Le gymnaste canadien, finaliste olympique à Paris, a contribué à la troisième place obtenue par l’équipe canadienne lors des Jeux Universitaires (FISU Games) mais aussi à la deuxième place décrochée par La Madeleine lors de la dernière saison du Top 12. William Émard revient pour Spot Gym sur son parcours, ses trois médailles aux FISU et son attachement à la compétition française mais également sur ses objectifs pour les prochaines échéances internationales.

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William Emard a remporté 3 médailles au Jeux Mondiaux Universitaires en ce mois de juillet 2025. Photo IMAGO / Xinhua

Spot Gym : Est-ce que tu peux commencer par te présenter et nous expliquer comment tu as commencé la gymnastique ? Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce sport ? 
William Émard : J’ai commencé la gymnastique à l’âge de quatre ans à cause de ma soeur qui en faisait aussi. Il y avait vraiment deux clans dans ma famille : un clan hockey sur glace et un clan gymnastique. Mon frère faisait du hockey, mais je ne voulais rien savoir de ce sport donc par « défaut » je me suis intéressé à la gymnastique et je me suis inscrit à un cours. Puis tranquillement j’en suis tombé amoureux et j’ai gravi les échelons. Au début c’était uniquement par plaisir ensuite j’ai rejoint l’équipe nationale junior puis les seniors et j’ai participé à des grands évènements internationaux.

Est-ce qu’il y a une professionnalisation possible au Canada ? 
C’est un sport semi professionnel on va dire, car il n’y a pas de ligue comme le Top 12, la Bundesliga ou la Série A. On reste dans le sport amateur mais on arrive à se trouver des sponsors et le gouvernement canadien nous subventionne pour nous aider et que l’on puisse continuer à s’entraîner. Mais il y a qu’une petite partie des gymnastes canadiens qui peuvent en vivre et je suis très content de pouvoir en faire partie.

Comment se passe l’accès au haut-niveau au Canada ? 
Notre place en haut niveau est calculée avec les moyennes de nos deux compétitions nationales de l’année. Tous les six mois environ on a une compétition de sélection nationale : Élite Canada en janvier/février et les Championnats Canadiens en mai/juin. Ça nous permet de nous classer sur l’équipe nationale et d’atteindre les standards pour faire partie de l’équipe du Canada.

Est-ce que vous avez un lieu d’entrainement fixe ou l’équipe nationale est dispersée à travers le pays ? 
Historiquement on était beaucoup plus dispersé dans tout le Canada parce qu’il y avait une gestion par province car c’est un grand territoire et on était tous à des milliers de kilomètres les uns des autres. Mais lors des deux dernières années, il y a un peu une centralisation qui s’est faite. Je viens de Montréal, Félix Dolci et Samuel Zakutney aussi. On est trois olympiens qui s’entrainent au Stade Olympique ou dans notre club à Laval. Tout ça a fait que les gens se sont un peu intéressés à notre façon de nous entrainer, on a senti que ça a encouragé les autres gymnastes à venir s’entrainer avec nous. Il y a eu des Ontariens qui ont déménagé, et plein de changements de clubs des membres de l’équipe nationale pour se rapprocher de nous ont eu lieu. On est affilié au club Laval Excellence, qui est une ville qui se situe au nord de Montréal.

Tu reviens des Jeux Universitaires d’été, comment s’est faite la composition de l’équipe canadienne ?
C’est un peu particulier pour les FISU parce que la plupart des pays laissent participer les membres de l’équipe nationale qui veulent et peuvent dépenser le montant d’argent nécéssaire pour participer à cette compétition. Il y avait Felix (Dolci), Yanni (Chronopoulos), Jayson (Rampersad), Matteo (Bardana) et moi qui avions montré de l’intérêt à la compétition malgré son coût, parce qu’elle n’est pas financée par Gymnastique Canada. Donc il n’y a pas eu de sélection en tant que telle. Le coût s’élevait à 7000 dollars canadiens (4396 euros), c’est quand même assez considérable ! Mais on devrait recevoir une aide des différents organismes, on a quelques sponsors et on travaille dur pour essayer de réduire la facture au maximum, mais avec les bons résultats qu’on a eu je pense que ça va être assez facile. C’était la dernière année où je pouvais participer à cet événement car c’est ouvert aux personnes âgées de 26 ans et moins, sauf que j’aurais 27 ans dans deux ans. On a essayé de monter équipe du mieux qu’on pouvait pour pouvoir atteindre des résultats intéressants et tout s’est bien passé car ça a été un succès pour nous.

Quelles études fais-tu actuellement ?
Je suis en baccalauréat (équivalent de la licence en France, NDLR) administration et marketing à l’UQÀM (Université du Québec À Montréal).

Comment as-tu vécu cette compétition, notamment le fait que tu repartes avec trois médailles ?
Ça vraiment été des montagnes russes en terme d’émotions. Notre premier objectif était surtout de faire un bon résultat en équipe, on visait un top 5 parce qu’on n’avait jamais réussi à décrocher une médaille en équipe pour le Canada dans l’histoire des Jeux Universitaires. Finalement on repart avec la médaille d’argent, derrière le Japon qui a complément dominé la compétition. Et devant les Suisses, nos très bons amis, qui sont à la troisième place. Ça a vraiment été un podium de rêve, et c’était la première fois qu’on battait les États-Unis aussi.

Au niveau individuel, ça a aussi été une très belle performance de ma part avec mon retour au concours général où j’ai décroché la médaille de bronze qui vaut beaucoup pour moi. En 2021, j’avais réussi à faire des belles choses en individuel mais depuis, j’ai souvent été blessé ou je réalisais des contre performances. Même chose à Paris, j’avais un de mes poignets qui me dérangeait donc je n’avais pas pu faire le concours général.

Cette fois-ci, tout s’est bien passé…
Oui, je suis content d’avoir eu un bon résultat d’équipe et cette médaille de bronze derrière les deux Japonais dominants. On savait qu’ils allaient prendre les deux premières places du coup on se « battait » pour la troisième. J’ai réussi à battre les Américains, les Suisses, les Australiens… Donc ça a vraiment été une belle performance de mon coté. Ensuite il y a eu cette troisième place aux anneaux, on savait que je pouvais faire décrocher une médaille à cet agrès, c’était un des objectifs, et ça a été mission accomplie encore une fois. J’avais l’air un peu moins heureux quand j’ai eu cette médaille, mais j’étais juste fatigué, surtout émotionnellement de la semaine car c’était la dernière journée de compétition.

Quels agrès avais-tu laissé de coté à cause de tes blessures ?
Ça a toujours été les arçons que j’ai dû laisser à cause de mes soucis de poignets. Puis en 2022 c’est ma première déchirure au biceps qui m’avait limité aux anneaux. Au Jeux de Paris, c’était aussi un petit accro à mon poignet qui m’a embêté.

Cette compétition t’a aidé et t’a servi de préparation pour les Championnats du Monde qui arrivent cet automne ?
Exactement ! L’autre objectif c’était aussi de savoir où je me situais sur les six agrès et d’avoir une préparation pour Jakarta en testant des nouveaux éléments aussi. J’ai un nouveau mouvement à la barre fixe et aux arçons. Je voulais aussi essayer la sortie en triple arrière aux anneaux que je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de faire parce qu’on a préféré rester sur la sûreté pour aller chercher cette médaille. En plus de ça il y a aussi eu le grave accident du gymnaste italien (Lorenzo Bonicelli NDLR) qui est tombé sur la nuque en sortie des anneaux. Sinon ça a été une super belle préparation et maintenant j’ai la voie libre pour soigner les petits « bobos » que je me suis fait aux FISU. On a pu voir que j’étais strappé au genou, donc ça serait bien de régler ça avant.

Tu es déjà assuré de faire partie de l’équipe ou une autre sélection arrivera avant la compétition ? 
Non, il y aura une sélection qui va se faire en septembre à Montréal pour déterminer l’équipe. Je pense que ça se présume assez bien de mon coté avec les derniers résultats que j’ai fait.

Quels objectifs te fixes-tu pour cette compétition si tu fais partie de l’équipe ?
J’aimerais consolider mon mouvement à la barre fixe en ajoutant le Cassina (salto tendu au dessus de la barre avec une vrille). Je l’avais fait en qualification, mais on a décidé de le retirer lors de la finale du concours général car j’étais en bonne position. Aux barres parallèles, je travaille également des nouveautés que j’aimerais ajouter dans mon mouvement.

Je pense que ça m’arrange car il y a un peu moins de dates et ça fait moins d’aller-retours pour moi depuis Montréal. J’ai aussi hâte de voir ce que va donner le nouveau format. Mais je suis content de refaire partie de cette belle équipe car on a fait une bonne saison l’année dernière.

Pour changer de sujet, tu matches en Top 12 avec le club de La Madeleine, penses-tu revenir concourir avec eux la saison prochaine ? D’ailleurs, le calendrier pour la saison 2025-2026 est sorti, qu’est-ce que tu en penses ?
Oui j’en ai déjà parlé avec Guillaume et Nicolas, ils m’ont demandé si j’étais toujours intéressé et j’ai dit oui. Donc il va falloir que je regarde en fonction de mon emploi du temps avec les Championnats du Monde en octobre, mais je serais plus qu’enthousiaste de revenir revenir pour la saison 2025/26. C’est un format que j’aime bien, et je pense qu’avec l’évolution de celui-ci, ça m’arrange car il y a un peu moins de dates et ça fait moins d’aller-retours pour moi depuis Montréal. J’ai aussi hâte de voir ce que va donner. Mais je suis content de refaire partie de cette belle équipe car on a fait une bonne saison l’année dernière. Ça sera un peu moins demandant physiquement. Mais l’expérience est incroyable donc je ne vois pas pourquoi je ne reviendrais pas !

William Emard en finale du Top 12 avec le club de La Madeleine. Photo Carmen Harel / Spot Gym

Qu’est-ce qui t’a motivé à concourir en Top 12 ?
C’est ma troisième année avec La Madeleine, donc ça allait avec la continuité des évènements. Je connaissais déjà l’équipe et les entraineurs. Je me sentais comme à la maison avec le club, ils me traitent extrêmement bien et la dynamique de groupe est très bonne aussi, que ce soit avec Énae (Fouchard), Julien (Maréchal), Tom (Masia Pacholczyk) ou encore les plus jeunes. C’est un peu une seconde nature finalement, c’est assez simple parce que je suis avantagé, j’ai plus d’expérience et fait plus de compétitions. C’est une belle expérience en plus parce que l’équipe est tout simplement incroyable.

Comment s’est passée ton intégration dans le club, et le contact avec l’équipe ?
Ça remonte à 2017 lorsqu’on a eu les Championnats du Monde à Montréal. On a reçu dans mon club quelques athlètes de La Madeleine et leur entraineur Guillaume Noé pour qu’ils puissent venir faire un petit camp d’entrainement avec nous. Par la suite, en 2021/22, j’avais signé avec Sotteville mais je n’avais pas pu concourir car je m’étais blessé (déchirure du tendon dans le biceps gauche) malheureusement. Puis j’ai un peu été mis comme deuxième réserviste pour l’équipe. Et Guillaume connaissant mon intérêt pour le Top 12, m’a écrit et m’a demandé si je voulais faire partie intégrante de l’équipe de La Madeleine en me disant que je serais leur premier athlète pour les six agrès donc c’était intéressant pour moi d’être avec eux. Je connaissais Guillaume, je savais quel genre d’entraineur il était donc ça faisait sens pour moi de les rejoindre.

Est-ce que les compétitions que tu as au Canada sont un peu similaires au fonctionnement du Top 12 ?
Nos mouvements comme athlètes internationaux vont être un peu similaires à ce qu’on fait partout que ce soit au Canada ou dans d’autres pays. On va simplement peut-être jouer la carte un peu simpliste quand on voit que l’adversaire du duel a un peu raté son mouvement ou mal effectué un élément, ça nous permet d’être plus réactifs et de s’adapter contrairement aux compétitions au Canada. Sinon mes mouvements et mes éléments sont les mêmes en général. Mais ça me permet d’avoir plus d’expérience et une compétition de plus dans le corps.

Avais-tu adapté ta préparation pour le Top 12 ?
Pas vraiment, j’ai gardé presque les mêmes mouvements avec lesquels je concours d’habitude. Lors de la semaine de finale du Top 12, le jeudi j’étais en compétition en Allemagne pour la DTB Pokal puis j’ai pris le train pour aller à Haguenau. Donc je dirais que les routines sont assez similaires mais comme je l’ai dit, des fois on simplifie si ça n’en vaut pas la peine. Mais en général j’essaye de garder le même calibre à l’international même si je suis en Top 12. 

Pourquoi avoir préféré laisser les finales par agrès à la DTB Pokal pour disputer la finale du Top 12 ?
C’était tout simplement un engagement que j’avais pris avec la Madeleine avant même de disputer la compétition en Allemagne parce que je n’étais pas censé la faire avec Team Canada mais j’ai remplacé un gymnaste qui était blessé. J’avais déjà donné mon accord pour disputer la finale et Team Canada m’a autorisé à rater les finales. Mais pour être 100% honnête je n’étais pas le plus en forme pour l’international, j’étais encore en reprise après les Jeux Olympiques. Donc je ne m’attendais pas à faire des finales par agrès et finalement je me suis qualifié en deuxième au sol et aux anneaux, c’était une belle surprise et ça a été un peu décevant de rater ces finales là, mais je ne regrette absolument pas mon choix parce que la finale du Top 12 était très serrée et émotionnelle aussi, ça a été une belle expérience. 

Tu penses disputer d’autres championnats nationaux dans d’autres pays ou tu préfères rester uniquement sur le Top 12 ?
Je l’avais déjà fait en Bundesliga avec l’Allemagne, mais si je devais choisir entre les pays qui offrent cette opportunité donc la France, l’Italie et l’Allemagne je choisirais la France. C’est un bon volume sans être trop contraignant, le calendrier allemand est quand même plus condensé et intense car on passe sur les 6 agrès à toutes les compétitions et il y a 7 ou 8 matchs de poules. Mais s’il y a une équipe allemande qui me propose, je verrai en fonction de mes disponibilités mais pour le moment le Top 12 me convient très bien. 

Pour revenir sur les Jeux Olympiques, comment as-tu vécu cette expérience ?
C’était incroyable et plus grand que nature je dirais. Oui ce sont les Jeux Olympiques mais ça reste fondamentalement une compétition qu’on a déjà faite, c’est du sol, c’est du saut, ce sont des anneaux. C’est un peu un retour aux sources dont il faut enlever le surplus, l’espèce d’énergie ou d’aura qu’ont les Jeux. Il faut essayer de mettre ça de côte pour se concentrer sur notre performance gymnique.

Les gens qui nous envoyaient des messages c’est absolument incroyable, moi je veux revivre cette expérience des Jeux à Los Angeles, parce que c’est une énergie que je n’ai jamais vécue ailleurs. Et Paris était d’une merveille et d’une vivacité lors des Jeux, je trouvais que les français étaient vibrants et unis après tant de discorde dans votre pays etc. Je trouve que dans les médias on voit souvent les conflits qu’il y a en France, et voir les français être unis pendant les deux semaines c’était beau. C’est sur que les Français qui sont partis de Paris parce qu’ils avaient peur que ça soit trop remplis ont dû regretter parce que c’était vraiment un bel événement. 

As-tu retrouvé ce public vibrant dont tu parles au Top 12 aussi ?
À 100% oui ! On a vraiment un beau public à La Madeleine qui nous a suivi tout au long de la saison que ce soit à Monaco, à la finale ou encore contre Franconville, où on avait l’impression d’être à domicile. À chaque fois qu’on était à l’extérieur de La Madeleine, ils étaient là et faisaient la route. Et à la maison, le public se présente toujours, je pense que notre équipe de spectateurs est l’une des plus impressionnantes du Top 12. Ils sont vraiment toujours de tout coeur avec nous. 

Propos recueillis par Mazarine Mayangha



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