer très régulièrement et on était heureux de pouvoir enfin se parler en “vrai”.
On pourra dire “Le Top 12 2021, on y était !” Nous les juges, on est toujours un peu dans l’ombre. On était très heureux de remettre notre tailleur ajusté, de ressortir les stylos et le code de pointage pour partager ce moment suspendu.
Pour finir, je crois qu’il est important de remercier tous les clubs d’avoir joué le jeu jusqu’au bout malgré les embûches dues à la situation sanitaire. Il est important aussi de remercier tous les bénévoles du club organisateur de nous avoir accompagné durant le séjour.”