Ils sont méconnus du grand public mais partagent tous la même passion pour la gymnastique. Portrait de club : la rubrique qui part à la rencontre des passionné.es.
Arrivée il y a un an au Gymnastique Club de la Roche-sur-Yon (GCRY), Olga Omelianenko est une jeune gymnaste réfugiée ukrainienne. Nous sommes partis à la rencontre de l’adolescente, dans ce club qui l’a accueillie et qui a été pour elle une véritable seconde famille.
C’était il y a un an. Olga et sa famille ont fuit la guerre en Ukraine et sont arrivés en mars 2022 en Vendée. Après avoir pratiqué intensément la GR en Ukraine, la jeune fille recherchait un club pour continuer à s’entraîner. Son beau père travaillant dans la région, elle a frappé à la porte du GCRY. Acceuillie à bras ouverts, Olga a évolué toute la saison en Nationale B et en duo National TC. « Au départ, elle était très timide et ne parlait pas la même langue que nous, donc c’était un petit peu compliqué », raconte Séverine Pondevie, seule entraîneur du GCRY. En effet, à son arrivée, Olga ne connaissait pas un mot de français. Gestes et traducteurs automatiques ont été les meilleurs outils pour que la gymnaste s’intègre aux Yonnaises.
Mais l’adaptation pour la jeune fille de quinze ans n’a pas été simple. En effet, passer d’entraînements rudes, au rythme intense de 35 heures par semaine, à un cours de deux heures par semaine dans des conditions bien différentes, cela a eu de quoi la déstabiliser. Elle a découvert que les méthodes employées en Ukraine ne sont pas de coutume en France, certaines pouvant selon l’entraîneur de la Roche être même néfastes pour son corps : « sur ses écarts, elle avait l’habitude de s’installer entre deux chaises tandis que l’entraîneur appuyait, sauf que son bassin était complètement de travers ». Mais Olga a joué le jeu et a revu une grande partie de ses « mauvaises habitudes ». Pour cela, Séverine lui a fait travailler des exercices sur lesquels elle était bien plus en difficulté : « par exemple les obliques, elle ne les avait jamais fait. Elle me disait ‘c’est pas possible’ ».
Olga a du mérite car à peine arrivée en France, elle s’est retrouvée dans un collège avec des cours uniquement en français et des camarades distants : « Au collège, les personnes ne comprennent pas forcément les problèmes qu’on peut rencontrer, pourquoi je suis ici, qu’est ce que je fais ici », avoue la jeune gymnaste. Elle a suivi en parallèle ses études ukrainiennes en visio. Malgré tout cela ses résultats ont été excellents. C’est peut-être en partie grâce au soutien du club yonnais. La fille de Séverine qui cette saison était la coéquipière de duo d’Olga s’est même mise à apprendre l’ukrainien pour discuter avec elle. « Lorsqu’elle est arrivée, elle ne supportait pas le contact, même avec ses copines en Ukraine, il y avait beaucoup de distance. Et petit à petit, elle a découvert qu’on pouvait prendre du plaisir et s’amuser », révèle Séverine racontant une anecdote qui l’a surprise : « quand Olga partait en compétition, souvent elle venait dormir chez moi la veille. J’ai trois enfants et quand je pars, ils me demandent tous un bisou, un câlin et Olga, surprise de cela, nous a dit que lorsqu’elle part plusieurs jours, ses parents lui disent un simple au revoir. Une fois en compétition, elle m’a demandé ‘Je peux ?’ et elle m’a prise dans ses bras ».
Si Séverine et les filles du club ont apporté de la chaleur et du réconfort à Olga, celle-ci a su transmettre de vraies compétences au GCRY : rigueur et technicité notamment. Son entraîneur explique : « Elle ira jusqu’à l’épuisement pour atteindre la perfection. Mais parfois, elle est trop exigeante avec elle-même et oublie de se reposer. Et pareil, en duo, elle avait tendance à ne pas comprendre que les autres n’y arrivent pas. Elle nous disait ‘ça c’est facile’, oui pour elle, mais pas pour les autres ». De même lorsqu’aux qualifications pour les Championnats de France individuels le ballon d’Olga sort du praticable, elle n’a pas compris que Séverine ne se fâche pas ou ne la punisse pas.
Il est vrai qu’Olga a choisi un club peu habitué au haut niveau. Le GCRY ne possédait aucune gymnaste de catégorie Nationale avant elle. C’est pour cela que l’année prochaine, elle projette de rejoindre le club de la Nantaise disposant davantage de moyens pour lui permettre de progresser et de monter en Nationale A. « Séverine est un entraîneur génial. Elle est gentille, on peut discuter avec elle et elle me dit que je suis pour elle comme une deuxième fille. En Ukraine, il y a plus de discipline. Les filles ont peur de l’entraîneur et il y a plus de concurrence, on ne peut être amies entre nous. On n’a pas le droit de rigoler, et on n’a pas le droit à l’erreur non plus » confie Olga qui se rend compte cependant avoir perdu corporellement « les entraînements ici, je ne les trouve pas assez difficiles. Je perds en force ».
Mais pour Séverine, s’entraîner dans un club comme le sien lui a permis de lever le pied et de s’intégrer : « elle serait arrivée dans un gros club, elle aurait été tout de suite dans un état d’esprit très compétitif et je ne pense pas qu’elle se serait si bien intégrée ». Séverine nous confie cependant que la jeune fille éprouve quelques craintes à partir du club, elle qui, marquée par ses premières années de GR, pense ne jamais retourner en Ukraine. « Quand nous lui disons qu’elle va nous manquer, elle nous répond : ‘je crois moi aussi, mais je sais pas comment le dire’ », conclue tendrement l’entraîneur de l’Ukrainienne.
Quelques mots sur le Gymnastique Club de la Roche-sur-Yon
Si le GCRY existe depuis un petit nombre d’années, la section GR elle, n’existe que depuis neuf ans. Elle a été créée par Séverine Pondevie issue du milieu de la danse, qui, avant de passer son CQP, lors du lancement de la section, n’avait jamais touché à la discipline sportive. L’entraîneur du club peut être fière, car seule, elle a réussi à réunir 64 gymnastes (dont une quarantaine de loisirs) dans une petite salle spécialisée de gymnastique artistique. Toujours en cohabitation avec la gym artistique ou le tumbling, partageant parfois même le praticable en deux, les conditions sont peu commodes pour la gymnastique rythmique : « en ensemble, c’est le pire, c’est presque dangereux, mais malgré nos demandes auprès de la mairie, il n’y a pas moyen d’avoir une salle. La Roche a beaucoup d’associations sportives, cela fait trop de demandes pour trop peu d’infrastructures », regrette Séverine.
Le Gymnastique Club de la Roche-sur-Yon a participé à l’organisation du Championnat de France ensembles Trophées A qui s’est déroulé au Vendée Space mi juin. La section GR, malgré son petit nombre a réussi à mobiliser une vingtaine de bénévoles. Une organisation réussie que beaucoup ont salué : « les parents de mes élèves ont pu voir un plus haut niveau et se sont rendus compte de ce qu’on aimerait atteindre si on avait les conditions pour », déclare Séverine qui espère que la ville réaccueillera une finale dans les années à venir dans une salle qui peut-être sera à eux.