Loïcia Porte, envers et contre tout

Seule gymnaste de club à avoir participé aux championnats de France élite en senior après avoir décroché sa sélection lors de la dernière revue d’effectifs, Loïcia Porte est ce qu’on appelle une vraie passionnée. Retour sur le parcours d’une gymnaste peu ordinaire, à la détermination sans faille.

Loïcia Porte a réalisé les minima lors de la revue d’effectifs de rattrapage en avril dernier ce qui lui a permis de décrocher son ticket pour les championnats de France élite. Photo Anaïs Carlier

Elle ne s’en cache pas, la gymnastique, c’est toute sa vie. Celle qui partage son quotidien depuis bientôt 20 ans. Et chaque jour, elle est prête à soulever des montagnes pour s’entraîner durement tout en poursuivant ses études supérieures. Elle n’est pas en pôle, ni en structure de haut-niveau, mais elle excelle malgré tout dans ce sport qui l’anime tant et qui l’a fait vibrer. Loïcia Porte a 24 ans et s’entraîne au club de la Saint-Loise Gymnastique en Normandie. C’est ici qu’elle a débuté la gymnastique à l’âge de 6 ans et c’est toujours là qu’elle évolue, près de 20 ans après. “Je faisais des roues et des équilibres partout chez moi donc ma mère m’a inscrite à la gym… et puis je n’y suis jamais partie” , sourit-elle.

Rapidement, Loïcia veut faire comme les grandes. “Les voir faire des soleils, des acrobaties, me donnait envie de faire pareil. J’étais passionnée rien que de les regarder” , se souvient-elle. Alors après une année en loisir, elle intègre le groupe compétition dès sa deuxième année de pratique. À son entrée en Sixième, elle entre ensuite en Sport études. “Le collège nous libérait à 15h30 et les entraîneurs venaient nous chercher pour nous amener directement à la salle. On enchaînait notre journée d’école avec un entraînement de 4 heures, et on s’entraînait également le mercredi après-midi et le samedi matin” , éclaire-t-elle.

À son passage au lycée, la Normande a dû ruser pour poursuivre un cursus aménagé car le lycée ne proposait pas de section sport étude. Elle demande alors à rencontrer la proviseur de son lycée afin de lui expliquer son projet. Arrêter la gymnastique ou diminuer considérablement son nombre d’heures d’entraînement lui était impensable. “La proviseur a compris mon double projet et à chaque rentrée, nous regardions ensemble les emplois du temps afin que je sois dans la classe qui terminait le plus tôt, ce qui me permettait ensuite d’aller m’entraîner directement.” Un cursus aménagé qui lui permet de continuer à s’entraîner entre 20 et 25 heures par semaine. Pendant les vacances scolaires, elle pouvait même augmenter le rythme et s’entraînait jusqu’à 30 heures. Avec toujours cette même soif d’apprendre. De se surpasser et de progresser. Toujours cette même envie de faire de la belle gym. De la gym de haut-niveau tout en restant dans son club, son club de coeur où elle se sent bien, et avec son entraîneur de toujours, Vincent.

Si l’année de Seconde était chargée, celle de Première l’a été encore plus. Alors une nouvelle fois, elle a fait les démarches nécessaires pour pouvoir concilier entraînements et études. “J’ai fait des demandes auprès du lycée et du rectorat pour pouvoir passer le bac en 2 ans et ça a été accepté. J’ai donc pu passer certaines matières la première année et passer les autres la deuxième année, ce qui m’a permis d’avoir le bac avec mention tout en continuant de performer physiquement et techniquement à la salle” , explique-t-elle.

Après le bac, Loïcia poursuit ses études à Caen en STAPS entraînement sportif et elle obtient le statut d’athlète de haut-niveau ce qui lui permet de passer sa licence en 4 ans au lieu de 3. En parallèle, elle continue de s’entraîner 20 à 25 heures par semaine dans son club de Saint-Lô. “J’allais à la fac deux fois par semaine et le reste du temps je suivais les cours par correspondance. J’ai eu la chance de trouver des étudiants qui étaient d’accord pour m’envoyer les cours mais également de tomber sur des professeurs qui comprenaient mon choix de vie et mon engagement en gymnastique” , livre-t-elle. “C’est ce qui m’a permis de poursuivre ce double projet aussi longtemps.” La licence en poche, elle se lance dans un Master… à Rouen cette fois-ci. “Donc là c’était pas la même chose…” sourit-elle. “Saint-Lô – Caen, c’est 45 minutes aller, 45 minutes retour, Saint-Lô – Rouen on passe à 2 heures aller, 2 heures retour. Ils avaient une belle salle à la fac à Rouen mais je ne me voyais pas quitter Vincent, mon entraîneur. Je sais que ça marche avec lui et ça me faisait peur de tout changer donc j’ai préféré une nouvelle fois faire les démarches nécessaires pour trouver les aménagements qui me permettaient de continuer à m’entraîner à Saint-Lô tout en poursuivant mes études supérieures. Avec le COVID, beaucoup de cours se faisaient en distance ce qui limitait mes déplacements. Je dois dire que ça m’a beaucoup aidé à tenir le rythme car sinon physiquement et mentalement, je ne pense pas que j’aurais pu tenir le rythme avec tous les allers-retours.” Elle obtient alors brillamment son Master entraînement optimisation de la performance avec mention et se projette désormais vers un doctorat. “Je suis en train d’organiser tout ce qui faut pour poursuivre le double projet études et haut-niveau” , éclaire-t-elle avant d’ajouter : “C’est un compromis qui me correspond bien, ça fait partie de mon équilibre ce quotidien partagé entre les études et les entraînements. Et puis la particularité du Master que j’ai suivi est qu’il se faisait en alternance.”  Une alternance qu’elle a suivie dans son club de Saint-Lô et qui lui permettait d’avoir notamment un groupe de poussines performance. Une troisième casquette donc pour la Normande de 24 ans.

Mais si Loïcia a pu mener à bien son double projet aussi longtemps, c’est aussi grâce à son sérieux et à sa motivation. “Je devais faire mes preuves pour avoir la confiance des professeurs mais j’ai eu beaucoup de chance de tomber sur de belles personnes qui m’ont fait confiance et qui ont accepté et compris mon projet. En réalité, je devais faire mes preuves en réalisant des minima en gym pour accéder aux championnats de France élite et je devais aussi faire mes preuves dans le cadre de mes études pour obtenir la confiance de mes professeurs” , sourit-elle.

Une vie rythmée entre les entraînements de gymnastique et les cours, un équilibre qui lui correspond et qui lui permet d’être celle qu’elle est aujourd’hui. “C’est sûr que ma vie personnelle est différente de celle des gens de mon âge, j’en ai conscience, mais ce sont des choix que je fais et que j’assume. Certaines personnes ont un peu de mal à comprendre mais moi c’est comme ça que je suis épanouie. J’aurai le temps de sortir après. Là je m’épanouis dans mon sport, dans ma gym et c’est le plus important.” D’ailleurs, la gymnaste ne parle pas de sacrifices car pour elle ce ne sont pas des sacrifices. “Je préfère parler de choix de vie car pour moi ce n’est pas un sacrifice” , lance-t-elle. “La carrière de gymnaste est tellement courte que je pourrai tout vivre après. Les soirées entre amis, je pourrai les faire à 30 – 35 ans. Pour le moment, ce que j’aime le plus c’est faire de la gym.

Telle une passionnée, Loïca ne s’arrête d’ailleurs (presque) jamais. La gym fait partie de sa vie. Et tant qu’elle peut s’entraîner, elle s’entraîne. Pendant le premier confinement lié à l’épidémie de COVID, elle en a d’ailleurs profiter pour travailler ses faiblesses. “J’ai fait beaucoup de prépa physique. Mon point noir était vraiment la condition physique alors je me suis arrachée. Je me suis transformée et ça a renforcé mon envie de performer. Je tirais le positif de cette période en me disant que comme ça, une fois sur le praticable j’aurai les jambes pour faire mes acrobaties et que je pourrai progresser en plus.”

Une stratégie payante qui lui a ouvert les portes de la revue d’effectifs, étape incontournable pour se qualifier pour les championnats de France élite. Mais pour obtenir son ticket, il lui fallait d’avoir réaliser les minima fixés par la Fédération Française de Gymnastique. Si elle ne les atteint pas lors de la première revue d’effectif en décembre, elle les réalise quelques mois plus tard lors de la revue d’effectif de rattrapage en avril dernier où elle se classe première. Une grande fierté pour elle. Tout le travail accompli ces dernières années était récompensé pour la deuxième fois de sa carrière (Loïcia avait déjà participé aux championnats de France élite à Saint-Brieuc en 2019, NDLR).

À Élancourt, début juillet, Loïcia Porte était comme un poisson dans l’eau. Épanouie et fière d’être là. Même si elle était impressionnée, elle a savouré ce moment qu’elle était aller chercher à la sueur de son front. “Le premier jour de compétition, le vendredi, c’était assez impressionnant” , temporise-t-elle toutefois. “J’étais dans le groupe avec les gyms de l’INSEP et je me suis laissée un peu emportée par le stress et l’ampleur de tout ça. Les filles ont été super gentilles avec moi, elles m’ont super bien intégrées mais de passer en même temps qu’elles, je me suis mise une pression supplémentaire. J’ai fait mon tour avec quelques erreurs et j’étais donc un peu déçue. Mais malgré ces erreurs, j’ai quand même réussi à me qualifier pour la finale du dimanche et cette fois-ci, j’ai pris énormément de plaisir. J’étais tellement déçue de ce que j’avais fait le vendredi que je me suis dit ‘montre ce que tu sais faire ! Tu as gagné ta place, tu la mérites donc donne tout’ ! Et j’ai réussi à faire un tour sans chute. Je réussis mon mouvement de barres avec mon nouveau lâcher, le Katchev, en poutre je rentre ma nouvelle entrée en salto avant donc il y a eu beaucoup de positif sur ce deuxième jour de compétition. Et surtout j’ai beaucoup appris tout au long du week-end. Beaucoup beaucoup appris. J’ai beaucoup regardé, je me suis imprégnée de tout ce que je voyais afin de m’en servir pour plus tard et j’ai pris beaucoup beaucoup de plaisir à participer à ces championnats de France élite.”

Si elle avait déjà participé aux championnats de France élite en 2019, elle a vécu cette expérience de 2022 d’une toute autre manière. “Deux expériences vraiment différentes” , analyse-t-elle. “En 2019, j’étais avec avec une autre gymnaste de mon club alors que là j’étais toute seule donc je n’ai pas vécu la compétition de la même manière. Quand on est deux on reste un peu plus ensemble, on s’ouvre un peu moins aux autres alors que là comme j’étais toute seule, il y a eu plus d’échanges avec les autres gyms. Et le fait que je sois seule, les autres gyms sont plus venues vers moi aussi. Elles m’ont félicitée, on a beaucoup échangé. A Saint-Brieuc, Marine Boyer n’était pas là et à Elancourt j’ai matché avec elle et c’était impressionnant ! En fait, là j’ai vraiment été intégrée à part entière dans un groupe, je tournais avec l’INSEP, et j’ai beaucoup appris. Mes deux expériences étaient totalement différentes et je ne les ai pas vécues de la même manière.”

D’ailleurs, au niveau des objectifs fixés, ceux-ci étaient également différents. A Elancourt, l’objectif était clair : “montrer mon potentiel technique” , éclaire-t-elle. “On n’a pas joué les points, on aurait pu mais ce n’était pas ce qu’on voulait. Je voulais vraiment montrer mon potentiel technique. J’ai mis de nouveaux éléments et je voulais montrer ce que j’étais capable de faire techniquement. Alors je sais qu’il me manque de la précision encore mais j’ai vraiment voulu mettre tout ce que je savais faire.” Un programme qui n’a d’ailleurs pas à faire rougir. Katchev, Jaeger ou encore salto pak aux barres, yurchenko vrille au saut, entrée en salto avant en poutre, flip flip tendu, double carpé ou encore vrille avant au sol, Loïcia Porte, gymnaste de club à la motivation décuplée, a tenu fièrement son rang au milieu de toutes les autres gymnastes de pôle lors de cette compétition qui signifie tant pour elle. “Participer aux championnats de France élite représente beaucoup pour moi” , confie-t-elle. “Car l’engagement mis au quotidien est très important. Je me mets énormément de pression parce que je sais ce que je veux. C’est vraiment la récompense de tout l’engagement que j’ai pu mettre toutes ces années pour aller chercher ce championnat de France. Je ne veux pas dire que ça vaut une médaille mais c’est quand même un peu ça pour moi. C’est l’aboutissement de nombreuses années de travail. Et puis ça permet également de montrer que les gymnastes de club ont aussi leur place sur les championnats de France élite. On travaille toute pour la même chose, à savoir faire de la belle gym, de la gym de performance, et les championnats de France élite, à partir du moment où on réalise les minima fixés par la Fédération, devraient rassemblés toutes les gymnastes qui ont le niveau, qu’elles soient en club ou en structure de haut-niveau.”

Si sa saison s’est terminée en apothéose, Loïcia Porte est déjà reboostée à bloc, bien décidée à performer toujours un peu plus la saison prochaine. Qualifiée pour la prochaine revue d’effectifs, elle aura donc de nouveau à coeur de décrocher son ticket pour les championnats de France élite pour la deuxième année consécutive. “Je suis une grande rêveuse et quand j’ai une idée en tête, un rêve en tête, je donne tout pour y arriver. Je me donne les moyens pour l’atteindre. Il y a forcément des épreuves à passer mais j’essaie toujours de me relever et d’aller encore plus loin.”

Alors Loïcia, la rêveuse, la passionnée, la déterminée, l’acharnée compte bien continuer à tirer son épingle du jeu et montrer qu’à force de travail et de sérieux, il est possible de réaliser ses rêves en réalisant les objectifs qui l’animent au quotidien.

 

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