Thomas Sammut : “Pendant le confinement, plus personne n’avait de prise sur les scénarios”

Préparateur mental, Thomas Sammut accompagne de nombreux sportifs depuis des années. S’il est essentiellement connu pour ses différentes missions effectuées auprès du Cercle des nageurs de Marseille et notamment aux côtés des célèbres Florent Manaudou, Camille Lacourt et Frédérick Bousquet, il accompagne également depuis trois ans maintenant quelques gymnastes du Pôle de gymnastique de Marseille. Auteur du livre Un cancre dans les étoiles, ouvrage dans lequel il prodigue de précieux conseils destinés à tous, sportifs de haut-niveau ou non, il revient pour Gym and News sur la période de confinement et sur les impacts que celui-ci a pu avoir sur le mental des sportifs de haut-niveau. Entretien.

Gym and News : Quels ont pu être les impacts du confinement sur le mental d’un sportif de haut-niveau ?
Thomas Sammut : Tout dépend de l’approche du confinement qui a été faite. Soit le sportif a été pris par l’émotivité lié au confinement ce qui a entraîné beaucoup de questionnements, soit il a réussi à prendre du recul par rapport à cette situation, réussissant ainsi à se détacher de son quotidien habituel, de la routine qu’il connaît, pour mettre en place un protocole physique et ainsi changer de l’ordinaire. Dans le cas de la 1ère approche, l’athlète s’est alors posé beaucoup de questions, comme par exemple ‘Vais-je revenir à mon meilleur niveau ?’, ou alors ‘Et si je n’arrivais pas à reprendre le rythme une fois que les entraînements reprendront ?’, etc. Dans ce cas de figure-là, si le sportif n’est pas parvenu à endiguer ce flux de pensées et de questions, une fatigue nerveuse a dû s’installer. Alors que dans le cas de la 2ème approche, les sportifs ont ainsi pu récupérer de la fraîcheur physique et mentale. L’idéale était de faire en sorte de profiter de cette période de confinement pour se régénérer, se poser les bonnes questions et faire des choses qu’ils n’avaient plus le temps de faire le reste du temps.

Qu’entendez-vous par se poser les bonnes questions ?
Le confinement a été l’occasion pour les sportifs de haut-niveau de sortir la tête du guidon et d’avoir un autre regard sur leur carrière, sur ce qu’ils sont et sur ce qu’ils veulent être. En quelque sorte, avoir un autre regard comme s’ils prenaient de la hauteur. Par exemple pour les gymnastes, ils ou elles pouvaient profiter de cette période pour se demander quelles choses ils pourraient améliorer dans leur approche de l’entraînement en tant que gymnaste de haut-niveau ? Quelles choses ils pourraient faire pour s’améliorer ? La gymnastique est en retard dans l’approche de la responsabilisation mais c’est quelque chose d’essentiel… alors certains diront que les gymnastes féminines notamment sont jeunes mais même si elles sont jeunes, elle peuvent être force de proposition et ne plus être de simples exécutantes. La relation entraîneur/entraîné(e) changerait et pourrait permettre d’atteindre de nouveaux objectifs et de meilleurs résultats.

Le confinement a-t-il pu se révéler bénéfique sur certains aspects ?
Le confinement, c’est un peu comme une répétition générale qui permet d’arriver à gérer un flux de pression. Savoir gérer un flux de pression est une notion très importante dans une carrière. Il fallait donc parvenir à se servir du confinement comme une sorte de chance qui permettait de s’extraire de son quotidien qui, à la longue, fatigue physiquement et mentalement. Il fallait essayer de se servir de ce confinement pour parvenir à revenir à l’entraînement avec le corps et l’esprit reposés. Ce confinement offre tout simplement la possibilité de revenir à l’entraînement avec une fraîcheur qui avait pu être perdue.

Vous travaillez avec le pôle de Marseille, quelles ont été vos missions durant le confinement ?
Cela fait trois ans maintenant que j’interviens au Pôle de Marseille. Avec Vincent Pateau, qui croit en mon approche et partage mes idées, nous avons envie de moderniser l’approche de la gymnastique. Nous avons donc mis en place une stratégie stimulante par le biais d’activités qui sortaient de l’ordinaire et apporter ainsi de la joie de vivre et des sourires aux gyms alors que la période ne s’y prêtait pas forcément.

Il est important que les peurs deviennent des alliées et non des adversaires

De nouvelles peurs ont-elles pu apparaître avec le confinement ?
Nous avons travaillé afin que les filles développent peu de peurs justement. Le confinement a été une grosse période d’incertitude car plus personne n’avait de prise sur les scénarios et le temps. Pour certaines, ce cas de figure a pu leur faire du bien, notamment pour les gymnastes blessées. Mais celles qui étaient dans une bonne dynamique avec des échéances internationales en vue, cette période a pu se révéler plus délicate à gérer avec cette question légitime qui pouvait alors faire son apparition : ‘Vais-je encore être en forme deux années d’affiliée ?’ Nous avons donc fait en sorte que les filles se détachent du résultat afin qu’elles profitent de l’instant présent. Il est inutile de se projeter vers l’après ou de revivre les moments passés, le plus important était de se focaliser sur l’instant présent et de tirer le positif de cette période inédite. Il est important que les peurs deviennent des alliées et non des adversaires.

Comment bien vivre le fait de ne plus avoir d’objectifs à court et moyen terme ? 
Les sportifs doivent avant tout se focaliser sur l’instant présent et surtout ne pas chercher à regarder derrière ou devant. Le confinement ressemble un peu à ce que peut vivre un athlète blessé, à la différence qu’avec le confinement, il était plus difficile d’avoir une idée de la date de fin. En effet, pendant le confinement, personne ne savait quand l’entraînement allait pouvoir reprendre. C’est pour cette raison qu’il était important de rester concentré sur le moment présent, afin d’éviter un flux de questions qui pouvaient se révéler néfastes et entraîner ainsi une fatigue mentale et physique.

L’âge de l’athlète peut-il influencer la gestion du confinement ?
Tout dépend surtout du caractère des athlètes. Certains jeunes athlètes peuvent ne pas trop se rendre compte de ce tout qui était en train de se passer. Pour eux, ce qu’ils voyaient premier, c’était la chance de passer plus de temps en famille, etc. Des moments en famille qui leur a permis de se ressourcer et de puiser une nouvelle force. Pour d’autres, le confinement a été plus difficile à gérer car ils étaient en train de subir la situation. Donc la gestion du confinement dépend vraiment des personnalités de chacun et de la maturité.

L’absence d’entraînements et de compétitions a-t-elle pu faire perdre tout repère ?
Une routine s’installe au fil des années, donc c’est bien parfois de perdre ses repères. Il est important de reconsidérer ses repères et ainsi aller en compétition avec un esprit plus ouvert. D’autant plus que cette absence d’entraînements et de compétitions a permis de se questionner sur quelque chose d’essentiel. C’est-à-dire être amené à se demander si on aime vraiment la gym ou si on va à l’entraînement par simple habitude ? Et si le manque s’est vraiment installé alors l’envie de reprendre permettra de retourner à l’entraînement dans de très bonnes dispositions. Se confronter à l’inconnu peut se révéler très positif dans une carrière.

si on développe trop de peurs, le sportif se fera manger

Avoir des peurs peut-il être bénéfique pour un athlète ?
Avoir des peurs n’est pas une honte, c’est même légitime d’en avoir. Mais il faut apprendre à mieux les gérer, à mieux les comprendre. Car si on développe trop de peurs, le sportif se fera manger. Plus le sportif aura une estime de soi qui correspond à la réalité, plus il apprendra à s’apprécier avec ses différences, plus il pourra atteindre de nouvelles performances. La peur de l’échec, la peur du regard des autres freinent énormément. La grande différence entre ceux qui ont réussi leur chemin et les autres est simple : les premiers ont tout simplement enlevé leurs freins, tandis que les seconds ont conservé cette peur au ventre, sans la remettre en question.

Vous parlez souvent d’épanouissement personnel, de performances par le bien-être, qu’est-ce que cela signifie ? En quoi cet épanouissement personnel est-il important ?
Si on se focalise sur son épanouissement personnel, cela permettra de développer une meilleure connaissance de soi et d’avoir un supplément d’âme. Un athlète épanoui sera bien mieux dans sa tête et dans son corps. Il ne se focalisera plus sur la peur de l’échec, ni sur la peur du regard de l’autre, mais sur des choses essentielles qui lui permettront d’aller encore plus loin dans la performance. Plus l’athlète sera libéré, plus il sera performant.  Il est important de ne pas se focaliser uniquement sur le résultat. L’épanouissement intérieur, l’affirmation de soi et le sens que l’on donne à sa vie, créeront naturellement les résultats dont nous rêvons. D’ailleurs, si les coachs étaient moins focalisés sur leur CV mais plus sur l’épanouissement personnel de leurs athlètes, il y aurait de meilleurs résultats. Mais pour le moment, en France et quelque soit le sport, cette notion a dû mal à entrer dans les mentalités.

Vous avez travaillé avec Léa Marques, dont vous parlez d’ailleurs dans votre livre, qu’avez-vous mis en place avec elle ? Avez-vous travaillé sur cette notion d’épanouissement personnel ?
Avec Léa, comme avec les autres sportifs, nous avons avant tout fait un travail complet sur sa personne. Sur ce qu’elle est en tant qu’individu afin de créer une véritable harmonie intérieure. Léa aurait pu avoir un goût amer de sa carrière à cause de tout ce qu’on a pu lui dire, mais nous avons fait un gros travail d’introspection afin de développer son épanouissement personnel. Et aujourd’hui Léa n’a plus aucune animosité. Elle est épanouie et elle ne garde que de bons souvenirs de sa carrière. Autre chose importante, elle n’a plus peur de son après-carrière. Elle était prête à passer le cap, sans aucune crainte. Il est important de suivre les athlètes dans cette transition afin de leur permettre de bien vivre leur vie d’homme ou de femme. Malheureusement en France, ce suivi est encore trop rare, car beaucoup n’y voit pas l’utilité. Pourtant c’est une étape que personne ne devrait négliger car elle permet de tourner la page sereinement, sans rancoeur et sans regret.

Propos recueillis par Charlotte Laroche

Un cancre dans les étoiles, Thomas Sammut

Si vous tenez ce livre entre les mains, ce n’est pas un hasard : Un cancre dans les étoiles est écrit pour vous et il va changer votre vie ! Thomas Sammut a un parcours atypique : marqué par de grandes difficultés scolaires et rejeté d’un système éducatif lui offrant peu de perspectives, ce self made man a créé sa propre méthode afin d’accompagner d’immenses sportifs sur la voie du succès. Comment réaliser ses rêves ? Pourquoi le bonheur et l’épanouissement personnel mènent-ils aux plus beaux résultats ? La méthode de Thomas Sammut « La performance par le bien-être » a déjà convaincu des milliers de personnes : des champions d’exception parmi lesquels Florent Manaudou et Camille Lacourt, des grands dirigeants d’entreprise, des parents surmenés, des adolescents en manque de repères… Cette méthode, qui a fait ses preuves au plus haut niveau, est destinée à toutes les personnes qui désirent se réaliser sur les plans personnel et professionnel. Elle est délivrée dans un livre synthétique, pratique et accessible à tous.

 

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