Nutrition du sport : trouver le bon équilibre, c’est un métier

Laurie-Anne Marquet est une consultante en nutrition du sport pas comme les autres, puisqu’elle gravite dans le monde du sport de haut-niveau pour éduquer et accompagner les meilleurs sportifs français. Elle nous explique son métier, son mode de fonctionnement et sa vision sur le milieu qu’elle côtoie au quotidien.

Laurie-Anne Marquet. Photo DR

Après des études d’ingénieure dans l’agro-alimentaire, l’étudiante bifurque dans le milieu de la nutrition humaine. Elle intègre un laboratoire d’étude à l’INSEP dans le cadre d’un stage de fin de cursus universitaire, et y réalise une thèse sur la nutrition dans le sport. Elle y développe des contacts au sein des pôles sportifs. Sa vocation est toute tracée dans l’accompagnement des fédérations qui la sollicitent : une pratique nouvelle et innovante dans le sport amateur.

Elle collabore en particulier avec l’équipe de France de judo et le pôle France de voile à Marseille. Laurie-Anne est une pionnière. La Fédération Française de Judo est une des premières dans le monde à intégrer dans les délégations officielles, lors des stages et des grandes compétitions, une spécialiste de la nutrition. Elle est un maillon indispensable de la performance du sportif. Au même titre que l’entraîneur, que le kinésithérapeute, que le préparateur mental, certaines fédérations ont pris conscience de la nécessité impérieuse de considérer la nutrition comme un facteur de la réussite, tant sur un plan physique que psychique.

Sa mission consiste à la fois à l’accompagnement du quotidien des sportifs en termes de nutrition, mais aussi la gestion des repas lors des déplacements et l’éducation nutritionnelle de l’ensemble des acteurs. Elle a notamment accompagné quotidiennement l’équipe de France de Judo lors des derniers Jeux Olympiques à Paris.

Dans le sport, qu’il soit de haut-niveau ou pas, au-delà d’un accompagnement nécessaire ce sont aussi des idées fortes et ancrées dans les esprits qu’il faut arriver à changer. « Il est illusoire de penser qu’on peut faire du haut-niveau en mangeant des chips et du saucisson et en buvant des sodas, même en étant le plus talentueux possible, mais c’est aussi le cas pour être tout simplement en bonne santé » précise, dans les colonnes du Parisien, Laurie Anne Marquet.

Eduquer pour performer

La première des choses est de gagner la confiance de l’ensemble des acteurs qui ont déjà l’habitude de collaborer. Il faut aussi montrer que le nutritionniste est aux côtés des athlètes pour optimiser leur entraînement quotidien avec des habitudes nutritionnelles optimum. L’objectif est le même pour tous : être performant et en bonne santé. « On n’est pas là pour prendre la place de qui que ce soit, mais pour amener la nutrition au cœur de la performance. Le nutritionniste entre dans la cuisine du sportif au quotidien, c’est intime »

Laurie Anne Marquet côtoie au quotidien des sportifs qui doivent gérer leur poids, puisqu’ils évoluent dans un sport à catégorie de poids (judo), mais elle précise que « la gestion du poids et son évolution n’est qu’un des sujets importants abordé ». Les questionnements vont bien au-delà comme savoir quand s’alimenter, avec quel type d’aliment, comment récupérer mieux, comment appréhender la nourriture en période de blessure, et comment revenir plus vite en s’alimentant mieux.

Laurie-Anne attire l’attention sur le fait que « les besoins sont différents selon les périodes de la vie, selon les organismes et les moments de l’année. »

Une autre mission nécessaire est d’éduquer. « L’éducation nutritionnelle est un incontournable ». Il s’agit d’échanges, en tête à tête ou en groupe pour que les informations soient comprises par tous dans une même temporalité. C’est peut-être même dans ce secteur que l’intervention est une clé, parce qu’il est nécessaire de transmettre les bonnes pratiques à l’ensemble des acteurs, y compris dans la vie de tous les jours.

Le collectif France de judo engagé sur les Jeux Olympiques de Paris 2024. Photo DR

Confiance réciproque et assimilation des « petites informations utiles »

Être aux côtés des sportifs, gagner la confiance, et s’engager dans l’optique de la performance est un travail du quotidien, mais encore plus intense et précis à l’approche des grands rendez-vous. C’est pourquoi la Fédération Française de Judo accompagne les centres d’accueil en amont en leur fournissant un cahier des charges précis sur les besoins spécifiques et les attentes. Cela permet aux  sportifs d’être en pleine confiance sur la qualité des repas qui leur sont servis avant les grands rendez-vous. Laurie-Anne est en contact permanent avec les cuisiniers et collabore pleinement sur la diversité des menus, qu’ils soient adaptés, équilibrés et juste en quantité pour chaque gabarit. Ainsi chaque sportif peut sereinement se trouver face à son assiette et la terminer sans se poser de question.

C’est ainsi que l’entraîneur n’a pas à gérer les repas de ses athlètes. Cette fonction est rattachée à un professionnel, comme les soins sont gérer par les kinésithérapeutes, par exemple. Laurie-Anne insiste sur le fait que chaque membre de l’équipe doit faire confiance aux collègues, chacun dans son domaine n’a qu’un seul objectif : la réussite sportive et la bonne santé. « Les sportifs doivent pouvoir se détacher des entraîneurs sur certains plans et faire confiance aux professionnels du secteur (comme sur la santé en général, la nutrition en particulier). On se rend compte qu’il y a un manque général d’acculturation à la diététique, les modèles évoluent et chacun doit s’adapter à l’environnement dans lequel il évolue ».

Les nutritionnistes intègrent une approche holistique dans la gestion du sportif, c’est-à-dire qu’ils équilibrent les dimensions physique, mentale, émotionnelle et spirituelle pour améliorer la santé et plus globalement le bien-être de l’individu.

Pour se nourrir bien et mieux, trois principes de base sont à garder en tête : le plaisir (prendre le temps de préparer ses plats, se faire plaisir dans son alimentation, sans sentiment de culpabilité), la dédramatisation des situations et la diversité (des aliments, des couleurs dans l’assiette, la saisonnalité des produits). Une assiette arc en ciel par exemple permet d’associer le plaisir visuel et la diversité dans les apports nutritionnels (chaque couleur s’associe à une vitamine). La saisonnalité des produits est également un facteur à intégrer dans ses routines alimentaires, Laurie-Anne s’applique dans le choix des produits qu’elle propose « je ne donnerai pas de pommes aux sportifs que j’accompagne en Juillet, mais des pêches ou du melon oui ».

Dans les assiettes, il faut insister sur la qualité et la quantité suffisante des aliments, en jouant sur les nutriments énergétiques (glucides, lipides, protéines), selon les besoins. « Une voiture a besoin de carburant pour avancer, le corps humain c’est pareil, il puise son carburant dans l’alimentation, et pour être un excellent athlète, avoir une bonne alimentation est une condition sine qua non », précise Laurie-Anne

Dans le cadre de ses activités, Laurie-Anne est confrontée aux sportifs qui souffrent de Trouble du Comportement Alimentaire (TCA).  Elle met en place un processus tant pour les éviter que pour les combattre. En prévention, comme dans l’accompagnement, et de façon générale dans la nutrition, le volet humaniste est très important. Pour accompagner il faut écouter, c’est à la fois intime et personnel. Le choix du vocabulaire est primordial, toujours être dans le positif. « Acquérir la confiance est primordial, limiter les pesées qui ne doivent cependant pas être un ennemi non plus. Elles doivent être systématiquement encadrées par des professionnels. »

Lorsque les TCA sont identifiés l’accompagnement se fait en trio «  le nutritionniste, le psychologue et l’athlète. Il est indispensable de redonner confiance, l’aliment et le corps ne sont pas des ennemis. »

Dans l’alimentation quotidienne « Aucun aliment n’est interdit », mais dans le traitement des TCA, « cela peut rendre le message imprécis car la fréquence et la quantité d’administration dépendront des aliments. On conseille des aliments avec beaucoup de calories pour pouvoir prendre un maximum d’énergies avec de très petites quantités. Le plus important, et ce qui est primordial est d’accepter de reprendre du poids. »

En conclusion, il faut s’assurer que la notion du plaisir doit être comprise et assimilée par les acteurs, le plaisir dans la pratique sportive mais aussi dans tout l’environnement.

Le sportif qui s’entraîne plus de 20heures par semaine va éliminer quasiment instantanément un extra, encore plus si c’est un extra-plaisir qu’il aura partagé. Si le sportif commence à culpabiliser, il n’y a déjà plus la notion de plaisir et c’est déjà le début de l’incompréhension en termes de nutrition. L’écart n’implique pas la contre-performance.

Dans les sports à maturité précoce, peut être encore plus qu’ailleurs, les adultes et les professionnels qui encadrent les sportifs doivent avoir en tête que leur rôle est essentiel. L’éducation qu’ils recevront va conditionner un avenir en terme diététique « c’est durant la jeunesse qu’il faut adopter les bonnes habitudes : avoir un bon modèle d’alimentation c’est presque la garantie de bien manger toute sa vie ».


Pour + d’info ou tout contact : Laurie-Anne Marquet

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Membre de l'association des Femmes Journalistes de Sport

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