Sacrée aux barres asymétriques aux Jeux Olympiques d’Athènes, Emilie Le Pennec est entrée dans l’histoire de la gymnastique française en ce jour d’août 2004. Aujourd’hui kiné dans un cabinet de ville, en région parisienne, la championne olympique a accepté de répondre aux questions que vous vous posiez dans le cadre de la nouvelle rubrique mise en place sur le blog depuis ce début d’année 2017 et baptisée “Vous avez la parole”.
Emilie, qu’est-ce qui t’a plu dans la gymnastique ?
Avoir la tête en bas tout d’abord ! Et faire des acrobaties ! Ensuite ce qui me plaisait, c’était d’apprendre des nouveaux éléments , de réussir des nouveaux enchaînements et sentir que le travail paie !
Quel était ton but quand tu as commencé la gym petite ?
M’éclater ! J’adorais construire des cabanes avec les tapis !!! J’avais un grand besoin de me défouler. Je suis une pile électrique donc il faut que ça bouge.
Si tu n’avais pas choisi la gymnastique, quel autre sport aurais-tu aimé faire ?
Du surf ! J’ai essayé assez tard et adoré ! Mais ma blessure à l’épaule m’a empêchée d’en faire après mon arrêt de la gym.
A quel âge as-tu pris conscience que tu avais du potentiel ?
Je pense que c’était lors de mon premier test équipe de France après mes premiers mois à l’Insep. J’étais junior et j’avais obtenu le meilleur total point juniors et seniors confondus . Mais je ne voulais pas me mettre la pression, je suis restée concentrée sur l’entraînement.
Avant les Jeux, pensais-tu qu’une médaille olympique était possible ou visais-tu “juste” une finale ?
Je visais une finale… et un podium aussi puisque j’avais battu les meilleures du moment à cet agrès les mois qui précédaient les JO ! Mais la médaille d’or me semblait inaccessible… Je préférais ne pas y penser, ne pas viser cette place pour ne pas me mettre de pression car je ne gérais pas toujours bien mon stress lors des grandes compétitions.
Qu’as-tu ressenti lors du podium aux JO ?
C’est une sensation qui est difficile à expliquer… C’est un immense sentiment de bonheur, de fierté… L’envie de pleurer de joie, de rire, de crier !
Qu’est-ce que ça fait de devenir championne olympique ?
Ça change la vie ! Plutôt en bien ! Et ça fait énormément mûrir.
As-tu ressenti une pression après ta médaille olympique comme par exemple le devoir d’être meilleure ?
Oui bien sûr. Devoir être meilleure mais surtout ne plus avoir le droit à l’erreur. Tous les regards sont tournés vers soi : juges, spectateurs, médias… Pas forcément facile à gérer mais c’est un petit côté négatif acceptable à côté de tout ce qu’apporte une médaille olympique.
Qu’est-ce que ça te faisait d’avoir le statut de championne olympique ? Savoir que tu étais l’idole d’énormément de petite, savoir qu’elle voulait aussi devenir championne comme toi.
C’est toujours agréable de voir les étoiles dans les yeux des gymnastes et même de non gymnastes, d’enfants, d’adultes. Je suis toujours fière et ravie de raconter mon histoire, ma carrière, les hauts, les bas et tout le travail effectué pour arriver à une médaille olympique. Le sport m’a fait vivre de telles émotions. Si j’ai pu en faire vivre à ceux qui me regardaient, c’est top. Et si j’en ai inspiré certains, c’est encore mieux !
As-tu réalisé sur le coup que tu étais devenue championne olympique ? Si non, au bout de combien de temps l’as-tu réalisé ?
Non sur le coup ça me paraissait trop énorme ! Le temps s’est mis en accéléré après mon podium. Les interviews, les plateaux TV, le retour en France, les réceptions a l’Élysée, à la mairie de Paris avec les autres médaillés… Je n’étais pas vraiment préparée à tout ça. Je n’avais pas mesuré l’impact qu’aurait une médaille olympique d’un point de vue médiatique. Je pense que j’ai vraiment réalisé un an après…voir plus !
Combien de temps as-tu mis pour apprendre le Def ?
Plusieurs mois ! Il a d’abord fallu réapprendre le Ginger du bon sens (je le faisais dans mon mauvais sens de vrille) puis toute la progression jusqu’à rattraper la barre. Et le plus long a été de le stabiliser, de le rattraper à tous les coups (ou presque !)
Penses-tu que ta médaille aux Jeux a un peu éclipsé la performance de Marine Debauve au Concours général ?
Oui forcément. Et la performance de toute l’équipe de France de gym en général. C’est malheureusement comme ça aux JO. Une médaille qu’on attendait pas et qui attire l’attention des médias et du public passe devant d’autres performances tout aussi incroyables.
Pourquoi as-tu mis fin à ta carrière ?
J’étais arrivée au moment où je ne prenais plus de plaisir à l’entraînement. J’avais trop de douleurs. Et pour moi la gym a toujours été une passion donc il était temps d’arrêter pour commencer autre chose.
As-tu eu une période de nostalgie (dépression) après ton arrêt de la gym ?
Non pas du tout. Je rentrais à ce moment là en école de kiné, c’était un autre rêve pour moi que d’apprendre ce métier. J’arrêtais après des mois à souffrir de différentes blessures et c’était donc sans regrets, en ayant vraiment l’impression d’être allée bien plus loin que ce que j’aurais pu imaginer en commençant la gym !
Revenir à un rythme de vie sans gym t’a paru comment ? T’es tu sentie plus libre ? Moins de pression ? Plus de temps pour toi ?
Ça m’a surtout fait beaucoup de bien à ce moment là de commencer quelque chose de nouveau, de ne plus me battre contre mon corps et ses douleurs au quotidien. J’ai adoré mes trois années de vie étudiante normale. Sans horaires aménagés, sans devoir se préoccuper en permanence de bien récupérer pour le lendemain, etc… Mais c’était aussi difficile de tenir en place sur une chaise toute la journée !
Ta médaille olympique influence-t-elle ta vie quotidienne encore aujourd’hui ?
Oui forcément. Pas au jour le jour car je pratique la kiné dans un cabinet de ville avec mon papa, sans mettre en avant mon passé sportif, mais en étant actrice ou ambassadrice de beaucoup d’événements sportifs, dans la gym ou autres. Je suis notamment partie à Pékin et à Rio pour commenter les JO. Et je suis très impliquée dans la candidature de Paris pour les JO 2024 .
Que penses-tu de la génération Rio/Tokyo ?
Je pense qu’elles ont une belle mentalité. La génération Rio a peut être manqué d’un peu de temps pour ajouter plus de difficultés aux mouvements mais celle de Tokyo bénéficiera de cet élan.
Qu’as-tu ressenti lorsque tu t’es retrouvée sur les plateaux de compétition à encadrer les juniors lors des championnats d’Europe de Berne en tant que kiné ?
Au moment de rentrer dans la salle, j’ai ressenti un gros stress ! Comme si c’était moi qui allait matcher ! Puis un grand plaisir de me retrouver là à nouveau. De pouvoir apporter mon expérience.
Les gyms se confiaient-elles à toi pendant les séances de kiné pendant les Euros de Bern ?
Oui les séances de kiné sont toujours des moments privilégiés avec les gyms. C’est pour ça que je préfère largement ce rôle plutôt que celui d’entraîneur. Elles peuvent se confier et profiter aussi de mon expérience.
As-tu donné des conseils à Lorette Charpy avant sa finale barres aux championnats d’Europe junior ?
Oui forcément. Pas de conseils techniques mais plutôt des mots pour se concentrer et avoir la pensée positive !
Pratiques-tu encore la gymnastique parfois pour le simple plaisir ?
Non je fais du sport parce que je ressens le besoin de bouger mais plus de gym du tout car c’est frustrant de ne plus pouvoir faire de grosses acrobaties ! Je fais toujours quelques flips et saltos quand je suis à la plage mais c’est pour le fun (Rires).
Penses-tu pouvoir réussir à faire encore certaines acrobaties ?
Ah j ai répondu dans la question précédente ! Au trampoline je fais encore facilement des vrilles, jusqu’à triple vrille. La technique est bien ancrée dans ma tête ! Ce sont les muscles qui manquent !
Que penses-tu de l’évolution de la gymnastique actuelle ?
C est hyper impressionnant d’un point de vue acrobatique et technique. Les mouvements aux barres sont d’une telle densité ! Après je trouve qu’on a perdu une grosse part de grâce et d’élégance.
Que penses-tu du renvoi d’Yves Kieffer ? Penses-tu que la France aurait eu de meilleurs résultats s’il était toujours entraîneur national ?
Ah question compliquée ! Je pense que le renvoi aurai peut-être pu être évité, mais en recadrant et en restructurant beaucoup de choses… On ne peut pas savoir quels auraient été les résultats, il y a énormément d’éléments qui rentrent en compte mais c’est forcément dommage de se priver d’un technicien comme Yves et de son expérience.
Propos recueillis par Charlotte Laroche pour Gym and News.
Questions posées par les lecteurs et lectrices de Gym and News du 14 au 23 janvier.
[…] Quelques questions à Emilie Le Pennec par Gym and News Lire […]
[…] les questions qui ne concernaient pas sa vie en tant que gym de haut-niveau. Après Edgar Boulet, Emilie Le Pennec et Samir Aït Saïd, place à la quatrième Foire aux questions […]