Membre de l’équipe de France de tumbling licenciée au club de l’Acrosarthe, Maëlie Abadie, 23 ans, s’apprête à participer à ses tout premiers championnats du monde senior, du 9 au 12 novembre prochain, à Birmingham. Spot Gym l’a rencontrée sur ses terres, au Mans, à quelques jours du départ pour la Grande-Bretagne.
Spot Gym : Maëlie, tu t’apprêtes à disputer tes premiers championnats du monde senior, comment te sens-tu ?
Maëlle Abadie : Je me sens bien. On a fait un stage de préparation ce week-end qui était plutôt positif pour tout le monde. Il y a encore des choses à travailler mais ça nous a permis, à deux semaines du départ, de se dire sur quoi on doit accentuer le travail des deux semaines qui restent. Pour ma part, j’ai deux choses principales à travailler dans mes séries, donc là avec le temps qui reste jusqu’à la compétition, ça va me permettre d’affiner ces détails là, donc je suis plutôt confiante. Et au niveau de l’équipe, on a toutes des objectifs avec l’envie de bien faire.
Quels sont tes objectifs sur ces championnats du monde ?
Dans un premier temps, comme je dis toujours, c’est de réussir mes séries. Je travaille deux séries depuis longtemps maintenant, on a commencé la prépa en juillet, donc l’objectif premier est de réussir ces deux séries là pour faire un bon total points et après si je les réussis, le résultat suivra. J’aimerais battre mon record de total de points pour accéder aux demi-finales et après on verra ce qu’il se passe. Au niveau de l’équipe, si on fait toutes une belle compétition, on veut aller chercher quelque chose en finale par équipe.
La compétition débute le 9 novembre, vous partez le 6, au niveau des entraînements, comment se passe cette ultime phase de préparation ? Le rythme s’intensifie ?
Non pas forcément. Là on est sur une période intense parce qu’on ne fait des complets et des demi-parties mais en essayant de raccourcir les entraînements pour ne pas perdre trop d’énergie. D’habitude, je suis sur des entraînements de 3h, là je suis plutôt sur des entraînements de 2h30-2h. L’objectif est donc de faire le programme sans perdre de temps pour garder du jus. C’est pareil en terme de musculation, on a fait des grosses muscu jusque-là et on commence à diminuer le nombre pour arriver en pleine forme le jour J.
Tu as 23 ans, tu vas participer à tes premiers championnats du monde, et avant, quelles ont été les grandes lignes de ton parcours ?
J’ai d’abord commencé par la gymnastique artistique à 7 ans et j’en ai fait jusqu’à mes 14 ans. À 10 ans, j’ai commencé le tumbling et pendant quatre ans, j’ai fait les deux. Quand je me suis orientée vers une pratique de haut-niveau, j’ai arrêté la gym pour ne faire que du tumbling et en 2015 j’ai intégré le collectif France de tumbling pour ensuite décrocher mes premières sélections France.
Quelles sont les principales étapes par lesquelles tu es passée avant de décrocher cette sélection pour les Mondes ?
J’ai fait ma première compétition internationale à 15 ans. C’était la Loulé Cup, un tournoi qui se déroule au Portugal. C’était une préparation pour les championnats du monde par groupe d’âge où j’ai participé dans la catégorie 15-16 ans. J’ai fait une bonne compétition mais je finis 21ème. A cette époque-là, je n’avais pas encore le niveau pour entrer en finale. Après, j’ai été première remplaçante des championnats d’Europe junior, le plus gros coup dur de ma carrière parce que c’était très très juste entre celle qui est partie et moi, donc jusqu’au dernier moment je ne savais pas trop qui allait être dans l’équipe et c’est ce qui a été le plus difficile. Mais je pense que c’est ce qui m’a aidée ensuite à me dire : je n’ai pas le choix, il faut que je sois au dessus pour être sélectionnée. Après j’ai fait quatre autres championnats du monde par groupe d’âge, donc en tout j’en ai fait cinq, et j’ai fait quatre finales. J’étais extrêmement régulière et en 2018, j’ai décroché la médaille de bronze dans la catégorie 17-21 ans. C’était ma première médaille internationale, en individuel en plus donc c’est un très beau souvenir. Ensuite en 2022, je fais deuxième remplaçante des championnats d’Europe à deux dixièmes, donc ça s’est joué à rien. Aujourd’hui on est un gros collectif féminin, ce qui fait qu’être dans l’équipe n’est jamais gagné d’avance mais ça pousse à se surpasser encore plus. Après j’ai été première remplaçante des championnats du monde 2022 donc la logique était qu’après avoir été deuxième puis première remplaçante, je sois dans les quatre titulaires et c’est ce qui s’est passé avec ma qualification pour mes premiers championnats du monde senior, là en 2023.
Tu es entraînée par tes parents, comment cela se passe ? N’est-il pas trop difficile de faire le distinguo entre ce qui se passe à la maison et ce qui se passe à l’entraînement ? D’ailleurs, on peut constater que tu les appelles à la salle par leur prénom et non papa maman ?
Oui j’ai toujours été habituée comme ça, ça me gêne pas. Jamais on m’entendra les appeler papa ou maman dans la salle, c’est vraiment très distinct pour moi. C’est Romu et Virginie à la salle et papa et maman dans la sphère privée. Mais c’est vrai que peut-être qu’au niveau de la rigueur et des attentes, il y a plus d’exigence. Forcément quand tu vies chez tes entraîneurs qui sont tes parents, ils savent que si t’es moins bonne à l’entraînement c’est parce que tu t’es couchée un peu plus tard la veille par exemple. Leurs attentes aussi sont peut-être plus importantes, mais c’est aussi ce qui m’a permis d’atteindre le niveau que j’ai aujourd’hui.
À côté de tes entraînements, que fais-tu ?
Je menais un triple projet jusqu’en septembre, j’étais donc athlète de haut-niveau et étudiante en alternance. J’ai validé mon Master en design graphisme en septembre et je travaille désormais dans la société de production audiovisuelle où j’ai fait mon alternance.
En période de compétition, ce n’est pas trop difficile de s’organiser ? Tu dois aménager tes horaires de travail afin de pouvoir suivre le rythme des entraînements ?
Comme on n’augmente pas notre volume horaire d’entraînement, cela ne nécessite pas d’aménagement. Je continue de m’entraîner en fin de journée, après le travail, à partir de 16h-16h30. Par contre pour pouvoir partir en compétition, je dois poser des congés auprès de mon employeur.
Tu poses des congés pour partir en compétition ?
C’est ça. Souvent du sans solde sinon on n’a vraiment plus du tout de vacances mais oui pour partir en compétition on est obligé de poser des congés parce que forcément quand on travaille c’est le monde du travail.
Ton employeur est compréhensif ?
Oui, ils sont même très contents pour moi. C’est important pour moi que mon employeur comprenne mon projet afin de me permettre de continuer à pratiquer mon sport au plus haut-niveau. C’était d’ailleurs l’un des critères dans ma recherche d’emploi et d’alternance.
Tu as également lancé ton propre média vidéo il y a quelques mois, Haut-Niveau, tu es satisfaite du lancement ?
Je suis contente des débuts oui. Ça a commencé au mois d’août, il y a déjà 4-5 épisodes qui sont sortis et j’ai déjà de très bons retours par rapport à ces épisodes là. Les gens aiment bien l’angle de vue et ça permet aussi de mettre en avant les sportifs sur un thème qu’ils choisissent ce qui est très apprécié par les sportifs eux-mêmes. Par exemple, dans le premier épisode, Matéo Bohéas raconte sa première compétition handisport et il m’a dit que jamais personne ne lui avait laissé le choix du thème donc qu’il n’avais jamais eu l’occasion d’aborder ce thème-là, alors que pour lui c’était super marquant. J’ai à la fois des bons retours des sportifs et des téléspectateurs, donc je suis contente.
Est-ce plus facile d’approcher les athlètes du fait que tu sois toi-même sportive de haut-niveau ?
Dans le monde de la gym oui car je connais beaucoup de personnes en GAM, GAF, trampoline, tumbling, mais après pour les autres athlètes, le fait d’être sportive de haut-niveau ne me facilite pas forcément les choses, c’est moi qui ose les contacter. Par contre au moment de l’interview, ça aide à se confier je pense parce qu’on se comprend et ils le ressentent. Il y a une proximité qui se crée assez facilement du fait que je sois moi-même sportive de haut niveau.
Le tumbling n’est pas un sport olympique, c’est quelque chose que tu attends ?
Ce serait beau pour la discipline que ça devienne un sport olympique, mais d’un point de vue plus personnel, je sais que moi je ne serai plus en carrière si un jour ça le devient. En 2024 ça ne l’est pas, en 2028 non plus et en 2032, si jamais ça le devient, j’aurai 32 ans donc je pense que je serai passée à autre chose dans ma vie. Après pour la discipline, j’espère que ça deviendra olympique mais moi ça ne fait pas partie de mes objectifs personnels car je sais que je ne ferai jamais les Jeux en tant qu’athlète. Fallait que je choisisse un autre sport sinon (Rires).
Qu’est-ce que tu aimes dans le tumbling ?
Les sensations. Ce n’est pas propre au tumbling, c’est la gym en général, mais c’est le fait de faire des choses extraordinaires, que le commun des mortels entre guillemets ne sait pas faire. Il y aussi les sensations avec les acrobaties où on se sent voler. Et c’est le sport de haut-niveau en général, mais il y a tous les moments de vie, lors des stages, des compétitions, des entrainements, qui laissent des souvenirs extraordinaires. Tous ces moments de vie font que je suis contente de faire du haut-niveau pour ça aussi.
À l’âge de 14 ans, tu as expliqué avoir arrêté la gymnastique artistique pour te consacrer au tumbling, qu’est-ce qui a fait que tu as choisi le tumbling et non la GAF ?
Ça faisait 4 ans que je faisais du tumbling et j’avais plus de résultats en tumbling qu’en gym. En gym j’avais un niveau de base, j’allais en zone, j’avais des résultats en équipe mais je n’avais pas d’avenir de haut niveau. Alors qu’en tumbling, j’ai toujours eu des résultats, j’ai tout de suite fait des médailles et j’adorais le tumbling. Je m’éclatais à enchaîner les acrobaties. Le fait d’avoir des résultats aussi a fait que je me suis dit ‘pourquoi pas continuer dans cette voie là’. Et puis mes entraîneurs ont aussi construit à partir de ce moment-là (2014-2015) des planifications d’entrainement pour atteindre les minimas de sélection pour les championnats du monde par groupe d’âge. Donc quand en gym on te parle de minima pour les championnats de France alors qu’en tumbling on te parle de minima pour faire les championnats du monde, ça pèse aussi dans la balance. Toutes ces choses là ont fait que j’ai choisi le tumbling.
En novembre tu vas participer aux championnats du monde à Birmingham, et ensuite quels sont tes objectifs sur le reste de la saison ?
Après les championnats du monde, il y aura les championnats de France par équipe début décembre. L’objectif sur cette compétition est clair et net, c’est de garder le titre de championne de France par équipe et après je pars pour un mois et demi en stage de tumbling en Australie. Je devais le faire en 2020 à l’origine mais ça a été décalé avec le Covid donc là j’ai vraiment hâte de le faire, de découvrir comment ils s’entraînent et je pense qu’il y a beaucoup de choses à apprendre. J’ai hâte aussi d’approfondir mon anglais, d’apprendre leur culture, d’apprendre de leur façon de s’entraîner, de travailler. Je serai toute seule au début, ensuite mon club me rejoindra les deux premières semaines de janvier et ensuite je continuerai toute seule jusqu’à fin janvier. Enfin en 2024, il y aura les championnats d’Europe en avril pour ensuite avoir une fin de saison un peu plus cool.
Propos recueillis par Charlotte Laroche,
au Mans