Le club normand de Saint-Lô s’est qualifié pour les premières demi-finales de son histoire en Top 12, le championnat de gymnastique artistique qui regroupe les douze équipes de première division. La récompense d’un projet commun mené de front par tout un club.
Savoir patienter pour mieux savourer pourrait être la devise du club de Saint-Lô qui est en train d’écrire son histoire parmi l’élite. Entré en Top 12 une première fois en 2018 après son titre de champion de France en DN1 puis relégué la saison suivante avant de le réintégrer en 2022, Saint-Lô vient de passer une nouvelle étape en ce mois de décembre 2023 en décrochant pour la toute première fois de son histoire, son ticket pour la phase finale. “Une performance historique“, se réjouit l’entraîneur Vincent Canavy. “Cette qualification en demi-finale est un aboutissement, c’est grâce à la ténacité des gyms à l’entraînement, au projet de formation qui commence dès le plus jeune âge au sein de notre club et qui nous permet d’en être là aujourd’hui. C’est une belle récompense.”
Après ses deux victoires consécutives en phase de poules face à Brumath puis Combs-la-Ville, le club normand est donc parvenu à se hisser dans le carré final avec Meaux, Saint-Etienne et Lyon, trois équipes composées de gymnastes qui s’entraînent pour la plupart en structure de haut-niveau et pour certaines de renommée internationale avec une participation aux championnats du monde ou aux championnats d’Europe, à l’instar de Marine Boyer et Coline Devillard pour Meaux, Lorette Charpy à Saint-Etienne ou encore Djenna Laroui et Silane Mielle à Lyon. Alors à côté, Saint-Lô, c’est un peu le petit poucet. Un club de 1000 adhérents dont l’équipe est uniquement composée de gymnastes formées au club et qui s’entraînent toutes au quotidien à Saint-Lô. “C’est notre marque de fabrique et nous en sommes fiers” , sourit l’entraîneur. Un groupe de huit gymnastes dont la moyenne d’âge s’étend de 13 à 26 ans, avec comme chef de file et tête d’affiche la doyenne Loïcia Porte, qui côtoie les meilleures gymnastes françaises aux championnats de France élite, compétition pour laquelle elle est une nouvelle fois parvenue à se qualifier en octobre dernier lors de la revue d’effectifs en réalisant les minima de points demandés par la commission technique fédérale. “Cette demi-finale c’est un objectif qui nous tenait à coeur” , se félicite-t-elle.
Mais avant de décrocher cette place en demi-finale, le club normand a dû se familiariser avec le format du Top 12, bien différent de ce qu’il avait pu connaître jusque-là et qui lui aura fait perdre quelques plumes sur les éditions précédentes. Car le Top 12 fonctionne sur un système de matchs à duels entre deux équipes, bien loin du championnat de DN1 classique où toutes les équipes s’affrontent en même temps et où les notes des gymnastes obtenues à chaque agrès sont additionnées pour déboucher sur le total point de l’équipe. Au Top 12, les équipes sont réparties par poule de trois et disputent deux matchs. Seule la première équipe de chaque poule accède ensuite à la demi-finale. La configuration de chaque match est également totalement différente, avec des gymnastes qui s’affrontent par deux sous forme de duels, avec trois duels par agrès, soit douze duels au total sur chaque rencontre, et où la gymnaste qui obtient la meilleure note gagne le duel. La part de stratégie y est donc extrêmement importante, tout comme le total points accumulés. Car gagner ses rencontres peut se révéler insuffisant. Saint-Lô en a d’ailleurs fait les frais la saison dernière. “On avait gagné nos deux matchs de poules mais au niveau du total points final, on n’était que deuxième de notre poule ce qui nous a empêché d’atteindre les demi-finales. C’était forcément un peu frustrant de ne pas se qualifier malgré la victoire de nos deux matchs mais c’est le format qui veut ça, c’est comme ça” , confie l’entraineur.
Mais cette année, le club n’ a pas laissé passer sa chance. D’autant plus que trois des équipes du Top 5 de la saison 2022-2023, dont celle d’Avoine-Beaumont, tenante du titre depuis trois ans, ont été reléguées pour raisons administratives en DN1. Un remaniement du championnat qui ouvrait donc quelques portes. “Le tirage au sort nous a été assez favorable” , concède l’entraîneur normand. “Combs-la-Ville avait disputé le match de relégation la saison dernière, Brumath avait validé sa montée en Top 12 suite à la descente d’Avoine, Hyères et Schiltigheim et la non-montée de Dijon, donc on se savait au dessus sur le papier mais le fait d’être favori peut mettre une pression supplémentaire et dans un match Top 12, ça peut aller très vite. On sait que tout peut arriver. Un duel peut vite déstabiliser toute une équipe alors nous avons abordé les choses avec beaucoup de sérieux et les filles se sont mobilisées, investies et impliquées dès le début.”
La préparation de la saison a débuté dès le 10 août, date de reprise des entraînements après quelques semaines de vacances. Après une première phase de réathlétisation puis de travail d’acquisition d’éléments technique, les gymnastes ont commencé à travailler les demi-routines avant de reprendre les complets au début du mois de novembre. “Nous avons fait beaucoup de testing pour optimiser les mouvements, déterminer une note moyenne à chaque agrès pour chaque gym ce qui est très important d’un point de vue stratégique pour chaque rencontre Top 12. La revue d’effectifs a également été une très bonne étape de préparation” , éclaire Vincent Canavy. Une préparation bien ficelée, étalée sur trois mois qui a permis aux Normandes de parfaitement mener leur barque et de s’extirper du piège de la phase de poules pour aller chercher sa place en demi-finale.
“Il y a eu des erreurs mais de très beaux mouvements réalisés aussi, notamment au saut avec Lily qui rentre ses Yurchenko vrille et Lola qui a eu une super maîtrise de son tsuk vrille, ce sont des points positifs” , analysait Loïcia Porte après la victoire face à Combs-La-Ville. “À la barre, Svanilde rentre la sortie Full in, on a aussi beaucoup plus de maîtrise dans l’ensemble de nos mouvements, alors certes il y a quelques erreurs parfois mais ce sont des faits de compétition. Par contre, c’est à la poutre, il faut qu’on soit plus forte parce qu’on s’entraîne dur et finalement le résultat n’est pas là mais on a foi en notre travail donc ça va finir par payer. Et au sol on travaille beaucoup la précision, c’est ce qui ressort dans les notes donc c’est cool.” Un travail de précision et des nouveautés dans les mouvements qui leur ont permis d’entrer dans une autre dimension. “Le défi est encore plus grand face à Saint-Etienne mais on a les arguments” , sourit l’entraineur. “On ne compte pas faire de la figuration et on va tout donner pour aller chercher notre place en finale. En plus le match va se jouer à Saint-Lô donc on aura la chance d’avoir nos supporters.”
Des supporters qui sont venus en nombre assister au match à domicile face à Combs-la-Ville le 9 décembre dernier et qui seront tout aussi nombreux pour la demi-finale face à Saint-Etienne. Un atout considérable. “Il y a toujours une vraie ferveur pour les compétitions à Saint-Lô” , se réjouit Vincent Canavy. “Mais c’est lié au club, à ce qu’on fait, notre histoire, notre quotidien. Les filles s’entraînent tous les jours ici, devant les petites qui ont des étoiles plein les yeux lorsqu’elles les voient s’entraîner. Elles participent à la vie du club, dans l’entraînement mais aussi dans l’encadrement pour certaines, elles ne sont pas simplement de passage le temps d’un match de Top 12. Ce sont des modèles pour les plus jeunes. Et puis il y a toute l’organisation qui est autour qui fait que les gens ont envie de venir assister au match. C’est un grand événement pour le club et on se donne les moyens d’en faire un beau moment gymnique, avec l’aide de l’agglomération qui nous aide, avec également Guillian, le speaker à qui on fait appel et qui met toujours une superbe ambiance.” Le Top 12 à Saint-Lô, c’est donc bien plus qu’une simple compétition. Une véritable expérience humaine et sportive qui se vit et se partage avec passion entre les gymnastes, les spectateurs et toute la communauté gymnique. Un événement qui rassemble et qui donne de la lumière aux gymnastes qui s’entraînent trop souvent dans l’ombre de leur gymnase.
Mais avant de savourer cette demi-finale qui se tiendra le 30 mars prochain, celle que les Saint-Loises sont allées chercher avec leur tripes et cette conviction de montrer qu’elles ont aussi leur place parmi l’élite, la préparation va se poursuivre. Avec toujours le même sérieux qui guide toute l’équipe depuis la reprise du mois d’août. “La prépa physique qu’on avait dû mettre un peu de côté pour préparer la phase de poules va pouvoir reprendre“, éclaire Vincent Canavy. “On est hyper contentes et motivées pour retourner à l’entraînement, travailler encore plus fort et aller chercher la finale” , complète pleine de motivation Loïcia Porte. La période de Noël va également permettre d’augmenter la charge d’entraînement et le volume horaire. “Les périodes de vacances sont toujours des périodes que nous optimisons au maximum car les gyms n’ayant pas école, cela nous permet de faire du bi-quotidien et de répartir la charge d’entraînement de manière plus équilibrée. On va également faire de l’optimisation des bases techniques pour reprendre certains éléments et gommer certaines erreurs qui finissent par arriver à force de multiplier les complets. Les filles vont pouvoir aussi intégrer de nouveaux éléments avant d’entamer la prépa finale sur le dernier mois où on sera beaucoup plus dans le détail.” Ensuite, il n’y aura plus qu’à…
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