Médaillé de bronze au concours général aux Jeux Olympiques de Pékin, Benoît Caranobe est entré dans l’histoire de la gymnastique française en août 2008. Aujourd’hui, aucun autre gymnaste français masculin n’a réussi à atteindre le podium dans cette épreuve reine de la gymnastique artistique. Onze ans après sa médaille, celui qui partage désormais son quotidien entre son commerce de vin et son métier d’artiste soliste cancan pour le Moulin rouge revient sur son expérience olympique.
Gym and News : Benoît, en 2008, à Pékin, vous décrochiez le bronze au concours général. Quels souvenirs gardez-vous de cette compétition et comment avez-vous vécu cette expérience qui vous a permis d’entrer dans l’histoire de la gymnastique française ?
Benoît Caranobe : Pékin a été un événement extraordinaire avec une médaille improbable à la clé. Ces Jeux ont marqué ma vie. C’est l’un des plus beaux souvenirs de ma vie.
Quels objectifs vous étiez-vous fixés sur ces JO ?
Je ne pensais pas du tout à une médaille au concours général mais plutôt à une médaille au saut ! Finalement je termine 3eme au concours général et 5eme au saut.
Lorsque vous êtes entrés sur le plateau lors du premier jour de compétition, comment vous sentiez-vous ?
Avant d’entrer sur le plateau, j’avais un stress énorme ! J’ai toujours détesté les avant-compète car l’attente est intenable. Tu cogites, tu penses à ton mouvement, mais en même temps si tu penses trop à ton mouvement, tu te mets trop la pression, si tu essaies de penser à autre chose, tu as peur de te déconcentrer donc ces moments ont toujours été compliqués à gérer pour moi ! Et à Pékin, avant que la compétition ne commence, j’étais rongé par le stress ! Au moment de rentrer, je regardais toujours si je portais bien mon sac sur mon épaule droite, j’étais très superstitieux par rapport à ça, et si mon bouchon de Châteauneuf du pape était également bien dans mon sac. Ensuite, une fois sur le plateau, la pression est redescendue. On se dit alors que c’est le moment de tout donner, qu’il faut être focus sur ce qu’on a à faire et qu’il ne faut pas perdre d’énergie à trop cogiter.
Racontez-nous votre finale du concours général ? Comment l’avez-vu vécue ?
C’est drôle car, pour cette finale, tout était réuni pour que je fasse un mauvais match ! Et pourtant, je décroche le bronze. Tout d’abord, je détestais matcher le matin et la finale était le matin. Ensuite, les arçons étaient un agrès que je n’aimais pas et j’ai commencé ma finale aux arçons. J’avais également passé une nuit exécrable ! J’étais très stressé et j’avais dormi dans le sellier du kiné et non dans ma chambre car je la partageais avec le trampoliniste Greg Peynes qui terminait ses entraînements très tard donc pour ne pas être réveillé, j’avais préféré m’installer dans le sellier du kiné en me disant que j’allais y être plus tranquille. J’y avais installé mon matelas. Finalement c’était une très mauvaise idée car j’avais très mal dormi ! Du coup, lorsque je me suis réveillé, je me suis dit “ça va être dur cette finale !” Mais avec le recul, je me dis que tous ces éléments ont fait que cela m’a souri car j’y suis allé sans pression, en me disant que je n’avais rien à perdre. J’ai débuté ma compétition aux arçons et j’ai fait le mouvement de ma vie ce qui m’a permis de me mettre dans une très bonne dynamique ! Ensuite, j’ai pris agrès par agrès et tout s’est bien passé. J’ai fait le match de ma vie ce qui m’a permis de décrocher la médaille de bronze. C’était inespéré mais je l’ai fait.
Est-ce que vous vous souvenez des émotions ressenties lorsque vous avez vu que vous étiez 3eme ?
11 ans après, j’arrive encore à m’en souvenir. Et puis le fait de revoir les images parfois me replonge dans le passé. Je me revois pleurer. Cette médaille a vraiment été la récompense de tous les efforts, tous les sacrifices, les doutes, les blessures auxquels j’ai dû faire face pendant des années. Le lendemain, ce n’était pas évident de réaliser, c’était vraiment un moment mythique de ma vie et de ma carrière de gymnaste. Encore maintenant le fait d’en reparler, je ressens beaucoup de fierté. D’émotion. J’ai le sentiment de ne pas avoir fait tout ça pour rien et j’ai vraiment eu la chance que ce genre de récompense m’arrive. Tous les sportifs n’ont pas cette chance. Surtout que pour ma part, cette année-là, j’avais eu pas mal de petits bobos au mollet donc je n’arrivais pas trop à me projeter et me situer par rapport à la concurrence. Et un mois avant les Jeux, je m’étais également fait un claquage à l’avant-bras donc j’étais resté au repos forcé pendant une semaine. Au finale, je pense que ce repos forcé a certainement été bénéfique pour moi car je suis arrivé à Pékin reposé et en pleine forme.
Votre vie a-t-elle changé après votre médaille ? En terme de notoriété notamment ?
Oui bien sûr, ma vie a changé après la médaille. J’étais constamment sollicité. Par le grand public mais aussi pour participer à des galas. J’ai également eu un appel téléphonique du ministre pour me féliciter. Toutes ces sollicitations étaient très agréables à vivre car c’est important d’obtenir une certaine reconnaissance pour tout le travail fourni. La gym est un peu un sport ingrat, peu reconnu, on travaille dans l’ombre et c’est rare ce genre de médailles, donc faire partie de l’élite du sport français est un vrai plaisir.
Quels sont vos 5 faits les plus marquants sur ces Jeux Olympiques de Pékin ?
Le premier qui me vient à l’esprit, c’est le choix tactique mis en place au niveau de la compétition avec mon entraîneur, Laurent Barbieri. À l’origine, j’étais parti sur ces Jeux avec l’objectif de faire un résultat au saut. Je présentais un saut compliqué, une lune double avant carpé, mais une fois à Pékin, je n’y arrivais plus ! Je n’en terminais pas une seule sur les pieds. Alors j’ai dit à mon coach que je ne voulais pas présenter ce saut car je finissais toujours sur les fesses et que je préférais présenter un tsuk double arrière carpé pour conserver mes chances pour le concours général. Une demande que mon coach a tout de suite accepté. Si on n’avait pas eu ce dialogue, s’il n’avait pas eu cette qualité d’écoute, je n’aurais jamais eu cette médaille au concours général.
Le deuxième fait marquant, je dirais que c’est lorsque j’ai croisé Rafael Nadal au village olympique. Il était disponible, très accessible, et c’est quelque chose qui m’avait marqué.
Le troisième fait marquant, c’est la médaille de Thomas (Bouhail) au saut. En plus, comme j’étais également aligné sur cette finale saut, j’ai pu vivre cela de prêt. C’était un grand moment.
Le quatrième fait marquant de ces Jeux de Pékin a été le retour en France. L’accueil à l’aéroport avec toutes ces personnes qui nous félicitaient, ma famille qui était également présente, c’était un moment très émouvant.
Et enfin, j’ai envie de parler d’un moment hyper agréable. Je me suis souviens, le soir de la finale du concours général, il était 2h du matin, j’avais fini le circuit média, j’étais épuisé, je suis rentré dans ma chambre et j’ai mis ma médaille dans le tiroir de ma table de chevet. J’ai ensuite passé la plus belle vie de toute ma vie et au réveil j’ai ouvert le tiroir et la médaille était toujours là ! Je ne l’avais donc pas rêvé, j’étais bien médaillé de bronze au concours général aux Jeux Olympiques. Je me souviendrai toujours de cette émotion et de ce bien-être procuré par le simple fait d’ouvrir mon tiroir, de regarder ma médaille et de me dire que j’avais réussi. Que mon travail avait été récompensé.
Quel bilan tirez-vous de ces Jeux de Pékin ?
C’était des super Jeux. Même s’il y a eu quelques déceptions, on rentre tout de même avec 2 médailles. La mienne et celle de Thomas au saut. Nous avions une super belle équipe avec Thomas, Yann (Cucherat), Dimitri Karbanenko, Hamilton (Sabot) qui était remplaçant à l’origine et qui est finalement entré en tant que titulaire, et c’est une vraie fierté pour moi d’avoir fait partie de cette belle équipe. Une très belle époque de ma vie.
Propos recueillis par Charlotte Laroche