Au départ, elles ne se connaissaient pas. Morgane, Marie-Liesse, Alicia et Lorca se sont rencontrées presque par hasard, en 2017, lors des Internationaux de France de gymnastique à Bercy. Très vite, la magie a opéré. Des profils différents, des âges et des régions variés, mais une passion commune et une évidence : elles étaient faites pour s’entendre. Ce week-end, elles se retrouveront comme chaque année, fidèles au rendez-vous des Internationaux, pour partager bien plus qu’une aventure sportive.

C’est l’histoire d’une rencontre inattendue. D’une rencontre qui marque et qui lie pour la vie. Qui prouve, une fois de plus, que le sport, c’est aussi des histoires humaines. Tout commence en 2017. Morgane, alors en stage de fin d’étude au CRIF Gym (anciennement CRIFO), est chargée du programme des volontaires. Alicia, ancienne gymnaste bretonne, cherche un moyen de rester connectée à sa passion en s’impliquant comme bénévole. Marie-Liesse, qui travaille alors dans le théâtre à La Villette tout en s’entraînant à Argenteuil, rejoint également l’équipe. Lorca arrive l’année suivante, attirée par l’événementiel sportif. Toutes ne se connaissent pas et pourtant, ensemble, elles forment rapidement un noyau solide : la « Team Bercy ». « Alors qu’on ne vient pas du tout des mêmes régions, qu’on n’a pas le même âge ni le même travail, ça a tout de suite matché entre nous » , raconte Marie-Liesse. Car il y a des choses qui ne s’expliquent pas mais qui sonnent comme une évidence.
La semaine Bercy, une bulle hors du temps
Chaque année, en septembre, elles se retrouvent donc toutes les 4 à Bercy, les Internationaux de France devenant pour elles une parenthèse unique. Le temps d’une semaine, elles délaissent leur travail, leur vie quotidienne, pour se retrouver et se glisser dans la peau de bénévoles au grand coeur. « La semaine Bercy, c’est une semaine hors du temps. On est dans notre bulle. On est 24h/24, 7j/7 ensemble » , sourit Morgane.
Un engagement qui demande beaucoup. De l’énergie, de la disponibilité, parfois même des sacrifices, mais qui rend encore plus fort ce qu’il offre en retour : des amitiés indestructibles, des souvenirs inoubliables et la fierté d’avoir contribué, à sa manière, à la réussite d’un grand rendez-vous sportif. « Et même si c’est speed, parfois stressant, si les journées sont longues, c’est génial. On ne manquerait cette semaine pour rien au monde » , ajoute Lorca.
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Elles ne sont pas salariées, elles ne sont pas sous les projecteurs, mais sans elles, et tous les autres bénévoles, rien ne pourrait fonctionner. Leur rôle est aussi invisible qu’indispensable : orienter les délégations, accueillir les spectateurs, épauler l’organisation, s’occuper des approvisionnements, des médias, autant de missions qui, mises bout à bout, font battre le cœur d’une compétition internationale. Elles font partie de l’âme de l’évènement. « Il y a nous 4 mais au final la Team Bercy est bien plus importante. On est une cinquantaine à se retrouver chaque année et à partager tous ces moments ensemble » , souligne Alicia.

Et puis au-délà de leur amitié, au-delà des tâches à accomplir, des missions à effectuer, il y a aussi des rencontres qui marquent. Difficile pour elles de choisir un souvenir parmi tant d’autres. L’émotion d’une Marseillaise reprise par tout Bercy, les « chouilles » après les longues journées, ou encore les soirées entre volontaires, la liste est longue. Mais chacune s’est aussi créé son propre souvenir. Sa propre histoire. Son propre parcours. Ses propres rencontres. Morgane se souvient encore d’un jeune gymnaste égyptien un peu perdu en 2017. « Je suis allée le voir pour savoir si tout allait bien. A l’époque, il s’appelait Abdelrahman Elgamal, personne le connaissait. Aujourd’hui il s’appelle Adem Asil, mais moi je l’appelle toujours Abdo, il représente la Turquie, il est champion du monde et tout le monde le connaît. Nous sommes toujours amis. » Lorca, de son côté, a tissé une belle amitié avec Rhys McClenaghan, champion olympique en titre aux arçons, rencontré en 2018. « En fait on n’a jamais eu une posture de groupies, les liens se font naturellement et c’est qui fait la différence. On ne va pas les solliciter pour prendre des photos, on reste nous-mêmes et c’est ce qu’ils apprécient. » Bien loin du rapport fan-athlète qui peut déranger.
Pour certaines, Bercy c’est aussi finalement devenu bien plus qu’une équipe. Une famille. De coeur, mais pas que. Jusqu’à changer leur vie. « Pour ma part, Bercy m’a permis de rencontrer l’amour » , confie Marie-Liesse, qui vit aujourd’hui avec son compagnon, entraîneur de l’équipe de France masculine, et leurs deux enfants. « J’ai rencontré mon chéri en 2017, à Bercy. J’étais au micro en salle d’échauffement » , confie-t-elle. « Aujourd’hui, nous avons fondé notre famille. » L’histoire est belle.
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Paris 2024, une étape supplémentaire
L’histoire a pris une nouvelle dimension à l’été 2024, avec les Jeux Olympiques. Impossible pour elles d’imaginer manquer un tel rendez-vous. Et surtout de ne pas le vivre ensemble. Toutes les quatre. À Bercy. « Les JO à Bercy, ça ne se rate pas« , sourit Lorca, qui a organisé tout son planning professionnel autour de cette semaine unique. « On voulait vivre ces Jeux ensemble, avec des personnes chères à notre cœur » , résume Marie-Liesse.
Un pacte scellé bien avant l’événement. « En 2017, l’attribution des Jeux à Paris s’est faite pendant les Internationaux. À ce moment-là, on savait déjà qu’on les ferait ensemble. Il y avait une vraie émulation » , complète Alicia.
Toutes les quatre sur la même longueur d’ondes. Les Jeux, elles les vivraient ensemble. Quitte à refuser une mission plus prestigieuse mais qui les aurait éloignées l’une de l’autre. « On m’avait proposé une mission de team leader sur la salle d’échauffement du Bourget, ce qui était incroyable, mais pour moi, il était impensable de ne pas vivre les Jeux avec mes copines, à Bercy. J’ai préféré refuser pour pouvoir être avec elles » , confie Marie-Liesse.

Ce qui les unit va désormais bien au-delà du bénévolat. Elles sont devenues les « Bercy’s Girls », comme elles se nomment elles-mêmes avec tout le second degré et la sympathie qu’elles véhiculent, reconnues par les responsables, les bénévoles et même par certains athlètes. Une équipe soudée qui illustre parfaitement ce que le sport peut apporter : de la passion, des émotions, mais aussi des rencontres inoubliables. « On forme une deuxième famille » , sourit Morgane. Une belle preuve que derrière chaque grand événement sportif se cache aussi une formidable aventure humaine, où celles et ceux qui donnent de leur temps s’accomplissent, grandissent, et trouvent une place unique au cœur de la fête. Car être bénévole, ce n’est pas seulement aider en coulisses. C’est participer pleinement à l’histoire, partager des moments d’exception, et repartir avec la certitude d’avoir contribué à quelque chose de plus grand que soi.
Et demain ? Peu importe où la vie les mènera, Morgane, Marie-Liesse, Alicia et Lorca savent qu’elles auront toujours ce point de ralliement. Bercy restera leur terrain de jeu, leur maison, leur rituel. Car si les Internationaux de France et les Jeux Olympiques marquent l’histoire de la gymnastique, pour elles, ils racontent surtout une autre histoire : celle d’une amitié née par hasard, devenue essentielle, et qui continuera de s’écrire bien au-delà des compétitions.
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