
Les deux anciennes gymnastes et plongeuses, Clara Della Vedova et Maxine Eouzan, ont réalisé l’ascension du Kilimandjaro début janvier. Une aventure humaine et sportive inoubliable. Elles racontent.
Spot Gym : Clara, Maxine, avant de rentrer dans le vif du sujet et de s’intéresser à votre ascension du Kilimandjaro, petit retour en arrière qui permet de revenir sur votre parcours d’athlète de haut-niveau.
Clara Della Vedova : J’ai débuté la gym à l’âge de 6 ans avant d’arrêter fin 2012. Je suis passée par le pôle espoir de Créteil avant d’intégrer l’INSEP en 2009. J’ai participé à plusieurs compétitions internationales comme les championnats d’Europe, les championnats du monde et le Test Event en 2011, compétition qualificative pour les Jeux de Londres. Ensuite, je me suis rompue le tendon d’Achille deux mois avant les Jeux de Londres et j’ai mis un terme à ma carrière quelques mois plus tard, en décembre 2012. Dans la foulée, j’ai commencé le plongeon. Maxine, avec qui je partageais ma chambre à l’INSEP, en faisait et elle m’a donné envie d’en faire. Je me souviens j’ai annoncé l’arrêt de ma carrière de gym à mes entraîneurs et cinq minutes après je suis allée à la piscine voir l’entraîneur du plongeon. J’ai fait un essai et ça a tout de suite pris. J’y suis restée pendant 4 ans, jusqu’en 2017. J’ai participé aux championnats d’Europe et à quelques grands prix. J’ai adoré cette transition. Je prenais plaisir à aller à l’entraînement et c’était une très bonne chose afin de faire le deuil de la gymnastique. Le plongeon a été une très belle étape de reconversion avant d’arrêter complètement le sport de haut-niveau et de quitter définitivement l’INSEP.
Maxine Eouzan : J’ai pratiqué la GAF de 3 à 9 ans sur le club de Champigny-sur-Marne. Ensuite, j’ai fait de la gym acrobatique de mes 9 ans à mes 15 ans à Bois Colombes. J’ai fait 3eme aux Europes et 5eme aux Mondes. Ensuite j’ai fait du plongeon de mes 15 ans à mes 21 ans. J’ai fait des championnats d’Europe, des championnats du monde et j’ai arrêté 6 mois avant les Jeux de Rio, en 2016. J’en avais marre, j’ai explosé en vol. Je faisais du sport de haut-niveau depuis tellement petite et tout est venu d’un coup, je n’en pouvais plus. Mon arrêt à ce moment-là a été la meilleure décision de ma vie ! Même si sur le coup c’était dur, surtout que les Jeux Olympiques reste quand même l’objectif ultime de tout sportif à l’INSEP, mais c’était la meilleure décision à prendre. Ça ne me rendait plus heureuse donc c’est une décision que je n’ai pas regrettée.
Place au Kilimandjaro maintenant. Comment vous est venu l’idée de faire cette ascension ?
Clara : L’an dernier, j’avais vu un reportage dans l’émission Les Grands Reportages sur TF1 et il faut savoir qu’à l’époque je faisais beaucoup de missions dans les DOM-TOM pour le travail en tant qu’infirmière. J’étais nostalgique de cette époque et quand j’ai vu le reportage ça m’a donné envie de vivre cette aventure. Moi qui adore voyager et les défis sportifs ça m’a tout de suite donné envie de le faire. À ce moment-là, j’étais limite prête à partir le mois d’après (Rires). J’en ai alors parlé à Maxine et elle a adoré l’idée. Elle a trouvé une agence de voyage avec qui partir et on s’est inscrite en juillet.
Comment se prépare-t-on pour le Kilimandjaro ?
Clara : C’est toute une préparation car il faut beaucoup de matériels, d’habits de haute-montagne, de médicaments. Sinon, au niveau de la préparation physique, cette ascension n’a pas nécessité de préparation particulière parce qu’on est sportive. Avec la gym, le plongeon et maintenant le cross-fit que je pratique 3-4 voir 5 fois par semaine, j’étais en forme physiquement. Surtout que le cross-fit est un sport complet donc je n’ai pas eu besoin de faire d’autres préparations.
Maxine : Je n’ai pas fait de préparation particulière. D’ailleurs, en décembre, juste avant de partir, je n’ai rien fait du tout. Il y avait les fêtes et je n’avais pas envie d’aller faire du sport (Rires). Mais de part notre passé de sportive de haut-niveau, le Kili, sportivement parlant, ne m’inquiétait pas donc je n’ai pas fait de préparation particulière. En plus, j’avais une copine qui avait fait le Kili avant moi et elle m’avait dit ‘Franchement Max repose toi, t’inquiète’. Ce que j’appréhendais le plus, c’était la gestion du mal des montagnes et pour ça, il n’y pas de préparation. Mais le fait d’y aller avec Clara, ça me stressait moins car je savais qu’on allait se marrer et que ça allait être super. Et franchement c’était ouf !
Clara : C’est vrai que ce n’était pas le physique qui nous inquiétait. Par contre, j’avais lu beaucoup d’articles sur la haute-montagne et c’était le mal des montagnes qui m’inquiétait. Car on peut être sportif de haut-niveau et être très bien préparé physiquement mais ne pas supporter l’altitude. En plus, c’est quelque chose qu’on ne peut pas anticiper donc mon appréhension était plus d’avoir le mal des montagnes. Je l’ai eu un petit peu sur la fin mais ça va, il ne m’a pas empêché d’aller au bout.
Justement, ce mal des montages, comment l’avez-vous vécu ?
Maxine : Moi, j’ai l’ai eu assez rapidement mais c’était vraiment gérable. De base, je suis quelqu’un qui a souvent mal à la tête donc forcément avec l’altitude je savais que ça n’allait pas s’arranger. Le premier jour, je n’ai rien eu. Le 2eme jour, j’ai eu beaucoup de remontées acides, très mal à l’estomac et hyper mal au crâne ! Mais on avait de la chance car dans notre groupe, il y avait 3 médecins, 2 infirmières, dont Clara, et c’est vrai que c’était hyper rassurant. Dès qu’on avait un souci, Martin, qui est médecin généraliste, venait directement vers nous avec des médicaments. Je me souviens, ce fameux deuxième jour où je commençais à avoir le mal des montagnes, il m’avait donné un médicament et en 5 minutes c’était passé. Sur les autres jours, je n’ai plus été gênée et c’est revenu le jour de l’ascension finale. À partir de 5200 mètres, j’avais mal à la tête et des nausées. Le matin, en me levant, j’avais mal au ventre mais c’était plutôt un mal de ventre de stress. Alors je n’avais rien mangé au petit dej et c’est passé assez vite. Ma stratégie s’était révélée payante. Mais, c’est Clara qui a commencé à se sentir mal au 5000.
Clara : Oui moi j’ai eu le mal des montages sur la dernière partie. Même si on faisait beaucoup de poses, je n’avais pas le temps de boire, de manger et de reprendre mon souffle. Je sentais que j’avais besoin de prendre plus mon temps alors on a fait deux groupes afin que chacun puisse aller à son rythme. Sur la dernière montée, je me suis sentie comme un zombie, comme si ma tête était hors de mon corps. C’était hyper bizarre comme sensation ! J’avais mal à la tête, envie de vomir, et j’allais vraiment lentement. Au sommet, on est à 10% d’oxygène dans l’air, la différence par rapport à ce qu’on connaît est énorme. Et à ce moment-là, le manque d’oxygène se faisait vraiment ressentir. Mais malgré toutes ces sensations, je suis allée au bout.
Maxine : Quand j’ai vu que Clara ne se sentait pas bien, je suis restée avec elle dans le deuxième groupe. Je n’ai pas hésité une seule seconde. On faisait cette aventure à deux et je voulais qu’on arrive au sommet ensemble. Mais le fait de marcher plus lentement a fait que j’ai commencé à avoir froid et sur cette dernière montée, j’ai commencé à ne pas me sentir très bien.
Malgré ce mal de montages et ce qu’il a pu entraîner comme symptômes, une fois que vous arrivez au bout arrivée, qu’est-ce qu’on ressent ?
Clara : On ressent des choses magiques ! Moi, j’ai fondu en larme ! J’ai pleuré. Le moment est magique et puis on a fourni tellement d’efforts que toutes les émotions ressortent d’un coup. On se sent soulagées et heureuses de l’avoir fait. On est fières. C’est indescriptible comme sensation.
Maxine : Quand j’ai vu Clara pleurer, et une autre femme du groupe pleurer, ça m’a fait pleurer en deux secondes ! De voir l’émotion de Clara dans ses yeux, je trouvais ça tellement beau de la voir comme ça, c’était un moment magnifique. Et puis le fait qu’on y soit arrivé toutes les deux ensemble, ce trop plein d’émotions a fait que tu ne peux pas retenir tes larmes. On avait un lever du soleil magnifique en face de nous, on en a chié sur les derniers mètres, on était parti à 23h30, il était 6h30 du matin, la fatigue de toute la semaine qui s’était accumulée, et tout est remonté d’un coup. Un moment que je n’oublierai jamais. Et ce qui était drôle, c’est que je pleurais et rigolais en même temps. J’étais tellement heureuse d’être là. Je vivais un moment magique.
Comment s’est déroulée l’ascension ? Comment s’organise la montée jusqu’à l’arrivée finale ?
Clara : On est parti le 6 janvier de France. On a atterri le 7 en Tanzanie et le 8 on partait à l’aventure en mode trekking, sac à dos, avec le reste du groupe. On était un groupe de 13 personnes. Tous les soirs, on bivouaquait sur le camp. En tout, on a mis une semaine à faire ce trek car il y a besoin d’une acclimatation à la haute altitude. Du coup, on avance pallier par pallier. On a pris la voie Machame qui permet de bien s’acclimater et de voir de nombreux paysages différents. C’était tellement dépaysant et tellement beau. Le contraste entre tous les paysages était magnifique. Le 1er pallier était à 3 000 mètres, on a bivouaqué, ensuite on est reparti le lendemain matin vers 7h du matin. On marchait le matin et on faisait 800 mètres de dénivelé par étape, même un peu moins parfois car il faut vraiment y aller doucement. Là-bas, ils appellent ça ‘Polé Polé’, c’est à dire qu’il faut prendre son temps pour bien s’acclimater. Donc ils nous répétaient ‘Polé Polé’. On avait un guide qu’on suivait et on avait aussi toute une équipe composée de porteurs qui portaient les tentes, la table, de quoi faire les repas, les toilettes, etc. Car oui, il y avait même des toilettes sur le camp ! Les porteurs allaient deux fois plus vite que nous. Ils arrivaient sur le camp une heure avant nous et quand on arrivait, tout était déjà monté et ils nous avaient fait à manger. C’était vraiment super. Tout le monde était hyper gentil. Leur gentillesse est incroyable. Humainement parlant, c’était hyper enrichissant comme expérience. Entre notre groupe de 13 personnes, le guide, les porteurs, les cuisines, etc, on était environ une cinquantaine de personnes. On ne croirait pas comme ça !
Maxine : On est arrivé dans un groupe qu’on ne connaissait pas et immédiatement tout s’est super bien passé ! C’est rassurant aussi de voir qu’on est si bien entouré et que tout est si bien organisé. Et puis l’accueil des Tanzaniens est incroyable. C’est ce qui fait de cette aventure, une aventure humaine exceptionnelle. Et puis au niveau des repas, je n’aurais jamais imaginé qu’on allait aussi bien manger… on a même mangé des frites ! Tu fais le Kili et tu manges des frites (Rires) ! Incroyable, vraiment ! Même si les étapes sont longues, tout passait hyper vite. Hormis le bivouac qui reste compliqué pour moi, malgré que ce soit un bivouac grand luxe avec matelas, toilettes, repas, etc, l’aventure dans sa totalité est tout simplement exceptionnelle.
Le fait d’être autant suivi avec les porteurs qui se chargeaient de tous les à-côté, cela vous a permis de vous concentrer pleinement sur votre ascension ?
Clara : Exactement ! Nous on était vraiment focus sur notre rythme, on ne pensait qu’à une chose c’était marcher, dormir, manger. Et c’était top car ça nous a vraiment permis de réussir cette ascension. Le Kilimandjaro est quand même assez difficile notamment la dernière ascension qui est la plus difficile. On est parti à 23h30 du camp et on est arrivé au sommet au lever de soleil, à 6h30. On avait commencé l’aventure le samedi 8 janvier et le vendredi 13 janvier au matin, on était au sommet.
Maxine : Tous les à côtés font que cette aventure est aussi exceptionnelle et unique ! Tu découvres un pays, des gens simples, extrêmement gentils. Je me souviendrai toute ma vie des porteurs, tous les jours je pensais à eux. Sans eux, tu ne fais pas l’ascension du Kili. Avec Clacla c’était nos héros. Et on leur disait tous les jours. Ils étaient hyper contents de nous voir monter, nous voir réussir, ils nous encourageaient. Ils étaient très touchants et ça met une vraie claque autant de gentillesse, si sincère.
Ensuite, comment s’organise la descente ?
Clara : Pour vaincre le mal des montagnes, il faut redescendre très vite. On a dû la faire en 3 heures même pas. Limite on aurait pu la faire en courant ! Une fois redescendue au palier de 4600 mètres, je me sentais beaucoup mieux. J’avais retrouvé tous mes esprits, je n’avais plus mal à la tête, plus mal au ventre, c’était assez fou d’ailleurs car toutes les mauvaises sensations avaient disparu. En tout, la redescente s’est faite en un jour et demi alors qu’on avait mis six jours pour monter.
Tout votre groupe est allé jusqu’au bout ?
Clara : Une personne n’a pas pu faire la dernière ascension car il a attrapé une gastro mais sinon tout le monde est allé jusqu’au sommet.
Maxine : On avait un groupe génial ! Très hétérogène mais tout le monde s’est très bien entendu. La différence d’âge était assez conséquente mais, malgré tout, on s’est tous très très bien entendu car on était tous dans le même état d’esprit. On était un groupe d’aventuriers hyper soudé.
Une fois redescendue, vous êtes restées quelques jours en Tanzanie ?
Clara : Après notre ascension du Kilimandjaro, on a pris un pack pour faire un safari. Voir les animaux dans leur milieu naturel, c’était génial. On était dans des lodges, c’était vraiment super beau, très confort. Et après retour en France le jeudi 19 janvier et retour au travail deux jours après, avec encore des étoiles dans les yeux.
Maxine : Le Safari était magnifique. Je ne me voyais pas partir sans faire de Safari. C’était ma première fois et c’était exceptionnel ! J’avais l’impression d’être dans le Roi Lion (Rires).
C’était la première fois que vous faisiez une telle ascension ?
Clara : J’ai déjà fait quelques randonnées, quelques sommets dans les DOM-TOM, mais beaucoup beaucoup moins haut que le Kilimandjaro qui est 5 895 mètres d’altitude. Je n’avais jamais fait de haute altitude.
Maxine : J’ai fait plein de rando mais je crois que le max que j’ai fait c’était Cusco au Pérou (3 399 m) avec mon frère mais c’est tout. Donc là, le Kili, c’était une grande première.
Cette aventure vous donne-t-elle envie d’en retenter une autre ?
Clara : Oui, ça me donne très envie ! Même si j’en ai chié, ça me donne envie de faire d’autres aventures dans le même style. En novembre prochain, je pars faire le HALF Marathon des sables en Jordanie. Une course dans le désert de 120 kilomètres, en autosuffisance alimentaire. Il y a juste la tente et l’eau fourni et le reste, on doit gérer.
Maxine : Cette aventure là m’a scotchée ! Ça m’a tellement mis une claque ! C’était la meilleure aventure de mon année, voir la meilleure de ma vie car pour une fois j’ai fait quelque chose pour le faire avec ma pote sans objectif de performance et j’ai trouvé ça génial. C’était dur mais c’était un kiff du début à la fin, donc pour les prochains défis que je vais me fixer, j’ai envie de rester dans ce mood là. Pour le moment je n’ai pas de nouveau objectif à part le Grand Raid de la Réunion en fin d’année prochaine que je vais faire en relais avec 3 potes mais c’est tout. Mais en tout cas ça m’a trop donné envie de refaire des aventures de ce style là à l’avenir. Pourquoi pas un GR avec Clara ou le Tour du Mont Blanc par exemple. Le seul truc qui est chiant, c’est le bivouac, mais ce n’est pas ça qui va m’arrêter.
Pourtant vous êtes habituée au bivouac avec Koh Lanta (Maxine a gagné l’édition 2021 de Koh Lanta : Les Armes Secrètes, NDLR) ?
Maxine : Justement… je pense que ça m’a suffit (Rires). J’ai fait trop de bivouac d’un coup ! En plus, Koh Lanta, ce n’est pas du bivouac, c’est de la survie. Dormir dehors, dans le froid tout ça, ça m’a suffi avec Koh Lanta. J’ai assez donné (Rires).
Propos recueillis par Charlotte Laroche