Les élections de la Fédération Internationale de Gymnastique étaient l’échéance importante de cette fin de cycle olympique. Les urnes ont ainsi livré leur verdict en ce vendredi 25 octobre à Doha. Spotgym fait le point sur la tectonique des plaques géopolitiques de la gymnastique.
Le premier à remettre son titre en jeu est traditionnellement le Président. A la FIG le principe de l’élection est descendant. En effet plusieurs collèges sont établis et chaque candidat peut l’être au titre de plusieurs collèges, mais il ne peut être élu qu’une seule fois. Ainsi les postes les plus importants sont proposés au vote en premier.
D’abord, le Président, puis les trois vice-présidents, le Comité Exécutif (avec 7 postes), et les présidents des huit comités techniques.
Pour finir, sont élus les sept membres de chaque commission technique, et le Council (chaque continent dispose d’un certain nombre de siège établi selon le nombre de ses adhérents à la FIG, par exemple l’European Gymnastics dispose de sept sièges et l’Océanie d’un seul. Chaque fédération vote uniquement pour son union continentale), puis les auditeurs.
Les Présidents des Comités Techniques siègent également au Comité exécutif (élargi). Chaque fédération ne peut avoir qu’un seul représentant technique et un seul représentant administratif au maximum dans cet organe.
Morinari Watanabe réélu pour un troisième mandat
Avec 64% des suffrages, le japonais est confirmé à la tête de l’organe international. Il devance pour la deuxième fois le président d’European Gymnastics l’azéri Farid Gayibov. Il s’agit là du troisième échec de rang pour la gymnastique européenne.
Le français Georges Guelzec avait en son temps échoué à succéder à l’italien Bruno Grandi en 2016, laissant s’envoler la gestion de la FIG vers le Japon.
Avec cette nouvelle réélection, Watanabe peut espérer poursuivre sa campagne vers la présidence du CIO qu’il briguera en mars prochain.
Ce nouvel échec de l’Europe à la présidence de la FIG est cependant symptomatique d’une évolution des lignes géopolitiques de la Fédération Internationale. Même si l’Europe reste encore majoritaire en termes de sièges, c’est surtout particulièrement le cas grâce à certaines commission techniques qui restent (quasi) exclusivement aux mains de l’Europe (Trampoline, Gym acrobatique). Du côté des instances administratives, les lignes se décalent vers les pays qu’on pourrait appeler émergeants : péninsule arabique, Amérique latine.
Si 44% du Comité Exécutif reste européen (dont cinq présidents techniques sur 8), le seul vice-président élu en troisième et dernière position est européen (Celen – TUR).
L’échec de Nelli Kim, la fin d’un règne
La biélorusse d’abord élue comme présidente du Comité féminin, puis vice-présidente était une figure incontournable de la FIG, depuis des décennies. Elle paie cette année la fronde contre la Biélorussie (aucun des candidats de ce pays n’a été élu), qui fait les frais de sa situation géopolitique d’amie de la Russie. La Fédération de Russie conserve un certain nombre d’élus, dans les commissions techniques, parfois élus simplement pour faire le compte (nombre de candidats = nombre de postes), mais aucun ne dispose d’un poste stratégique.
La figure montante de cette élection est la mexicaine Naomi Valenzo, élue vice-présidente, et suivant les traces de Kim.
D’abord membre du comité technique GAF, elle en démissionne pour assumer les fonctions de Présidente de l’Union panaméricaine de gymnastique, à ce titre elle siège au Comité Exécutif de la FIG. Dorénavant elle est deuxième vice-présidente de l’institution.
Le premier vice-président étant l’hôte du Congrès électif : le qatari Ali Al Hitmi qui poursuit sa progression politique dans le giron de la gymnastique.
Un renouvellement des dirigeants à 54% pour le Comité Exécutif (Président, VP et Comité Exécutif)
Si le bureau présidentiel change pour, seulement, un quart de son effectif (un seul VP n’a pas été réélu), le Comité exécutif est constitué de 71% de nouveaux membres.
Du côté des Commissions Techniques, elles étaient sept jusqu’à présent. S’est formée la Commission Parkour qui s’inscrit dans le renouveau de la Fédération Internationale. Elle est la seule commission sans représentant de l’Europe. Même si son Président, Charles Perrière, s’il a opté dernièrement pour la nationalité sportive camerounaise pour pouvoir briguer le poste, est un membre actif du Parkour en France, puisqu’il fait partie des précurseurs de la discipline, inventant les Yamakassi. Il est également candidat au poste de représentant technique de la discipline sur la liste « Au cœur de la Gym », aux prochaines élections de la FFG.
La stabilité est remarquable aussi sur les Comités techniques, puisque cinq des sept présidents techniques en place ont été reconduits. A noter qu’en GAM le président en exercice, Arthurs Mickevics (LAT), ne se représentait qu’en tant que membre, et a échoué. Pas loin d’être une première qui mérite une analyse plus approfondie du fonctionnement de cette commission. C’est le britannique Andrew Tombs qui devient président technique GAM.
Pour la gymnastique féminine Donatella Sacchi (ITA) était seule candidate à sa succession et ne pâtit donc pas des déboires du jugement des Jeux Olympiques de Paris.
En GR c’est l’égyptienne Noha Abdou Shabana qui confirme son statut et la puissance grandissante de ce pays qui place des représentants techniques dans les Commission Technique des trois disciplines historiques.
En trampoline, le français Christophe Lambert, seul candidat de la FFG sur cette élection, est largement réélu face au biélorusse Dimitri Poliarush, à la tête d’un comité entièrement européen, où seul six candidats se présentaient.
Une géopolitique mouvante, à l’image d’une démocratisation et d’un élargissement de l’aire de pratique, de performance, de développement et d’événementiel menés par la FIG, tournée de plus vers les Sud, une polarisation variable et des associations politiques qui ont opposé pendant des décennies l’Europe de l’Est à l’Europe de l’Ouest et au reste du monde, qui là aussi subit des ressacs.
On le voit dans l’organisation des compétitions, on l’observe dans l’éveil de certains pays sportivement, la gymnastique internationale est en mouvement perpétuel, et la vieille Europe doit se remettre en question si elle veut conserver son hégémonie gymnique, à moins qu’il ne soit déjà trop tard, pour une émulation internationale et multiculturelle des plus enrichissantes.
Quelques statistiques :
84 postes ouverts
17 élus pour l’Asie, 10 pour l’Afrique, 38 pour l’Europe, 17 pour l’Amérique, 1 pour l’Océanie (auquel s’ajoute le poste continental resté vacant et pourvu prochainement)
Pour tous les résultats : Site FIG
Communication officielle : Elections FIG
Renouvellement des Comités techniques (7 membres dont un Président)
GAM : 57%
GAF : 28,5%
GR : 28,5%
TR : 33,3% (6 membres)
ACRO : 60% (5 membres)
AERO : 14%
Gym pour Tous : 57%
PK : Nouveau Comité Technique (5 membres)
Renouvellement des VP : 33%
Renouvellement des Elus Comité Exécutif : 71%
Renouvellement du Comité Exécutif : 54%
Renouvellement du Comité Exécutif élargi : 44%