Licencié au club de Vélizy depuis 2014, Yevgen Yudenkov a dû fuir l’Ukraine, prise d’assaut par la Russie depuis fin février. Arrivé à Vélizy le 14 avril dernier après une longue période d’incertitude, il tente désormais de se reconstruire en reprenant plaisir à pratiquer la gymnastique, malgré l’inquiétude permanente qu’il ressent pour les membres de sa famille toujours bloqués en Ukraine.
C’est le 12 avril dernier que Yevgen Yudenkov, médaillé d’or par équipes aux championnats d’Europe de Mersin en 2020 et membre de l’équipe ukrainienne aux Jeux Olympiques de Tokyo, quitte l’Ukraine, son pays en guerre depuis le 24 février après l’invasion des forces russes. Après un passage par la Pologne, il entre en France en compagnie de sa femme et de son entraîneur et pose ses valises à Vélizy, deux jours plus tard, le jeudi 14 avril. “C’était long“, confiait-il samedi depuis le gymnase de la Butte Verte de Noisy-Le-Grand où il venait de participer à une rencontre avec son club de Vélizy dans le cadre du Top 12. Mais grâce la mobilisation du club et plus particulièrement à celle de Bogdan Khomyn, ancien entraîneur ukrainien puis du club de Vélizy pendant plus de 20 ans aujourd’hui entraîneur au club du Chesnay, Yevgen Yudenkov a pu passer la frontière et se mettre à l’abri. Le soulagement après des mois d’attente, pour lui qui ne pouvait pas quitter son pays et aurait pu être appelé à rejoindre l’armée. Des semaines sans avoir pu mettre le pied dans un gymnaste et pratiquer son sport. Cinquante jours sans le moindre entraînement. Cinquante jours à vivre dans un pays en guerre sans savoir exactement de quoi l’avenir sera fait.
Dans ses yeux, la tristesse est palpable, malgré le soulagement d’être sain et sauf. “Chez nous, c’est la guerre. La guerre” , lance-t-il avant de poursuivre : “On ne parle pas d’une simple intervention militaire, c’est la guerre. Nous vivons et voyons des choses très dures.” Alors depuis son arrivée à Vélizy, il se reconstruit petit à petit. Moralement tout d’abord. “Depuis que je suis là, ça va mieux, je suis en sécurité” , livre-t-il. “Mais je suis triste et surtout inquiet pour ma famille resté en Ukraine. Ma mère vient d’arriver en France avec mon frère mais mon père est toujours en Ukraine, il est engagé dans l’armée en tant que militaire.”
Après l’étape essentielle et indispensable des démarches administratives, qu’il a pu régler grâce à Bogdan Khomyn, Yevgen a pu reprendre l’entraînement, après des semaines sans la moindre pratique. Alors il y va progressivement. “Je ne me suis pas entraîné pendant 50 jours alors la reprise est difficile” , explique-t-il. La semaine qui a précédé le match face à Noisy-Le-Grand, il a pu s’entraîner 6 fois. Une sorte de délivrance. D’exutoire. Des entraînements qui imprègnent son quotidien de ce qu’il aime faire. Des entraînements qui redonnent le moral et font oublier, le temps d’un instant, le contexte actuel. “J’ai pris beaucoup de plaisir à refaire de la gym” , confie-t-il. “Mais Yevgen est plutôt à la recherche d’un apaisement mental pour le moment. Avec tout ce qu’il a vu ces derniers mois, il doit également et surtout récupérer une forme mentale. On ne parle pas uniquement de forme physique pour le moment“, précise Bodgan Khomyn, véritable repère et soutien pour Yevgen et sa famille depuis leur arrivée en France.
Moins d’un mois après son arrivée en France, le gymnaste ukrainien de 29 ans a également pu retrouver les sensations de la compétition lors de l’ultime match de la phase de poules du Top 12 qui opposait son club de Vélizy à celui de Noisy-Le-Grand. Il est passé aux arçons et a fait égalité avec son adversaire Lorenzo Pambianchi. Un match précieux en ces temps particulièrement troublés. D’autant que l’ensemble des personnes présentes, spectateurs, gymnastes, officiels, etc, lui ont réservé une magnifique ovation à la fin du match. “Ça fait vraiment chaud au coeur. On se sent soutenu et c’est important pour nous” , remercie-t-il. De petites attentions qui font beaucoup et qui redonnent le sourire.
S’il a pu goûter de nouveau à la compétition dans le championnat français, le médaillé européen par équipes n’a en revanche aucune visibilité sur le reste, notamment sur son retour en équipe nationale, sous ses couleurs ukrainiennes. “Pour le moment, il est impossible pour nous de nous projeter. On est tous éparpillés partout en Europe. Certains sont en Italie, d’autres en Allemagne, en Roumanie, en République tchèque, en France. Tout le monde s’entraîne, travaille mais on ne sait pas trop comment ça va se passer pour la suite. Nous devons attendre de pouvoir en discuter avec l’entraîneur national” , éclaire-t-il.
Pour l’heure, Yevgen Yudenkov avance donc au jour le jour. Il prend le temps de se reconstruire loin des bombes et des attaques russes. Et prend le temps de se remettre en forme physiquement et moralement, avec cet espoir de jours meilleurs… malgré toutes les incertitudes du moment.