Journaliste sportif d’expérience passé par Orange Sport et Téléfoot notamment, Florent Bodin a opté, depuis 2017, pour la casquette d’auteur et réalisateur de documentaires sportifs. Depuis plus d’un an, il est le réalisateur de la docu-série “CHAMPION(S)” dans laquelle il suit plusieurs sportifs de très haut-niveau, dont les deux gymnastes Lucie Henna et Mathilde Wahl, qui évoluent à l’Institut National du sport, de l’expertise et de la performance, l’INSEP. Il a accepté de nous dévoiler les backstages et le processus de cette mini série.

© Black Dynamite Production

Spot Gym : D’où est venue l’idée de créer Champion(s) ?
Florent Bodin : C’est une idée du directeur de “Black Dynamite Production”, société pour laquelle je travaille et pour laquelle j’ai pu d’ores et déjà faire plusieurs documentaires. C’est une idée qu’il a souhaité développer avec une ambition de pouvoir s’immiscer dans les coulisses du sport olympique français et notamment de l’INSEP. L’INSEP est le lieu qui réunit la jeunesse et la préparation au sport de très-haut niveau avec aspiration à se rendre aux jeux olympiques. L’idée a émergé vers 2018-2019, il fallait encore convaincre l’INSEP de nous accompagné dans notre projet. France Télévisions a été séduit par ce projet également et c’est ainsi que l’aventure “Champion(s)” a démarré.

Pourquoi avoir fait le choix de faire une concentration sur l’INSEP et non sur un autre centre de formation ?
C’était l’idée de découvrir presque comme un personnage à part entière ce qu’est ce centre d’excellence du sport français. C’était important que l’on soit dans un lieu unique et qui, par la même occasion, fait un peu rêver tout le monde en France. Beaucoup de choses se disent sur l’INSEP et pourtant très peu de personnes savent comment cela se passe à l’intérieur, en tout cas sur la longueur.

Quel a été le processus pour en venir aux choix des sports et des athlètes qui sont mis en avant et pourquoi la gymnastique ?
On a dans un premier temps choisi les disciplines avant de choisir les athlètes. Le but était d’avoir des sports bien différents les uns des autres mais qui représentent des choses. On savait que l’athlétisme est un sport olympique important, cela nous paraissait donc indispensable d’en parler. La boxe crée des émotions fortes, c’est un sport qui permet de mettre en image ces sentiments. Le judo était une évidence par rapport à ce que représente l’INSEP dans cette discipline, les meilleurs Français s’entraînant là-bas. On a suivi ce processus là et donc la gymnastique nous paraissait assez évidente par rapport à tout ce que cela implique, que ce soit au niveau photogénique. On avait besoin d’un beau sport qui soit esthétique. Mais aussi au niveau de toute la difficulté qu’il y a pour réussir dans cette discipline et dans le sport de haut-niveau en général. De fait on savait que l’on s’attacherait à des athlètes très jeunes car on sait qu’en gymnastique certaines sont au très haut niveau dès leur plus jeune âge. Toutes ces choses là nous ont mené à nous dire que la gymnastique serait donc indispensable dans la série.

De quelle manière êtes-vous parvenu à faire le choix de Lucie Henna et Mathilde Wahl ?
Dans le casting nous avions avancé avec l’INSEP mais aussi avec les fédérations car on souhaitait que le casting soit complètement assumé par tout le monde. Pour moi plusieurs profils auraient été intéressants. C’est la Fédération Française de Gymnastique qui nous a proposé Lucie et Mathilde car, à l’époque, elles étaient les deux plus jeunes du pôle. Nous avons été de suite en accord avec ce choix car on allait avoir les deux “petites soeurs” de la série. Je pense que cela permettait aussi au groupe de gymnastes d’accepter plus facilement les caméras car elles étaient braquées sur les deux protégées du groupe d’entraînement. On est ravi de pouvoir travailler avec ces deux jeunes femmes depuis la rentrée 2020.

© Black Dynamite Production

Comment ont-elles réagi suite à votre demande de tournage ?
A l’époque elles avaient 16/17 ans, je pense qu’elles ne s’imaginaient pas réellement dans quoi elles s’embarquaient. On y est allé en douceur, ce n’était pas des tournages 24h/24 ni 7j/7. Dans la première saison on avait fait le choix de toujours les mettre ensemble, elles formaient un duo presque indissociable ! Pour nous ce fut une manière de raconter les coulisses de la gymnastique à travers le binôme Lucie/Mathilde.

La gymnastique n’est pas un sport médiatisé, de fait les gymnastes n’ont pas toujours l’habitude des caméras. Comment se sont déroulés les premiers jours de tournages ?
Cela fait un petit moment maintenant que l’on tourne ensemble donc les filles sont rodées. C’est toujours source de stress lorsque l’on est sur une compétition, mais sur les temps d’entraînement et de vie de “tous les jours” c’est un peu plus simple. Je les trouve de plus en plus à l’aise avec les caméras, surtout que la plupart du temps on est là pour observer sans les déranger. Elles se sont bien fait aux caméras mais l’exercice le plus difficile mais qui, avec le temps, est devenu cool c’est le moment des interviews que l’on fait en voix off. On se retrouve à deux dans une petite cabine et on enregistre la voix lors d’une simple discussion. Dans ces moments là les filles me racontent ce qu’il se passe dans leur tête, parfois ce sont des moments top parce qu’il y a de bonnes nouvelles, parfois ce sont des moments plus difficiles parce qu’il faut raconter des choses moins drôles dont on a pas forcément envie d’en parler. Là dessus Lucie et Mathilde ont bien compris et accepté cette idée de se livrer au maximum, il y a vraiment une belle évolution sur cette exercice là. Ce sont des filles qui sont en fin d’adolescence, au début de l’âge adulte et donc pas mal de choses se bousculent très vite dans leur vie, que ce soit physiquement ou mentalement. Et on est assez chanceux de pouvoir observer cela et c’est un bonheur de pouvoir retranscrire ces moments de vie.

À quelle fréquence tourniez-vous avec Lucie et Mathilde ?
Il n’y avait pas de réelle fréquence. On essaye d’établir des calendriers qui correspondent aux grandes lignes de la saison, les revues d’effectifs, les tests, les compétitions. Je connais le planning à l’avance donc l’organisation se fait avec Martine Georges, l’entraîneur,  et Benoît Baguelin, responsable de la gymnastique à l’INSEP. Avec Lucie et Mathilde j’établis plus un calendrier personnel en leur disant mes souhaits de prise de vue, par exemple des moments en famille. Evidemment il y a aussi un échange afin que je sois mis au courant des évènements importants qui se passent dans leur vie. Donc tout dépend de cela, la deuxième saison de champion(s) contient huit épisodes, elles n’apparaissent pas dans les huit, c’est au moins un à deux tournages par mois voire trois maximum. Sur l’intégralité de la saison sportive on a fait environ 15 tournages avec chacune. Certains jours on tourne deux fois pour deux choses différentes, un entraînement et un moment d’école. On récupère également des images quand il se passe des évènements que l’on a pas pu capter. Ce qui compte c’est de raconter le plus justement et fidèlement possible ce qui se passe dans leur saison sportive et l’ambition est de raconter également leur année en tant que jeunes femmes.

Dans la deuxième saison, les parents des gymnastes et des autres athlètes sont très présents, c’était un choix de votre part ?

© Black Dynamite Production

Oui c’était une volonté ! On se rend compte que ce sont des personnes très importantes pour les athlètes qui sont encore très proches d’eux mais qui sont aussi très éloignées physiquement car ils les voient peu. Cela crée toujours des moments assez forts en émotion car assez souvent les moments de retrouvailles se font dans des moments de stress, de compétition où il y a beaucoup d’enjeu. Pour nous, cela nous aide à créer des choses fortes au niveau émotionnel, donc c’était une volonté. Puis il faut savoir que l’on est sur une deuxième saison on avait envie d’aller un petit peu plus loin dans la connaissance des sportifs, de Lucie et Mathilde. J’avais envie que l’on comprenne qui sont ces deux jeunes femmes personnellement, d’où elles viennent etc.

Vous avez donc partagé beaucoup de moments avec Lucie Henna et Mathilde Wahl, auriez-vous des anecdotes de tournages à nous faire part ?
Malheureusement on n’a pas pu assisté à la revue des effectifs de Saint-Etienne en décembre 2021. C’est la fameuse revue où Lucie chute aux barres asymétriques. D’un point de vue extérieur cette chute représente le tournant de la saison. En début de saison Lucie avait un peu le vent en poupe et était la gymnaste que l’on poussé vers l’avant par rapport à Mathilde, qui a eu un début de saison plus difficile. Au moment de cette revue les courbes s’inversent : à cause de cette chute Lucie n’est plus dans le collectif et ne fait pas le stage en Corse, en revanche Mathilde fait une superbe compétition et donc réintègre le collectif. Pour moi c’était intéressant et la chute symbolisait vraiment ce tournant. Le soucis était que je n’avais pas les images de cette chute. Je demande à Martine de me raconter cet évènement lors d’une interview, suite à cela il me fallait absolument les images. Ce n’est autre que Lucie elle-même qui m’a envoyé la vidéo de sa propre chute et j’ai trouvé ça classe de sa part de m’envoyer l’élément le plus raté de sa saison elle-même. Je l’ai pris comme une grande preuve de confiance, en disant “ok on va me voir à mon désavantage, mais pour le bien de la série il faut le faire”. J’ai énormément de tendresse pour ces jeunes athlètes que je filme, beaucoup d’empathie et beaucoup d’envie qu’ils réussissent tous mais je sais que l’on ne peut pas montrer que de la réussite sinon cela ne marche pas.

Lucie et Martine
© Black Dynamite Production

Autre anecdote, on a vraiment voulu mettre un point d’honneur à retranscrire le son de la gymnastique cette saison. Alors évidemment impossible pour nous de mettre des micros sur les filles pendant les compétitions, je ne voulais pas qu’elles se blessent ou qu’elles soient gênées par le micro. Donc ce qu’on a fait c’est qu’on a mis les micros lors d’un entraînement ! Vu qu’elles répètent leurs programmes au complet qui sont les mêmes qu’en compétition et bien on a plaqués ces sons là, qui sont des sons réels de Lucie et Mathilde, sur les images des compétitions en les mélangeant évidemment avec les vrais sons d’ambiance de la salle à ce moment là.

Est-ce qu’une troisième saison de champion(s) est prévue ?
C’est en bonne voie, évidemment France TV était très content de la première saison et le sont également de la deuxième. Le but est de réussir à emmener cette série jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Dans la logique des choses il y aura une saison trois.

Propos recueillis par Anaïs Carlier 

Découvrez les 8 épisodes de la saison 2 de Champion(s) en cliquant ici 

 

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