Ils sont méconnus du grand public mais partagent tous la même passion pour la gymnastique. Portrait de club : la rubrique qui part à la rencontre des passionné.es.
Membre de l’équipe Top 12 du club d’Oullins, Maxence Albarracin, également professeur d’EPS sur Lyon, revient sur sa saison exceptionnelle parmi l’élite de l’élite. Portrait d’un gymnaste de club passionné qui puise sa force dans le collectif.
Spot gym : Maxence, vous venez de participer à votre première saison de Top 12, comment l’avez-vous vécue ?
Maxence Albarracin : C’était une saison incroyable à vivre ! Ce qu’on a fait, d’arriver à se maintenir parmi les douze meilleures équipes françaises, c’est incroyable. Surtout pour des gars comme nous, pour qui ce n’est pas notre “métier” et qui avons tous un boulot à côté à part deux gyms qui sont en pôle. On a vécu des émotions folles, que ce soit sur les matchs à domicile ou à l’extérieur. Même si c’était dur, et qu’on s’était préparé à ce que ce soit dur, on a vécu un truc de malade. Car avec notre collectif, on se disait qu’on allait y arriver. On peut être fier de se dire qu’on a participé à la première saison en Top 12 du Cascol, qu’on a participé au maintien et qu’on a réussi à écrire une ligne dans l’histoire du club.
Avant le Top 12 il s’est écoulé de nombreuses années, quel est votre parcours en gym ?
J’ai commencé la gym à l’âge de 2 ans et demi au club de la Jeune France de Villeurbanne. C’est l’âge où il n’y a pas encore beaucoup de sport qu’on peut faire et mes parents m’ont inscrit à la gym, et puis je me débrouillais plutôt bien. Après j’ai grandi et ça a commencé à être un peu plus dur car je suis petit et trapus et j’avais du mal à être affuté et sec. Dès que je m’arrêtais en période de vacances je prenais pas mal de poids et je me suis souvent retrouvé à être la dernière roue du carrosse. Finalement, je me suis accroché grâce à un entraîneur qui m’a toujours poussé. Il est ensuite parti pour reprendre ses études de ciné et son départ a entraîné une période de flottement en moi car mon mentor était parti. Je me suis posé pas mal de questions après son départ. Et au détour d’une compétition en zone, j’ai vu le club du Cascol et là j’ai vu un esprit de famille. Il y avait au moins 40 personnes dans les gradins qui encourageaient tout le monde, aussi bien les garçons que les filles, les petits ou les plus anciens. J’ai regardé mes parents et je leur ai dit : ‘C’est là que je veux aller !’ Et ça tombait bien car mes parents m’ont dit que c’était là qu’ils envisageaient de m’inscrire. Je suis arrivé au Cascol en 3ème et là j’ai 24 ans, donc ça va faire 10 ans que je suis licencié là-bas. À mon arrivée au Cascol, ça m’a vraiment fait passer un step. Il y avait déjà une équipe assez solide entraînée par Marco (Marc-Antoine Fournier, l’entraineur actuel, NDLR) et les anciens nous ont pris sous leur aile. On a évolué avec eux et il n’y avait pas du tout de concurrence. Ils aimaient nous voir évoluer et progresser. C’est ce qui fait la particularité du Cascol, un vrai club familial où on avance tous ensemble.
En plus d’être gymnaste à très bon niveau, vous êtes également professeur d’EPS, combien d’heures par semaine arrivez-vous à vous entraîner ?
J’essaie de m’entraîner lundi, mercredi et vendredi de 18h et 20h30 et le samedi matin. C’est le théorique car j’entraîne aussi au club et il y a donc des fois où je commence plus tard et où je ne peux pas m’entraîner. Mais en période de compétition, j’essaie de m’entraîner un peu plus en y allant un peu le mardi et le jeudi aussi pour essayer de compenser un peu car quand on matche contre des mecs qui font que ça deux fois par jour, à un moment donné, on ne va pas se mentir il y a un écart qui se creuse.
Comment s’est passée la préparation de la saison ? Car le Top 12 est un championnat avec un format que vous n’avez jamais connu auparavant avec une phase aller et une phase retour et des rencontres qui commencent beaucoup plus tôt dans la saison ?
Oui c’était hyper compliqué au début car c’était un nouveau format. Heureusement, sur les matchs de poule, on ne présentait que trois agrès sur chaque phase. Par contre, on savait qu’il fallait qu’on rentre plus de difficultés parce que les mouvements qu’on avait fonctionnaient en DN1 avec 5 notes qui comptaient sur chaque agrès mais sur le format duel du Top 12, nos notes de départ étaient trop basses. Du coup, on a dû rentrer des diff et tirer des mouvements dès le mois d’octobre pour être prêt pour notre premier match en novembre, ce qui nous changeait totalement puisque d’habitude nos premiers matchs commençaient en février. Je vous avoue que sur les premiers matchs, on ne peut pas dire qu’on était à la rue mais on sentait qu’on était pas encore totalement prêts car, entre la fermeture estivale du gymnase et les vacances des uns et des autres, on avait été pris par le temps. Tout ce qui était prépa physique, on n’en a fait moins que les autres saisons parce qu’il a rapidement fallu qu’on travaille sur les agrès. Mais on a tout donné pour arriver le plus prêt possible pour lever le bras le jour J.
Au fil de la saison, vous vous êtes mieux sentis ?
Plus ça allait, plus on se sentait à l’aise oui. Surtout que nous le calendrier a fait qu’on a enchaîné nos deux premiers matchs ce qui nous a permis d’avoir ensuite une pause entre fin novembre et début février qui marquait le début de la phase retour. On a entamé cette phase retour de manière totalement différente car on n’était plus novice. On connaissait le format et on a revu un peu notre stratégie globale. On s’est dit que ça ne servait à rien de partir à 6 en note de départ sur tous les agrès si c’est pour finir à 8 en note finale avec 3 chutes. C’est ce qui nous a coûté beaucoup de points sur la phase aller, surtout contre Vallauris lors de notre premier match à domicile. Avec la pression du premier match, l’engouement, le trac, on a fait des erreurs qui ont mis l’adversaire dans une situation facilitante. On a vite pris 4-0 et après on a eu la tête sous l’eau sur tout le reste de la rencontre. Donc pour la phase retour, on ne voulait pas revivre ce genre de situation. On s’est dit ‘Ok, on fait ce qu’on sait faire, ça a toujours payé, donc on va faire des mouvements avec certes une note de difficulté un peu plus faible mais avec très peu de fautes et on va l’emmener jusqu’au bout, peu importe les conditions. Et ça a payé puisqu’on gagne un duel de plus face à Vallauris, on aurait difficilement pu faire mieux car ils étaient bien meilleurs que nous. Ensuite contre Sotteville, le champion de France en titre, on fait match nul et ensuite on gagne le barrage et on assure notre maintien. Donc cette stratégie a porté ses fruits et on a pu proposer de la belle gym et montrer ce qu’on savait faire.
Vous vous souvenez de votre tout premier duel de la saison ? Celui qui marquait vos débuts en Top 12 ?
Ah oui je me souviens de tout (Rires) ! Je suis passé au sol et j’ouvrais mon duel. C’était notre premier match de la saison, à domicile, face à Vallauris. Je me souviens de m’être présenté aux juges avec une foule de malade, il y avait 800 personnes, je n’avais jamais vu ça en compète ! T’es tout seul à passer, tu lèves le bras, et tout le public t’encourage. En plus juste avant moi, Jermaine venait de gagner son duel et c’était l’euphorie, donc là je me dis aller faut y aller. Je lève le bras en ayant envie de tout donner et de bien faire. Donc je fais le mouvement de ma vie. Les premières diag, ça pile et tout, et j’arrive à ma dernière diagonale. Là je me dis ‘aller c’est une double vrille avant, ça fait un an et demi que tu sais faire, et en fait je me voyais déjà en train de célébrer la fin de mon mouvement avec le public que j’entendais hurler, du coup je tape, mais là je me dis ‘mince ça ne part pas comme d’habitude’. Je rentre un peu à l’envers, je finis sur les fesses et il y a tout qui s’écroule ! J’étais dégoûté. En plus, au moment où je me suis présenté, il y avait Léo Saladino qui se préparait donc Vallauris savait que j’étais une potentielle grosse note et envisageait de mettre un gros gym et au moment où je chute, je vois Léo qui se rassoit et c’est Ruben qui se présente. Il me bat à 0,10 alors que j’ai chuté donc c’était vraiment dur à encaisser car ce duel était vraiment à ma portée. Mais cette ambiance-là ça restera graver dans ma mémoire, je ne l’avais jamais connue avant. C’est quelque chose d’extraordinaire, surtout pour nous les gymnastes qui ne sommes pas habitués à ce genre d’ambiance. Le public était en feu.
Vous avez assuré votre maintien cette saison, qu’est-ce qui fait votre force ?
Je pense que la différence qu’on a avec d’autres clubs c’est notre collectif. On est des potes qui s’entraînent tout le temps ensemble, à part deux gyms qui s’entraînent en pôle et qu’on voit donc un peu moins, mais sinon on s’entraîne tous ensemble ce qui fait qu’on a cet esprit de famille. Dans les moments chauds, on est hyper soudés et c’est je pense ce qui fait qu’on arrive à créer des exploits comme on a fait samedi lors du match de barrage. Sur le papier, on est en dessous des autres équipes mais la puissance de notre collectif, le fait qu’on se connaisse par coeur, qu’on s’entraîne tous au club depuis toujours fait qu’on se dit ‘ensemble, il ne va rien nous arriver’.
Propos recueillis par Charlotte Laroche