L’interview décalée de Yann Cucherat : “Je suis un gourmand de la vie en général”

Vice-champion du monde à la barre fixe et double champion d’Europe aux parallèles, Yann Cucherat, aujourd’hui retraité du haut-niveau, reste le seul gymnaste français à avoir disputé quatre Jeux Olympiques. Désormais directeur sportif des équipes de France masculines de gym et également élu à la ville de Lyon, l’ancien spécialiste français des barres a accepté de se prêter au jeu de l’interview décalée et de montrer patte blanche. Un entretien sans langue de bois.

Gym and News : Avant d’entrer pleinement dans le jeu des questions décalées, commençons par quelque-chose de classique. Depuis votre arrêt du haut-niveau, que devenez-vous ?
Yann Cucherat : Je travaille à la Fédération, je suis directeur sportif des équipes de France masculines. J’accompagne notamment les juniors, les espoirs et les avenirs dans leur parcours et je fais en sorte de les mettre dans de bonnes conditions. En parallèle, je suis également élu aux sports de la ville de Lyon depuis les dernières élections municipales. C’est quelque chose qui me rend très enthousiaste car je peux rendre aux sports lyonnais ce qu’on m’a apporté quand j’étais moi-même sportif. Je ne me prédestinais pas spécialement à faire de la politique mais le maire de Lyon est venu me chercher et je prends beaucoup de plaisir dans tout ce que je fais.

Dans le cadre de votre statut d’élu à Lyon, y-a-t-il une rencontre qui vous a plus marqué ?
C’est difficile comme question car c’est tellement gigantesque tout ce que je fais que toutes les rencontres sont importantes ! Tous les jours, j’ai cette chance de rencontrer quelqu’un qui me fait grandir que ce soit dans le domaine du sport, de la culture, de l’emploi, de l’insertion, ou dans d’autres domaines. C’est ce qui fait la richesse de cette délégation. Mais, pour répondre à la question, je dirai peut-être Henri Leconte ou encore Eric Cantona. Ce sont deux grands sportifs qui ont marqué leur discipline et qui sont venus me solliciter pour mettre en place un projet. Une autre rencontre m’a particulièrement marquée, c’est celle avec Oumy Fall, sélectionnée pour disputer les Jeux Paralympiques en basket féminin. C’est vraiment une très belle rencontre car malgré son handicap, elle n’a jamais baissé les bras.

yann cucherat et djorkaeff
En tant qu’élu aux sports, Yann Cucherat rencontre de nombreuses personnalités qui ont marqué le sport français. A l’image de cette photo souvenir avec Youri Djorkaeff, ancien champion du monde et d’Europe de foot. Photo Yann Cucherat

Si vous n’aviez pas fait de gym, qu’auriez-vous fait ?
J’aurais fait du sport ça c’est sûr car je suis issu d’une famille de sportifs. Je pense que j’aurais fait du judo, j’en avais fait mais à un moment j’ai dû faire un choix pour pouvoir me concentrer pleinement à la gym. J’aurais certainement fait du tennis aussi. Et comme métier, quand j’étais plus jeune, je voulais devenir océanographe. J’ai toujours adoré les fonds marins.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait faire de la gym en haut-niveau ?
De toujours garder la notion de plaisir. C’est le moteur unique qui permet d’aller chercher la performance. Dans ma carrière, je me suis rendu compte que cette notion de plaisir était primordiale. Lorsque j’en prenais moins et que je me focalisais sur la performance, c’était souvent à ce moment-là que je les choses ne se passaient pas forcément bien pour moi car je me mettais beaucoup trop la pression. Donc, je leur dirai vraiment de se faire plaisir.

Quel est votre principal trait de caractère ?
Je suis très rigoureux et perfectionniste. Et j’ajouterais que j’ai également une grande forme d’empathie ce qui me permet de fédérer pas mal de personnes.

Votre principal défaut ?
Je suis chiant ! Je suis tellement rigoureux que parfois ça peut devenir chiant. Et puis, je ne sais pas rester en place, je dois toujours être occupé.

Un défaut inavouable ?
Un défaut inavouable mais que je peux quand même avouer alors… (Rires). Je dirai que je suis très gourmand. Je suis un gourmand de la vie en général.

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Dans le miroir, que voyez-vous ?
Ce que je peux dire c’est que je n’ai pas honte de me regarder dans le miroir. Et ça, c’est important. Je pense n’avoir jamais triché et être resté honnête. Je vois aussi quelqu’un qui a encore beaucoup de choses à apprendre et à apprivoiser.

Un objet indispensable ?
Mon téléphone ! J’ai honte de le dire mais c’est vraiment un outil indispensable pour moi. Donc mon téléphone… et ma recharge bien-sûr.

En tant que papa, un objet à ne pas oublier lorsque vous sortez en famille ?
Mes enfants ! (Rires) Pour parler plus sérieusement, je suis tellement occupé que lorsque je consacre du temps à mes enfants, je ne veux me consacrer qu’à eux. Donc dans ces moments-là, je peux dire que si je dois oublier quelque chose… c’est mon téléphone !

Quel est votre meilleur souvenir en gym ?
C’est difficile à dire car il y en a beaucoup. Je ne dirai pas les médailles gagnées mais plutôt le travail accompli avec les copains pour arriver à obtenir des résultats. Sinon, il y a aussi mon jubilé, en novembre 2013. Pendant un an, je l’ai construit, je suis allée chercher des sponsors, etc. J’ai voulu que cette fête soit la fête de toutes les personnes qui m’ont accompagnées, de près ou de loin, dans ma carrière. Ce jubilé était vraiment une synthèse de toute ma carrière.

Votre pire souvenir ?
Les Jeux d’Athènes, en 2004, avec cette médaille que je me suis faite voler aux barres parallèles. J’ai couru après une médaille olympique tout au long de ma carrière. Une médaille que je n’ai finalement pas eu. Ca a été une réelle frustration pour moi mais une frustration qui m’a permis de continuer la gym un peu plus longtemps, de faire quatre olympiades, ce qu’aucun autre gymnaste français n’a fait, de devenir vice-champion du monde à la fixe. Peut-être que si j’avais eu cette médaille olympique, je ne serai pas allé si loin ensuite.

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Yann Cucherat aux Jeux Olympiques de Pékin.

Un regret ?
Non pas de regret. Sincèrement, je n’ai aucun regret. La médaille olympique que je n’ai pas eu à Athènes a été une réelle frustration mais ce n’est pas un regret car ce n’était pas de mon ressort.

Une phobie ?
Je n’aime pas toucher les rampes d’escaliers, les poignées dans le métro ou dans les gares, je n’aime pas toucher les boutons sur les distributeurs automatiques. Donc je me lave souvent les mains ! Je me dévoile pas mal là quand même (Rires).

En vacances, vous êtes plutôt mer, montagne ou campagne ?
Avant, peu importe l’endroit où je partais, la seule chose qu’il me fallait c’était un gymnase pas loin pour que je puisse continuer à m’entraîner. C’était la condition indispensable. Aujourd’hui, j’ai besoin que ça bouge, je ne peux pas rester plus de trois jours au même endroit. Mais cet été, comme je suis toujours dans le flux le reste de l’année, j’ai besoin de trouver un endroit où il n’y a pas trop de monde et où mon téléphone ne passera pas !

Votre soirée idéale ?
J’adore recevoir à la maison. Pour moi, une bonne soirée c’est être entouré de mes amis et de ma famille, autour d’un bon repas avec de bonnes bouteilles de vin. Les choses simples de la vie.

Si vous étiez un moment de la journée, vous seriez ?
Je ne suis pas trop matinal, je suis plutôt du soir. J’aime voir le soleil qui se couche.

Et si vous étiez un animal ?
Je serai un singe ! C’est lié à mon passé de gymnaste et de barriste avec cette sensation de suspension et d’agilité. Lorsque je regarde la gym avec beaucoup de nostalgie, c’est cette sensation qui me manque.

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Pour vous, le bonheur parfait, ce serait ?
Je ne sais pas si le bonheur parfait existe. Pour moi, le bonheur c’est lorsque j’arrive à apprécier les moments du quotidien après des moments difficiles. Car les moments plus difficiles permettent d’apprécier encore plus les bons moments.

Dans dix ans, comment vous voyez-vous ?
Je serai peut-être président de la Fédé pour essayer de rendre à la gym ce qu’elle a pu m’apporter tout au long de ma carrière. C’est quelque chose qui m’anime et qui me plairait bien. Un jour, peut-être que j’aurai les capacités pour apporter une plus-value. Ce n’est pas une ambition de devenir président mais j’ai cette envie de le devenir, une manière d’être redevable par rapport à tout ce que j’ai pu vivre.

Propos recueillis par Charlotte Laroche pour Gym and News

Redécouvrez le mouvement de Yann Cucherat à la barre fixe aux championnats du monde de Melbourne, en 2005, qui lui a permis de décrocher une belle médaille d’argent : 

 

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