À 17 jours des championnats africains qui se tiendront les 26 et 27 mai à Pretoria en Afrique du Sud, la famille de Kaylia Nemour, jeune gymnaste franco-algérienne de 16 ans qui se retrouve au coeur d’un imbroglio avec la Fédération française de gymnastique, poursuit sa mobilisation afin de débloquer la situation. Un hashtag #libérerKaylia a également été lancé.
Les heures défilent et le temps presse. Kaylia Nemour, gymnaste franco-algérienne licenciée au club d’Avoine-Beaumont, pourra-t-elle participer aux championnats africains le 26 mai prochain, compétition qualificative pour les championnats du monde d’Anvers, eux-même qualificatifs pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 ? Pour le moment, la réponse est non.
Pour mieux comprendre la situation, il faut revenir deux ans en arrière. En 2021, Kaylia Nemour se fait opérer des genoux car elle souffre d’une ostéochondrite. Après huit mois de rééducation, son chirurgien et son médecin du sport l’autorisent à reprendre l’entraînement. Mais le médecin fédéral s’oppose à sa reprise, sans même l’avoir auscultée. Après des mois de blocage, riche de la double nationalité franco-algérienne, elle décide de rejoindre les rangs de l’Algérie.
La Fédération internationale de gymnastique donne son feu vert mais pas la Fédération française. Or sans le consentement de la FFG, la gymnaste de 16 ans est obligée de respecter un délai de carence d’un an avant de pouvoir matcher pour l’Algérie sur une compétition internationale. Un délai de carence d’un an stipulé dans les statuts de la FIG dans le cas où la fédération “sortante” ne donne pas son accord. C’est par un courrier daté du 20 juillet 2022 et émis par la FIG que la famille de Kaylia Nemour est informée de la situation: “Nous avons le plaisir de vous informer que lors de la réunion qui s’est tenue le 20 juillet 2022 à Nassau, le Comité Exécutif de la FIG a officiellement approuvé le changement de nationalité demandé par Kaylia Nemour. Cependant, étant donné que l’accord de la Fédération Française de Gymnastique n’a pas été reçu, le changement prendra effet un an après la décision, c’est-à-dire au 20 juillet 2023 selon l’article no 36.2.1.1 des Statuts FIG.”
Pourtant, à l’étranger, nombreux sont les gymnastes qui changent de nationalité sportive sans être soumis à un délai de carence car les fédérations sortantes valident le changement de nationalité. Et par le passé, en France, les changements de nationalité sportive ont également existé sans qu’aucun délai de carence ne soit mis en place. Mais alors pourquoi la FFG ne valide-t-elle pas le changement de nationalité sportive de Kaylia Nemour, qui ne compte qu’une sélection France alors qu’elle n’était qu’en espoir (une catégorie non reconnue par la FIG, NDLR), comme elle a pu le faire avec Farah Boufadène en 2015 et Janna Mouffok en 2018 ce qui avait permis aux deux anciennes internationales françaises de matcher sous leurs nouvelles couleurs immédiatement ? Contactée à ce sujet fin février, la Fédération Française de Gymnastique n’avait pas souhaité s’exprimer. Selon sa mère Stéphanie Nemour, Kaylia est tout simplement « une victime collatérale du conflit qui oppose le club avec la FFG depuis que certaines gymnastes du club ont refusé de partir s’entraîner à l’INSEP ou au pôle de Saint-Etienne » dans le cadre du projet olympique fédéral en vue de Paris 2024. « Un acharnement et une situation injuste qu’aucune athlète de cet âge ne devrait connaître », regrette-t-elle.
Une mobilisation sans faille
Afin de permette à sa fille de matcher aux championnats africains et ainsi entamer son processus de sélection olympique, elle se bat. Après avoir lancé une pétition en février dernier, elle poursuit sa mobilisation en tentant d’alerter les autorités, la presse et l’opinion publique. Un élan de soutien se met également en place sur les réseaux avec un hashtag #libérerKaylia qui a été lancé et de nombreux athlètes olympiens et mondiaux, dont Cécile Canqueteau-Landi, Elvire Teza, Marine Debauve ou encore Elisabeth Seitz, qui n’hésitent pas à relayer la cause ou afficher leur soutien à Kaylia. Mais pour le moment, statu-quo et la situation n’évolue pas. Pour autant la maman ne baisse pas les bras et continue son combat avec l’espoir que la commission présidentielle de la Fédération internationale de gymnastique qui se réunira ce jeudi lève la clause restrictive dont fait l’objet sa fille ou que la FFG « finisse par revenir sur sa décision afin que Kaylia puisse participer aux championnats africains ». Sinon, la sentence finira par être irrévocable et la gymnaste formée en Indre-et-Loire devra attendre le 23 juillet 2023 pour pouvoir enfin s’exprimer pleinement à l’internationale.
Pour l’heure, elle poursuit sa préparation et continue de marquer les esprits sur chacune de ses sorties compétitives avec son club d’Avoine. La dernière en date ? La finale du Top 12 le 30 avril dernier où elle a obtenu la magnifique note de 15,350 aux barres asymétriques avec une note de difficultés de 6,8. En comparaison, la chinoise Xiaouyan Wei est devenue championne du monde sur ce même agrès, en octobre dernier à Liverpool, avec la note de 14,966. L’italienne Alice D’Amato a quant à elle été sacrée championne d’Europe en avril dernier avec la note de 14,400. Si le jugement est différent sur chaque compétition, Kaylia Nemour n’en reste pas moins une prétendante certaine à la médaille à cet agrès…