Blanche Beziaud, ancienne pensionnaire du pôle de Dijon puis de l’INSEP, a décidé de mettre un terme à sa carrière de gymnaste de haut-niveau en 2019. Trois ans après son départ, que devient-elle ? Elle se livre sur les nombreuses années de pratique qui ont permis de forger la jeune femme qu’elle est devenue aujourd’hui et évoque également ses blessures psychologiques.
Spot Gym : Blanche, depuis ton arrêt du haut niveau, où en es-tu, que fais-tu ?
Blanche Beziaud : Depuis mon arrêt du haut niveau, je suis retournée au lycée, j’ai obtenu mon bac mention bien, et actuellement je suis en école d’infirmière à Dijon. Ce sont des études qui me plaisent beaucoup, et normalement après 3 ans je vais commencer à travailler.
On a pu voir que tu avais participé aux championnats de France universitaire à Rouen la saison dernière, qu’est ce qui t’as poussé à ré-enfiler le justaucorps ?
Après mon arrêt du haut niveau, j’ai essayé d’autres sports, comme l’athlétisme et la boxe. L’athlétisme ne m’a pas plu car j’ai trouvé ce sport trop monotone, mais j’ai bien aimé la boxe car je me dépensais bien. Mais lorsque je suis retournée à Dijon pour mes études, j’ai su que je pouvais faire partie d’une équipe pour les universitaires donc je me suis dit “pourquoi pas refaire de la gym pour m’amuser ?”, et c’est comme ça que je me suis de nouveau retrouvée sur les agrès.
Cela veut dire que tu es revenue à l’entraînement, à quelle fréquence t’entraînes-tu ?
Avec les études, je ne m’entraine pas beaucoup. Généralement, j’arrive à aller à l’entrainement 2 fois par semaine. Je sais que je devrais m’entrainer plus, mais c’est difficile avec mon emploi du temps.
Comment as-tu vécu cette expérience ?
C’était une super expérience que j’ai beaucoup appréciée car je n’étais pas du tout stressée. Il n’y a pas beaucoup de différences avec une compétition classique au niveau de l’organisation car on est jugées de la même manière, les rotations sont les mêmes etc… Mais le fait que je n’ai pas de stress, que l’ambiance soit détendue et que je m’amuse a rendu cette expérience différente des autres et très appréciable.
Comptes-tu recommencer cela cette saison ?
Oui ! Si tout va bien, je vais y participer tout au long de mes trois ans d’études. Ça me permet de me changer les idées et d’avoir des autres objectifs que ceux que je me fixe au niveau du scolaire.
Mis à part cela, as tu gardé un pied dans le monde de la gym ?
Oui, depuis que j’ai arrêté le haut niveau, j’ai commencé à juger. J’ai déjà obtenu les diplômes de juge 1,2 et 3, et cette année je voudrais passer mon diplôme de juge 4.
Souhaites-tu évoluer au niveau du jugement ? Est ce que juger de grandes compétitions comme des compétitions internationales pourrait être un but pour toi ?
Non. Je m’arrêterais au juge 4 tout simplement parce que ce n’est pas ma vocation mais surtout parce que je suis très nulle en anglais, donc ça ne passera pas (rires).
Que retiens-tu de tes années dans le haut niveau, au pôle de Dijon puis à l’INSEP ?
Ces deux structures d’entraînements sont très différentes. Au pôle de Dijon, j’étais beaucoup plus petite, et c’est là où j’ai le plus progressé. Je ne garde que de bons souvenirs du pôle, surtout grâce à mon entraineur Dominique Aubry qui m’a beaucoup appris. À l’INSEP, c’était assez compliqué pour moi car c’était difficile de reprendre après ma blessure au genou. Je retiens beaucoup de positif de l’INSEP car j’aimais ce que je faisais mais également du négatif de part les nombreuses remarques que j’ai pu recevoir de la part de certaines personnes notamment par rapport au poids que j’avais pris pendant ma période de blessure.
Qu’est ce que la gymnastique de haut niveau t’as apporté ?
Je dirais que la gymnastique m’a apporté beaucoup d’autonomie. J’ai appris à vivre sans être dans les pattes de mes parents (Rires). Et de la rigueur dans le travail et du calme pour gérer les situations stressantes.
Avec du recul, penses-tu que ton retrait du haut niveau était une bonne chose ? As tu déjà eu des regrets ?
Je pense en effet que c’était la bonne décision. Je ne me sentais plus bien du tout et les nombreuses remarques que je pouvais recevoir me faisaient ne plus me sentir à ma place. Je suis contente d’avoir pris moi-même la décision d’arrêter, car j’avais bien compris que l’année qui suivait j’allais être à la porte, clairement. Je n’ai pas de regrets. Après, forcément quand je regarde les JO de Tokyo ou les autres grandes compétitions je me dis “ça aurait pu être moi”, mais c’est comme ça.
Avec qui as-tu gardé le plus de contacts ?
Au niveau des entraineurs, j’ai gardé contact avec Dominique Aubry. Depuis que je suis à Dijon pour mes études, je suis revenue une ou deux fois au pôle pour discuter et regarder les filles. Il m’arrive parfois aussi de parler avec Martine George et Cedric Guille. Au niveau des gyms, j’ai surtout gardé contact avec Célia Serber avec qui j’ai partagé toutes mes années de gym de haut niveau et aussi Mathilde Wahl, mais également avec la quasi totalité des filles avec qui je m’entrainais à l’INSEP, notamment Coline Devillard ou Marine Boyer.
Si c’était à refaire, tu le referais ?
Trouver une réponse à cette question est assez compliqué. De manière générale, je dirai oui, car la gymnastique est ma passion, ça m’a apporté beaucoup de choses. Cependant, il y a certains aspects que je ne voudrais jamais revivre. Les critiques diverses et les remarques constantes sur mon poids de certaines personnes de la Fédération m’ont obligée à passer un an avec un psychologue après mon arrêt du haut niveau car je n’arrivais pas à m’en remettre. J’ai pendant longtemps évité de reparler de gym car je voulais vraiment couper les ponts, mais aujourd’hui le travail que j’ai fait avec le psychologue m’a aidé, et je peux en parler car c’est derrière moi maintenant.
Qu’est ce qui était le plus dur pour toi pendant tes années de haut niveau ?
Les remarques. Je n’ai jamais fait la tête pendant un entrainement car j’encaissais les remarques sans rien laisser transparaitre, et je pense que c’était ça le plus dur. Je ne mangeais quasiment plus rien aux repas car les phrases “t’es grosse” ou “t’es une camionneuse” qu’on pouvait me répéter des dizaines de fois me traumatisaient. On me rabaissait constamment. Lorsqu’on partait en week-end ou en vacances, on nous mettait en garde sur le fait de ne pas trop manger, alors que les vacances étaient faites pour se reposer et penser à autre chose, d’autant plus que je n’avais jamais parlé à mes parents de ce que je subissais aux entrainements. Bien qu’ils savaient que ce n’était pas facile car j’étais très renfermée sur moi-même à cette époque, ils ont été choqués lorsque je leur ai tout raconté après mon arrêt du haut niveau.
Quel est ton meilleur souvenir en tant que gymnaste ?
Je dirais les coupes nationales en 2013 à Mouilleron-le-Captif où nous étions arrivées premières en équipe. En individuel, je suis arrivée troisième. C’était la première fois que je montais sur un podium aussi important donc j’en garde un très bon souvenir. Si je peux en citer un deuxième, je dirai les Gymnasiades.
Et ton pire souvenir ?
Ma blessure au genou lors du stage France à Saint-Etienne en 2018, et les mois qui ont suivi.
Ton corps as-t-il gardé des séquelles physiques aujourd’hui ?
Pas forcément des séquelles physiques, mis à part les os qui craquent le matin quand je me lève (rires), mais plutôt des séquelles mentales. Quand je retourne m’entrainer, dès que je n’arrive pas à passer un élément je me dis “c’est parce que je suis grosse”. C’est ancré dans mon cerveau et je n’arrive pas à me défaire de cette idée à cause des remarques que j’ai subies. J’ai été détruite, et le fait de me reconstruire prends du temps.
As-tu déjà ressenti une forme de favoritisme envers certaines gymnastes, ou une forme d’exclusion de ton côté ?
Oui, bien sûr. Les filles qui sont dans les petits papiers de la fédération sont favorisées… À l’entrainement, il y avait toujours le groupe des fortes et le groupe des autres. Je ne me suis jamais sentie délaissée, mais plutôt écartée.
As tu désormais des projets futurs que tu n’aurais pas encore évoqué ?
Au niveau de la gym, je pourrais éventuellement refaire quelques compétitions en nationale en équipe, voire en individuel, mais tout ça reste encore très flou. A part ça, je suis pompier volontaire, ce qui rythme un peu mon quotidien, et évidemment mon principal objectif actuellement est de mener à bien mes études pour devenir infirmière après mes 3 ans d’école !
Propos recueillis par Romanée Ducherpozat