Julien Saleur : “Ne pas avoir le droit de poser le pied pendant 45 jours est difficile moralement et physiquement”

Blessé au genou en septembre dernier lors d’un entrainement au saut, Julien Saleur, licencié au club de Bourges, a été opéré le 17 novembre. Une lourde opération qui nécessite un repos forcé conséquent avant d’entamer une longue rééducation. Un coup dur pour le doyen de l’équipe de France qui avait réalisé une très belle saison. À quelques jours de la fin d’année, il donne de ses nouvelles.

Julien Saleur aux championnats d’Europe de Münich en août dernier. Photo Anh Viet Chau

Spot Gym : Julien, vous avez été opéré du genou il y a quelques semaines, comment vas-tu ? 
Julien Saleur : Ça va bien, enfin je dirai plutôt que ça va mieux. J’ai été opéré du genou il y a un peu plus de trois semaines et depuis la troisième semaine, je peux enfin dire que ça va mieux. J’ai eu 15 jours difficile et douloureux. J’avais beaucoup de mal à me déplacer, je ne pouvais pas trop lever la jambe, pas trop me mettre debout car tout était extrêmement douloureux. Là ça va faire une petite semaine que j’arrive à bouger beaucoup plus, on m’a enlevé les fils au niveau de genou et ça cicatrise bien donc c’est sur la bonne voie.

Au lendemain de ton opération, vous avez indiqué sur ton compte Instagram que l’opération avait été beaucoup plus importante que prévue car il y avait plus de dégâts au niveau du genou, c’est-à-dire ?
Sur l’IRM, on ne voyait pas les ménisques et au final le ménisque était touché. On voyait bien la rupture du ligament croisé et il y avait une suspicion d’une fissure du ménisque interne parce qu’il y avait une grosse contusion osseuse et le chirurgien m’avait dit que souvent lorsqu’il y a une contusion osseuse à cet endroit-là, il y a également une fissure au niveau du ménisque mais rien ne laissait présager que le ménisque externe puisse être touché aussi. Donc j’étais parti dans ma tête en me disant qu’il y avait le ligament croisé et peut-être aussi une fissure au niveau du ménisque mais pas plus. Mais après l’opération, en me réveillant après l’anesthésie, j’ai entendu l’infirmière dire ‘Oula, il y a eu un peu plus de travail que prévu’ quand elle a vu qu’il y avait eu plus d’ouvertures, donc à ce moment-là je me suis un peu inquiété. J’ai attendu que le chirurgien vienne et c’est là qu’il m’a annoncé que le ménisque externe était touché et que la racine méniscale était complètement arrachée. A ce moment-là, il m’a annoncé que je ne pouvais plus poser le pied pendant 45 jours, le temps de la cicatrisation du ménisque.

Ce n’est pas trop dur au quotidien ?
Si c’est long ! Jusqu’au 1er janvier, je ne peux pas du tout poser le pied par terre donc il faut que je prenne mon mal en patience. C’était très dur au début car le fait d’être totalement immobilisé au niveau de la jambe, on perd tous les muscles de la jambe ce qui a également entraîné des douleurs musculaires liées à cette perte de muscles. J’avais mal au mollet et à l’ischio, car il y avait dû faire un prélèvement au niveau de l’ischio pour la greffe pour le ligament croisé. Et puis là je n’ai plus de cuisse du tout ! Ça fait bizarre (Rires). Honnêtement, ça a vraiment été dur les 15 premiers jours qui ont suivi l’opération car c’était douloureux et puis il fallait le temps d’encaisser tout ça. Mentalement, je ne cache pas que c’était dur. Je pensais que les douleurs allaient partir au bout d’une semaine, finalement les douleurs ont persisté la deuxième semaine aussi, donc je n’en voyais pas trop le bout. Mais depuis qu’on m’a enlevé les fils, ça commence à aller mieux. Je peux lever ma jambe sans avoir besoin de l’attraper avec ma main donc c’est encourageant. Les choses avancent. J’ai aussi un peu plus de force qu’avant. Je commence à voir un peu le bout du début de la fin de la cicatrisation.

Vous êtes papa d’une petite fille de 2 ans et demi, le fait de ne pas pouvoir poser le pied par terre a dû entraîner quelques ajustements dans le quotidien ?
Oui, on a dû s’organiser un peu autrement. Avant j’allais la chercher à la crèche le soir mais là je ne peux plus pour le moment donc c’est ma belle-mère qui va la chercher. Ensuite, elle reste souvent à la maison pour lui donner le bain et lui donner à manger le temps que ma compagne rentre à la maison.  Quand elle n’est pas disponible et que ma femme n’est pas là non plus, je m’en occupe comme je peux. Je me déplace sur une chaise de bureau roulante car c’est plus pratique et ça va plus vite que de marcher sur des béquilles (Rires). J’essaie de faire comme je peux. Mais bon, ma fille a bien compris que je me déplaçais plus difficilement donc parfois elle fait des petites bêtises, elle en profite un peu (Rires). Mais sinon dans l’ensemble ça se passe bien. Et puis le fait d’être plus souvent à la maison me permet de passer plus de temps avec elle.

En plus d’être gymnaste, vous êtes entraîneur au club de Bourges, vous ne pouvez plus non plus entraîner pour le moment ? 
Exatement. Je suis en arrêt de travail jusqu’au 1 er janvier et il se peut qu’il soit prolongé car à partir du 1er janvier je pourrai seulement commencer à poser le pied par terre et il faudra que je “réapprenne” à marcher. Cette semaine, je suis passée au gymnase dire bonjour aux filles que j’entraîne et ça m’a fait beaucoup de bien. Elles étaient contentes de me voir et moi aussi ça m’a fait plaisir de venir les voir. J’ai hâte de pouvoir les entraîner à nouveau.

Vous avez été remplacé au club ?
Non car comme je bénéficie du statut de gymnaste de haut-niveau, je n’entraînais pas beaucoup d’heures. J’entraîne juste une équipe de grandes que je suis depuis plus de 10 ans maintenant et comme elles sont grandes, elles sont assez autonomes ce qui n’a pas nécessité que je sois remplacé. Les autres entraîneurs présents sur les mêmes créneaux s’en occupent également quand elles ont besoin mais sinon elles sont assez autonomes. Elles ont quand même hâte que je revienne car forcément, ça leur manque de ne pas avoir leur entraîneur.

Pouvez-vous revenir sur les circonstances de votre blessure ? Comment vous êtes-vous blessé ?
Je me suis blessé lors d’un entraînement au saut, la veille d’une compétition que je devais faire en Bundesliga. Je me suis mal réceptionné. En l’air j’étais plutôt bien mais au moment d’atterrir, j’ai mon pied droit qui s’est coincé dans un tapis. Mon poids de corps était plutôt porté sur le côté droit mais j’ai continué de vriller vers la gauche avec mon pied droit qui était resté coincé dans le tapis ce qui a entraîné une torsion au niveau du genou et j’ai entendu craqué trois fois. J’ai vraiment eu mal sur le moment, c’était très très très douloureux. Tout de suite, j’ai compris que la blessure était assez importante. Je suis allé aux urgences le soir pour passer une radio. Il n’y avait rien au niveau osseux et le surlendemain, j’ai passé un IRM et c’est là qu’on a vu que je m’étais rompu le ligament croisé et qu’il risquait d’y avoir une petite fissure au niveau du ménisque interne.

À ce moment-là, vous prenez donc conscience que votre saison est terminée ?
Oui et tout de suite j’ai pensé à l’équipe de France car j’étais premier remplaçant pour les championnats du monde. Ensuite j’ai pensé à mon club de Bourges avec qui je matche en Top 12 et puis j’ai aussi pensé à mes vacances de Noël car on devait partir à la montagne. Sur le moment, j’ai pensé à tout ça et ça a été dur à encaisser pendant la demi-heure qui a suivi la blessure. Et puis après, j’ai relativisé. Avec l’âge, on pense différemment, on relativise plus facilement. Je sais qu’il n’y a pas que la gym dans la vie.

Quelles vont être les prochaines étapes pour vous au niveau de la rééducation ?
Donc comme je l’ai dit précédemment, je ne peux pas poser le pied par terre jusqu’au 1er janvier mais sinon pour la suite, on n’en a pas trop encore parlé. Par contre, ce que je sais c’est que même s’il y a eu plus de dégâts que prévus avec le ménisque qui a été endommagé, ça n’engendrera pas une rééducation supplémentaire. La seule chose que ça a rajouté c’est le fait de ne pas pouvoir poser le pied pendant 45 jours mais au-delà de ça, ça ne changera rien à la rééducation qui sera la même que s’il n’y avait eu que le ligament croisé. Par contre, c’est sûr qu’il y aura beaucoup de travail au niveau de la remusculation à cause de toute la masse musculaire que j’ai perdu du fait de ne pas avoir pu poser le pied par terre pendant 45 jours. Mais il va d’abord falloir que je réapprenne à marcher et je pense qu’il va bien me falloir 15 jours – 3 semaines avant de marcher sans béquilles. Ensuite, la rééducation pourra s’intensifier avec beaucoup plus d’exercices, de renforcements, d’électro, etc. Mais deux jours après l’opération, j’ai tout de suite attaqué les séances de kiné, à raison de 3 fois par semaine, avec des séances de cryothérapie qui aide à la récupération et à la cicatrisation.

Faites-vous un petit peu de préparation physique ? 
Au début je ne faisais rien car j’avais eu 15 jours douloureux et je n’avais pas forcément trop la tête à ça. La semaine dernière, j’ai voulu m’y remettre un petit peu mais j’ai pris une semaine de courbatures derrières (Rires). Je commence à m’y remettre progressivement car c’est important pour la circulation sanguine. Donc je m’y remets petit à petit sur le haut du corps. Et puis ça fait du bien de faire autre chose car les 15 premiers jours, comme je ne pouvais pas bouger, j’étais sur le canapé H24 et ce n’était pas évident. Donc là ça fait du bien au corps et à la tête. Sincèrement, c’est difficile de se retrouver du jour au lendemain sans pouvoir rien faire quand on a l’habitude de s’entraîner deux fois par jour, d’aller entraîner le soir, de bouger, etc.

Comment voyez-vous l’après ? Est-ce que vous vous projetez sur Paris 2024 ou pour le moment, vous ne vous projetez pas si loin ? 
C’et vrai que j’avais toujours dans un coin de ma tête de finir le cycle jusqu’à Paris 2024 mais maintenant je ne sais plus trop. En réalisé, je ne veux pas brûler les étapes. Je ne veux pas me dire qu’il faut que je revienne le plus vite possible, je préfère prendre étape par étape et ne pas me mettre de pression. Si je peux revenir à mon plus haut niveau, tant mieux, ce sera super, et si c’est difficile physiquement ou mentalement avec par exemple une appréhension que je pourrais ressentir au niveau du genou et bien ce sera comme ça. J’ai envie de refaire de la gym, ça c’est sûr, après est ce que j’arriverai à retrouver mon niveau, est-ce que je serai capable de refaire les 6 agrès, je ne sais pas. Je pense que lorsque ma rééducation se sera intensifiée, j’y verrai un peu plus clair mais pour le moment, je vais prendre étape par étape et c’est la meilleure chose à faire. Il ne vaut mieux pas se stresser, ni se presser, sinon c’est comme ça que ça n’ira pas.

Et le Top 12 ? 
J’ai toujours eu à coeur d’aider mon club le plus possible. Au début pour les agrès de jambes, comme le sol et le saut, ce sera compliqué de revenir mais si je peux continuer d’aider mon club sur 2-3 ou 4 agrès ce sera déjà très bien. J’avais espéré pouvoir revenir au moins sur les arçons pour les barrages mais cette année, les barrages seront assez tôt donc ce sera compliqué que je sois opérationnel à ce moment-là.

Quel regard portez-vous sur votre saison qui a été marquée par plusieurs sélections en équipe de France sur des compétitions majeures mais qui se termine malheureusement par une lourde blessure ? 
C’est une saison assez dingue parce qu’au début je n’étais que remplaçant pour les Jeux Méditerranéens avant de rentrer en tant que titulaire car Benjamin (Osberger) avait attrapé le Covid. Ensuite, je suis rentré en tant que titulaire pour les championnats d’Europe car j’avais très bien travaillé ce qui m’a permis de gagner ma place dans l’équipe. Donc la saison a vraiment été incroyable. J’ai réussi à gagner ma place par mon sérieux, ma régularité et ma stabilité et je suis super content. J’ai toujours fait partie des trois premiers à chaque test et ça a fini par payer. Cette année a clairement été ma meilleure année sportive. J’avais fait les championnats du monde en 2019 mais cette année j’ai été plus stable, plus propre, plus fort sur les compétitions que j’ai faites et c’est ce qui a fait la différence. Mais au final, c’est assez particulier car j’ai fait une super année et puis finalement je me blesse sur la fin. C’est comme ça, c’est le haut-niveau. Est-ce que j’avais accumulé trop de fatigue ? Est-ce que je n’aurais pas dû renoncer à faire la compétition en Bundesliga en Allemagne car je ne me serai peut-être pas blessé à l’entraînement en voulant m’entraîner sur mon saut ? Je ne sais pas… C’est fait, on ne peut pas revenir en arrière, c’est comme ça. De toute manière, on ne saura jamais…

Propos recueillis par Charlotte Laroche 

 

 

 

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