Le 4 août 2024, il y a tout juste un an, Kaylia Nemour devenait championne olympique aux barres asymétriques. Une quarantaine de minutes plus tôt, Samir Aït Saïd terminait 4ème aux anneaux, frôlant une nouvelle fois la médaille. Spot Gym y était. Mais alors comment couvre-t-on ce genre de moment ? Comment le vit-on en tant que journaliste ? Récit d’une journée d’exception, rythmée par la joie et l’euphorie mais aussi la peine et la tristesse. Entre tribune de presse et zone mixte.

Photo IMAGO / Schreyer

Par Charlotte Laroche

C’était un dimanche d’été. Le ciel était bleu, piqué de quelques nuages. Il faisait chaud. Chaud comme l’atmosphère brûlante qui régnait dans l’Accor Arena de Paris Bercy. Car si ce 4 août 2024 était une journée ordinaire pour certains, elle sera inoubliable pour d’autres.

Les Jeux Olympiques battaient leur plein depuis plus d’une semaine. Ce jour-là, on entrait dans l’avant-dernier acte en gymnastique artistique. Une journée de finales, l’avant-dernière avant de raccrocher. Une journée de bascule.

Il est environ 14h30 lorsque j’arrive devant l’Accor Arena de Paris-Bercy. Partie de la banlieue sud-est où je vis, j’ai profité d’une circulation étonnamment fluide. N19, A86, puis A4, en à peine 25 minutes, le célèbre bâtiment parisien émerge devant moi. Au programme de la journée : les finales des anneaux avec Samir Aït Saïd (FRA), des barres asymétriques avec Kaylia Nemour (ALG), ainsi que celle du saut.

Pour la presse, l’entrée se faisait en retrait, du côté du quai de Bercy. Une fois les portiques de sécurité passés et l’accréditation vérifiée, j’entre pour l’une des dernières fois dans cette arène mythique de Paris Bercy où tant d’émotions ont été vécues depuis le début de ces Jeux Olympiques de Paris 2024. Une arène chargée d’histoire, de cris, de larmes, de joie, d’espoir, de fierté, et de moments iconiques.

Sur le chemin, je croise Isabelle Severino, qui commente la compétition pour France Info. On se salue, on discute, mais le temps file, des finales nous attendent. Chacune retourne donc à ses obligations professionnelles. Je fais un passage éclair par la salle de presse, climatisée, calme, presque hors du temps. Un contraste saisissant avec l’effervescence qui anime le reste du site. J’y aperçois Nile Wilson, l’ancien gymnaste britannique, accrédité presse. Il est solaire. Parle un peu plus fort que tout le monde. Je récupère les ordres de passage, déjà imprimés, puis je prends la direction de la tribune presse, installée cette fois-ci directement dans la salle de compétition, en hauteur. Il y a beaucoup de monde, mais on trouve de la place. Rien à voir avec la finale par équipes GAF, où s’asseoir était rapidement devenu mission impossible.

Prendre de la hauteur
La tribune presse s’étend sur plusieurs étages. Je choisis de m’installer tout en haut, avec une vue imprenable sur l’ensemble du plateau de compétition. Autour de moi, des journalistes venus du monde entier. A mes côtés, une consoeur italienne, un peu plus loin, un trio de journalistes chinois. Il est 14h50. La finale approche. La salle est déjà pleine à craquer. L’ambiance monte, doucement mais sûrement. Je sors mon ordinateur, ouvre mes onglets, me prépare. Dans ces instants-là, chaque minute compte. Une fois la finale lancée, tout s’enchaînera vite. Très vite. Et je devrai être aussi réactive que possible.

15h00. Samir Aït Saïd entre en scène. Ovation immédiate. Les frissons me traversent. Pour l’enjeu. Pour l’instant. Pour l’ambiance. Pour l’homme. Samir, c’est ce gymnaste qu’on suit, qu’on admire, qu’on comprend. Humain, accessible, sincère. Celui dont on partage le parcours depuis tant d’années. C’est ce qui donne à cette finale une dimension encore plus forte. Une saveur toute particulière. Et puis, au-delà du métier, je reste une passionnée de gym. Alors, forcément, je vis ce moment intensément.

Samir passait en 6ᵉ position. Le Chinois Jingyuan Zou, l’un des grands prétendants au podium, ouvrait la finale. Mouvement solide, quelques sursauts à la réception, mais une belle entrée en matière. Il décroche un 15,233. Derrière lui, son compatriote Yang Liu, champion olympique à Tokyo, enchaîne. D’une impressionnante stabilité, tout semble facile. Il pile sa réception, malgré un tour de bras. Sa note tombe : 15,300. Il prend logiquement la tête.

Troisième à s’élancer : le Grec Eleftherios Petrounias. Champion olympique en 2016, médaillé de bronze à Tokyo, bien connu du public français. Il récolte un 15,100, de quoi s’installer à la troisième place provisoire. Le Belge Glenn Cuyle suit. Quelques fautes d’exécution, et surtout une chute à la sortie, sur son triple salto arrière. Résultat : 13,833. Le trio de tête reste inchangé.

De mon côté, j’écris en temps réel, au rythme des passages. C’est la seule façon de publier rapidement dès la fin de la finale. Une nécessité quand on travaille pour un média en ligne.

Après ces quatre premiers passages, place au second groupe. Les finalistes s’échauffent à leur tour. Samir Aït Saïd aussi, sous les “Samir, Samir” qui descendent des tribunes. Il est chez lui. Il le sent. On le sent. On vibre. On stresse.

À ce moment-là, le classement est clair : Yang Liu mène, devant Jingyuan Zou et Eleftherios Petrounias.

Plus le passage de Samir approche, plus mon cœur bat fort. Mon palpitant s’emballe. Parce qu’il la mérite, cette médaille. Lui qui revient de si loin. Samir le maudit, Samir le blessé, Samir l’acharné. Malheureux à Rio en 2016. Déçu à Tokyo en 2021. Allait-il, cette fois, enfin toucher au but ?

Le Turc Adem Asil relance la finale. Avec un 14,966, il s’installe à la quatrième place.

Puis vient le tour du Français. Samir Aït Saïd. Concentré, dans sa bulle. Il s’élance, porté par une salle tout entière derrière lui. À chaque force, la foule exulte. Je suis en apnée. Le mouvement est solide, maîtrisé, fluide. La réception est pilée. La salle explose. À cet instant, tout le monde y croit. Moi aussi. Je retiens mon souffle…

Jusqu’à l’apparition de la note : 15,100. Il se classe juste derrière le Grec Petrounias. La médaille de bronze s’échappe pour 0,10 point.

La joie qu’il affichait à la fin de son passage laisse place, brutalement, à la déception. Comme un air de déjà-vu. L’histoire qui se répète. L’ambiance dans la salle retombe d’un coup. Lourde. Silencieuse. Triste.

Les derniers finalistes s’élancent. Le classement ne bouge plus. Je termine mon article à toute vitesse pour publier les résultats sur le site. En parallèle, je poste aussi sur les réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Instagram. Il faut aller vite.

Concernant les interviews, le protocole est bien rodé : les gymnastes passent d’abord par la zone presse télé, réservée aux chaînes de télévision, visible du public à Bercy. Ensuite vient la zone radio, plus discrète, installée dans un couloir. Enfin, la dernière étape : la zone presse écrite, dédiée également aux médias en ligne. Celle où j’ai accès.

Au plus près des athlètes en zone mixte 
Une fois la finale terminée et mon article résultats publié, je me prépare à descendre en zone mixte. J’étais perchée tout en haut de la tribune presse, au dernier niveau de l’Accor Arena, et je devais rejoindre, en un temps record les sous-sol de Bercy, où se trouvait cette fameuse zone mixte. Une véritable course contre-la-montre. Je savais que mon temps était compté si je ne voulais pas rater Samir. Ni une, ni deux, j’enfile mon sac à dos, cale mon ordinateur sous le bras, téléphone dans la main droite. Je dévale les escaliers, franchis une première porte battante, puis une seconde. Je traverse les halls de l’Arena en zigzaguant entre les spectateurs, puis m’engouffre dans un second escalier en pierre. Une trentaine de marches à descendre, avalées à toute vitesse. Une fois en bas, badge en main, je passe le dernier contrôle. Deux bénévoles me reconnaissent, me lancent un mot gentil, me félicitent. Je suis touchée. Flattée.

Je reprends alors mon souffle, repère la zone réservée à Samir, et m’y dirige. Chaque gymnaste a son propre espace délimité. Les journalistes, eux, restent de l’autre côté de la barrière. Plusieurs confrères et consœurs sont déjà en place. Je profite de quelques instants de calme pour enfin ranger mon ordinateur dans mon sac.

Cet endroit, cette zone mixte, n’est accessible qu’à une poignée de personnes. Un espace réservé, presque confidentiel. Et à chaque fois que j’y pénètre, je mesure la chance que j’ai. Je repense au chemin parcouru. À ce rêve d’enfant : couvrir les Jeux Olympiques en tant que journaliste. Ce rêve, je l’ai réalisé. Et pour mon propre média, celui que je construis au quotidien, avec passion, avec engagement, très souvent seule, mais toujours déterminée.

Ces moments d’échange avec les athlètes, dans leur sincérité brute, sont un privilège rare. Quelques jours plus tôt, j’avais pu discuter longuement avec la Canadienne Ellie Black, ou encore les Britanniques Georgia-Mae Fenton et Rebeca Downie. Trois gymnastes à l’écoute, disponibles, curieuses. Des échanges vrais, spontanés, comme je les aime.

Cette fois-ci, j’étais là pour Samir. Cinq minutes passent. Puis dix. Quinze. Toujours pas de trace de lui. Au loin, on aperçoit Kevin Dupuis, son entraîneur, la tête basse. Mais Samir ne vient pour le moment pas. On attend. On échange entre journalistes. On est tous déçus pour lui. Tous unanimes. Samir fait partie de ces athlètes qui méritent une médaille olympique. Pour son parcours. Pour ce qu’il incarne. Pour tout ce qu’il a traversé. Pour ce qu’il représente pour la gymnastique française, et pour le sport tout entier.

Le temps file et beaucoup commencent à regarder sa montre. La finale barres avec Kaylia Nemour est sur le point de commencer. Et là, dilemme. Pour moi, il est total. Beaucoup de médias sont là en binôme. L’un remonte en tribune, ou en salle de presse, pour suivre la finale. L’autre reste en zone mixte pour récolter les premières déclarations de Samir. Moi, je suis seule. Personne vers qui me tourner. Et je ne peux pas être à deux endroits à la fois. Alors que faire ? Remonter en tribune presse pour suivre Kaylia, ou rester ici pour recueillir les premiers mots de Samir ?

En zone mixte, plusieurs écrans diffusent en direct les finales. Je vois les finalistes des barres asymétriques entrer dans l’arène. Kaylia va bientôt passer. Samir, lui, n’est pas encore là. On se doute qu’à ce moment-là, après avoir été retenu en zone télé et radio, il avait eu besoin d’un peu de temps pour encaisser. On nous assure qu’il va venir alors j’attends. C’est mon rôle. Mon métier, c’est d’informer. Et recueillir les premières paroles du seul rescapé de la gymnastique française à ces Jeux Olympiques de Paris 2024 me paraît essentiel. Une évidence.

C’est décidé : je reste en bas. Je suivrai la finale barres depuis l’écran. Pas de son, mais les images suffisent. L’essentiel est là pour raconter, pour transmettre, pour faire vivre l’instant à mes lecteurs et lectrices.

Et puis, il arrive. Samir. Le pas lourd, le sac de sport jeté sur l’épaule. Le regard baissé. Les yeux humides. Il se présente devant nous. En silence. En douleur.

Pendant quelques instants, personne ne parle. On sent son souffle. On partage sa peine. Un moment de flottement. Personne n’ose poser la première question, jusqu’à ce qu’une consœur se lance, d’une voix douce : “Samir, un mot ?

Désolé… je m’excuse.” Ce sont ses premiers mots. Il nous regarde droit dans les yeux, puis baisse à nouveau la tête. Nouveau silence. Puis il reprend : “Je ne me suis jamais senti aussi fort de ma vie. Je ne me suis jamais senti aussi prêt de ma vie. J’ai mal nulle part, je me sens puissant. Je suis désolé, désolé, désolé.”

Il répète. S’excuse encore et encore. On est toutes et tous tristes pour lui. “J’ai fait une contre perf, j’ai rien d’autre à dire à part pardon. J’ai fait mon taffe, je suis deg, je suis triste, je suis déçu, je m’en veux.”

Au même moment, la finale barres continue. Mais dans la zone mixte, le temps semble suspendu. Samir parle, le cœur lourd. Malgré la déception, il est là. Présent. Disponible. Fidèle à lui-même. Car Samir, c’est aussi ça : l’homme derrière le sportif. Celui qui, même dans la peine, prend toujours le temps pour la presse.

Une finale barres suivie depuis la zone mixte
Pendant que j’enregistrais ses mots avec le dictaphone de mon téléphone, tout en lui posant mes questions, les autres journalistes présents à mes côtés prenaient aussi la parole à tour de rôle. Je gardais également toujours un oeil sur la finale barres, toujours retransmise sur les écrans.

J’écoutais Samir, et j’attendais Kaylia. Cette double concentration était instinctive. C’est à son tour. Son mouvement est somptueux. Précis. Les lignes sont pures, tout est fluide. Une véritable démonstration. À la réception, elle le sait. Elle l’a fait. Et quand la note tombe, la confirmation : elle devance la Chinoise Qiyuan Qui de deux dixièmes. Elle est championne olympique. Elle exulte. Le public exulte.

Je n’entends pas les cris, mais je les vois. Je les ressens. Kaylia Nemour pleure. Relâche la pression. Savoure cet instant si précieux, devant une horde de photographes venus immortaliser l’instant. Les images parlent d’elles-mêmes. Les supporters algériens, français, mais aussi ceux venus du monde entier vibrent à l’unisson. Une grande championne est née. Et moi, je suis tout simplement heureuse pour elle. Et impatiente de la retrouver, en zone mixte pour recueillir ses impressions.

Photo IMAGO / HMB-Media

Alors que Samir continue de répondre à nos questions, il s’interrompt soudain. Son regard se tourne vers l’écran. Il aperçoit Kaylia, en larmes. Et demande simplement : “Elle est première ?” On lui répond : “Oui, elle est première.”

Son visage, marqué jusque-là par la tristesse et la déception, s’éclaire aussitôt. Un sourire sincère, spontané. Il la félicite devant nous. Un vrai bonheur dans les yeux. Il est profondément heureux pour elle. Il l’a toujours soutenue. Entre eux, c’est simple. C’est sain. C’est sincère.

L’interview touche à sa fin. Les journalistes se dispersent peu à peu pour aller se placer là où Kaylia viendra répondre aux questions. Les gymnastes médaillé·e·s ont l’obligation de se présenter en conférence de presse, dans une salle annexe, après la remise des médailles. Mais la zone mixte, elle, reste facultative. Kaylia, elle, fera les deux.

Je sais que j’ai quelques minutes avant que Kaylia n’arrive. Alors je m’assois par terre, attrape mon ordinateur dans mon sac à dos et publie un article express avec les résultats de la finale barres. J’enchaîne avec les réseaux sociaux. Quelques lignes, une photo, et c’est en ligne. Ça, c’est fait.

Autour de moi, les journalistes affluent. L’effervescence monte d’un cran. Tout le monde attend Kaylia. Tous se ruent vers les barrières pour être au plus près. L’espace se resserre. Il y a tellement de monde qu’une bénévole finit par nous apporter un plateau pour que l’on puisse y poser nos téléphones et dictaphones. Objectif : enregistrer sans rien perdre de ses mots. Ne rien rater.

La règle en zone mixte est claire : aucune vidéo, aucune photo autorisées. Seules les prises de son ou les notes manuscrites sont permises. Un journaliste étranger tente de filmer Kaylia avec son téléphone. On lui demande poliment d’arrêter. Il obtempère.

Affluence record pour interviewer Kaylia Nemour
Kaylia arrive, accompagnée de Marc Chirilcenco, son entraîneur. Elle semble intimidée. Les yeux encore brillants, encore marqués par les larmes versées quelques minutes plus tôt, lorsque le résultat est tombé. Des larmes de joie, d’émotion, de soulagement. Là où, plus tôt, c’étaient la tristesse et la déception qui dominaient. Deux histoires, deux regards, deux destins. Mais une même intensité.

Face à Kaylia, les questions fusent. Elle répond d’une voix fluette, encore un peu tremblante. Les journalistes se serrent, se bousculent presque pour se rapprocher. Je choisis de m’écarter légèrement. “Je suis choquée, je ne me rends pas compte que je suis championne olympique, c’est fou“, lâche-t-elle, encore émue. “Je suis tellement fière et contente d’avoir eu cette médaille après toutes ces années d’entraînement, après tout ce que j’ai traversé, c’est fou.”

Face aux journalistes, Kaylia parle de ce qu’elle ressent, évoque son parcours, l’Algérie, ce que représente cette médaille pour ce pays qu’elle a décidé de représenter quelques années plus tôt à la suite d’un différend avec la Fédération française de gymnastique. Les questions se répètent parfois, mais Kaylia prend toujours le temps d’y répondre. Avec douceur. Patience. Et puis, soudain, une partie du staff algérien surgit, un peu affolé, se dirigeant droit vers Kaylia et Marc Chirilcenco. “C’est l’heure !” s’exclament-ils. “On va manquer la remise des médailles !

Kaylia, qui avait pris le temps de venir en zone mixte, contrairement à beaucoup d’autres gymnastes médaillés, s’excuse aussitôt. Elle doit partir. Évidemment, tout le monde comprend. Elle a une médaille d’or à aller chercher. La scène prête à sourire. L’instant est cocasse. Mais ce n’est qu’un bref au revoir : on sait qu’on la retrouvera très vite en conférence de presse, dans la salle annexe où le protocole impose la présence des médaillé.e.s.

Je remonte en tribune presse pour assister à la remise des médailles afin de la vivre en direct et de m’imprégner de l’ambiance de ce moment de consécration, avant de regagner le rez-de-chaussée pour la dernière fois de la journée.

Kaylia y reviendra également quelques instants plus tard pour sa conférence de presse, la médaille autour du cou. Le sourire aux lèvres. Les yeux encore brillants. Elle prend place là où se sont déjà assisses avant elle, Simone Biles, Jordan Chiles, Rebeca Andrade, ou encore Manila Esposito, pour ne citer qu’elles. Ici, l’atmosphère est plus feutrée. Les athlètes s’installent derrière une grande table, les journalistes sont assis en face, calepins, dictaphones ou micros à la main. Kaylia est seule. Le silence tranche avec la ferveur de la zone mixte. Beaucoup sont déjà repartis, leurs questions ayant été posées plus tôt.

Elle paraît encore timide, mais rayonne. Elle a 17 ans, vit ses premiers Jeux Olympiques, décroche l’or aux barres… et se retrouve face à la presse. Un monde nouveau s’ouvre à elle.

J’ai sorti le mouvement d’une vie au bon moment“, sourit-elle. “Je suis tellement choquée, je n’y crois pas encore. C’est le rêve de toute ma vie. Je n’ai pas de mot. J’ai réussi à faire la meilleure note de toute ma vie au bon moment. Je suis tellement honorée d’avoir gagné cette médaille après tout ce qu’il s’est passé.”

Elle revient ensuite sur ce moment précis, où elle a vu la note de la Chinoise tomber : “J’ai vu son score et je me suis dit ‘ok, là il faut que j’envoie sinon je m’en voudrai toute ma vie’. Cet état d’esprit a duré à peine une demi-seconde. Après, je me suis vite remise dans ma bulle, j’ai fait ce que j’avais à faire, je me suis posée, j’ai fait ni trop ni pas assez, et ça a marché.”

Un échange simple, fort, touchant. Un moment qui fait partie de son histoire.

Des instants rares à partager sur papier
Une fois la conférence de presse terminée, il me reste encore à rédiger mes papiers. Deux options s’offrent à moi : m’installer en salle de presse pour tout écrire sur place, ou rentrer chez moi pour le faire au calme, à tête reposée. Je choisis la seconde. Vers 19h30, je suis de retour. Je m’installe, et je commence par retranscrire l’interview de Samir Aït Saïd.

Il y a des articles qui demandent du temps, de l’énergie, où l’inspiration peine à venir, mais celui-ci coule de source. Les mots s’alignent. J’ai mon enregistrement pour m’appuyer, mais tout est encore frais dans ma tête. Je n’avais rien oublié de ce qu’il avait pu dire. De la manière dont ça s’était passé. Le clapotis du clavier de mon Mac ne s’arrête plus. Les phrases s’enchaînent. L’article prend vie. Vers 21h00, il est en ligne. Je choisis de me mettre sur celui de Kaylia le lendemain matin, mais la soirée est encore loin d’être terminée.

Je prends quelques minutes pour dîner, rapidement. Puis je me remets au travail. Il reste encore tant à faire : mettre à jour la page des résultats sur le site, rédiger l’article d’annonce du programme du lendemain, animer les réseaux sociaux avec quelques extraits de déclarations, quelques images. Ce que plusieurs personnes font en équipe dans d’autres rédactions, je le fais seule. C’est intense. Le travail est colossal. C’est exigeant. Mais c’est ma passion.

Il est minuit et demi passé lorsque je termine enfin. L’heure de dormir, avant d’attaquer une nouvelle journée olympique. Mais le sommeil tarde. Mon esprit est encore en ébullition, emporté par cette journée aussi belle qu’intense vécue à Bercy.

Le rêve d’une vie. Même si je savais que le lendemain, les cernes auraient sans doute encore gagné un peu plus de terrain sur mon visage, ce n’est pas grave. Ce sont des instants qu’on ne vit qu’une fois. Et ils méritent chaque seconde volée au repos.

Dans quelques heures, retour à Bercy, de nouvelles finales, d’autres histoires à raconter. Mais celle-ci, celle du 4 août, restera gravée. Pour ce qu’elle m’a fait vivre. Pour ce qu’elle m’a fait ressentir. Pour ce qu’elle m’a rappelé : que derrière chaque note, chaque médaille, chaque larme, il y a des athlètes. Des humains. Et que mon rôle, c’est de leur donner une voix.

Article précédentLéo Saladino partage des explications sur son opération
Article suivantChampionnats du monde GAM-GAF de Jakarta : les ordres de passages et le programme

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

Merci d'inscrire votre commentaire !
Merci d'indiquer votre nom