À un an de passer le bac, Elsa Somville a pris la décision de quitter le haut niveau. Une nouvelle aventure commence pour la Calaisienne de dix-sept ans qui ne compte pas pour autant décrocher du sport qu’elle pratique depuis près de dix ans. Elle revient pour Spot Gym sur les raisons de son arrêt et les moments forts de sa carrière.
Elsa Somville était destinée au haut niveau. Lorsqu’elle commence la gymnastique rythmique, elle s’inscrit au club de Calais et débute ses premiers entraînements dans un gymnase qu’elle ne quittera plus jamais. Même si son premier Championnat de France n’est pas un franc succès, l’année suivante sonne le début d’une belle carrière : « À ma première année Benjamine, j’ai fait mon premier Championnat de France et je suis arrivée dernière. Puis en deuxième année, j’ai fini cinquième. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire », se souvient-elle. C’est à ce moment que la jeune fille se qualifie en Avenir et que les entraîneurs du pôle de Calais, Svetlana Karbanov et Katia Guillère la repèrent : « Je m’entrainais à côté des filles du pôle, Svetlana a commencé à s’intéresser à moi et à regarder mes compositions. J’ai rapidement été prise », déclare-t-elle.
Durant toute sa carrière, c’est Svetlana Karbanov, la maman de la concurrente directe d’Elsa, Hélène Karbanov, qui l’entraîne. Une belle complicité s’est installée entre elles deux : « On a toujours eu un lien avec Svetlana. On a essayé avec Katia qui est en charge des séniors, mais j’étais plus à l’aise avec Svetlana qui a pour méthode le travail sur la fatigue sans arrêt. Katia recherche plus la qualité avec moins de passages en musique. Elles ont des méthodes différentes, mais tout aussi efficaces et d’ailleurs elles collaborent et s’entraident beaucoup », explique-t-elle. À leurs côtés enseignent aussi un professeur de hip-hop et de contemporain pour libérer les corps des gymnastes et un professeur de danse classique pour le maintien : « Le classique, ça n’a jamais été mon truc, je m’y ennuie, mais le hip-hop je m’éclate et en plus c’est rare d’en avoir en GR », avoue Elsa.
Entrée au pôle de Calais en sixième, Elsa participe à ses premières revues d’effectifs et tournois internationaux. Elle se retrouve régulièrement à la cinquième place, des résultats qui la satisfont. La jeune fille progresse commençant à grimper sur les podiums, mais c’est en quatrième qu’elle se fait remarquer devenant première des juniors. Alors à la meilleure période de sa progression, la pandémie et le confinement stoppent les performances compétitives d’Elsa et annulent ses projets sportifs, comme les « gymnasia » en Chine. Pourtant, elle ne se sera jamais autant entraînée qu’à cette époque avec des entraînements matins et après-midi dictés par le pôle.
À la reprise des compétitions, la pensionnaire du pôle de Calais participe aux tests de sélection pour les Championnats d’Europe à l’INSEP. « Au début, ils ne voulaient pas me prendre. Ils pensaient envoyer Lily Ramonatxo, Janène Carilien et Ainhoa Dot Espinosa. Mais j’ai réussi à me démarquer et je suis arrivée deuxième derrière Lily. Donc je suis partie aux Championnats d’Europe en Ukraine. C’était avant la guerre, c’était incroyable », raconte-t-elle. L’opportunité pour elle de présenter les quatre engins, ce qui est rare en junior, et même de faire une finale au ruban pour sa première grande compétition : « Tout le monde attendait Lily et quand on m’a vue en finale, on s’est dit ‘tiens qu’est ce qu’elle fait là Elsa’. Mais beaucoup de gens appréciaient mon ruban, j’étais d’ailleurs dégoutée de changer d’enchaînement l’année d’après, parce que je l’aimais bien aussi », regrette-t-elle.
Accompagnée de son entraîneur Svetlana, elle considère que c’est son meilleur souvenir, bien qu’elle nous avoue avoir été tétanisée par l’enjeu : « Je me souviens, qu’avant la compétition je ne voulais plus y aller, tellement j’étais stressée. C’était une période compliquée à l’école, parce que j’ai été déscolarisée pendant un mois ». Elle remporte ensuite la revue d’effectifs et certains tournois à l’étranger.
« Et là, je suis arrivée en première année sénior et j’ai débarqué dans un nouveau monde. Je me suis rendue compte à ce moment qu’avec les cours, ça allait être compliqué. Ils nous parlaient déjà du bac, ça me stressait. Sachant que nous sommes à l’école uniquement par demies journées et qu’on loupe la moitié des cours, c’est compliqué de tout rattraper. Les profs ne comprennent pas pourquoi tu n’es pas là et ils te mettent des sales notes », avoue la gymnaste qui s’entraîne tous les après-midi de 13h30 à 18h30 après quatre heures de cours. Elle s’offre tout de même une honorable cinquième place à la revue d’effectifs pour sa première année en sénior, en février 2022. La même année, elle décroche le titre de Championne de France en DN1 où elle participe aussi bien en ensemble qu’en individuel.
Pourtant, l’année qui suit, elle remarque qu’on ne lui donne plus de réels objectifs : « Cette saison, ça a été beaucoup plus compliqué. Je trouvais qu’il y avait de l’inégalité sur les notes. Même quand je réussissais, j’étais en dessous. Ça a commencé à me déplaire », confie Elsa ajoutant « après réflexion j’ai pensé qu’il faudrait peut-être que j’arrête, que je continue au club pour m’amuser, parce que j’aime la GR. Voilà les raisons pour lesquelles j’arrête le pôle. C’était ma décision. Je veux avoir le bac et je vois que c’est déjà difficile cette année ». Cette décision, Svetlana Karbanov, la comprise, mais elle insiste pour qu’Elsa n’arrête pas la GR : « Elle savait que je commençais à être mise de côté pour les JO. Par contre, pour elle, le changement serait trop brutal, j’allais m’ennuyer sans GR », explique Elsa. L’année prochaine, Elsa Somville rejoindra donc d’autres anciennes gymnastes de haut niveau en catégorie Nationale A 18 ans et plus. « Ça va être dur, il va y avoir de la concurrence. Je pense garder mon cerceau », annonce-t-elle. Svetlana Karbanov continuera d’entraîner Elsa les soirs au club quatre fois par semaine. En deuxième partie de saison, elle fera partie de l’équipe Nationale 3-4 de Calais. En effet, cette année l’ensemble, composé que de cinq filles, a été forfait en DN1. Calais GRS perd donc sa place en DN1 et est contraint de repasser par les qualifications DN3-4 : « Nous étions dégoutées, mais pour le club aussi c’est décevant, ce sera plus compliqué pour leurs subventions ». Car oui, la DN1 est une image de marque pour un club amenant pour beaucoup d’associations les financements d’une saison complète.
Si Elsa décide de quitter le pôle, elle ne regrette en rien son parcours et ne garde que du positif de ses années de haut niveau ; une bonne ambiance entre les filles et les entraîneurs, mais aussi la chance de voyager dans différents pays ensemble. « Toutes mes années ont été marquées par quelque chose. J’ai tellement de souvenirs. Ma vie a été là bas », pense Elsa. Elle a créé de véritables amitiés notamment avec Salomé Lozano Léon et Valérie Romenski : « C’était toute ma vie Salomé, quand elle est partie à l’INSEP, ça m’a brisé le coeur. On garde toujours la même proximité malgré la distance, mais comme elle n’est plus là, je me suis rapprochée de Valérie. On a le même âge donc on a les mêmes délires. Hélène, je ne la vois pas souvent parce qu’elle s’entraîne beaucoup. Et il y a Manon Defranoux aussi, qui est en famille d’accueil chez moi depuis trois ans et qui est comme ma petite soeur », explique tendrement Elsa.
Ceux qui regretteront le plus la décision d’Elsa, sont peut-être ses plus grands fans, ses grands-parents : « Depuis ma première compétition, ils ont toujours été avec moi. Ils n’ont loupé aucune compétition. Mes parents aussi sont venus beaucoup, ça les a fait voyager et c’était un vrai soutien », glisse-t-elle. Ils n’auront été absents qu’à un Championnat, le plus important, les Europe à Kiev. Des gradins vides, hormis quelques gymnastes locales, une ambiance qui a marqué la gymnaste française : « Sur le praticable, j’avais les encouragements de l’ensemble France et de Lily, c’est tout. C’était un peu vide ».
Aujourd’hui, grâce au pôle et à ses années de GR, Elsa sait gérer davantage son stress dans sa vie d’étudiante : « quand j’ai passé le bac de français, je n’étais pas stressée. Je ne connaissais pas forcément les réponses, parce que je n’avais pas vraiment appris, mais quand j’ai vu l’état des autres, je me suis dit qu’ils ne savaient pas gérer leur stress », déclare Elsa complétant « voyager m’a appris à me gérer seule, sans avoir besoin de mes parents tout le temps. J’ai grandi plus rapidement. J’ai appris à supporter la douleur, à travailler et à me motiver, parce que moi, je suis flemmarde de base. Si il n’y avait pas de GR, je passerais ma journée dans mon lit ».
L’année prochaine, Elsa passera les épreuves de bac de spécialité en HGGSP (Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques) et en SES (Sciences économiques et sociales), pour s’inscrire ensuite en BTS tourisme : « C’est assez court comme études et on profite. J’aime pas trop les cours, mais j’aime voyager et découvrir de nouveaux pays et puis, c’est un peu les vacances si on va dans des pays au soleil. Surtout qu’en compétition, on n’est pas allé dans les pays chauds », plaisante Elsa qui hésite à s’orienter vers l’animation sportive ou les agences touristiques. « Le problème c’est que je suis nulle en langues, donc j’aimerais partir aux Etats-unis pour faire fille au pair et arriver au BTS en parlant mieux anglais », prévoit-elle. Un futur déjà bien tracé pour la jeune fille.