Dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux dimanche, le pôle de Marseille a indiqué avoir été sommé par la Fédération française de gymnastique de fermer ses portes le 30 juin prochain. Retour sur une annonce qui a fait l’effet d’une bombe et d’un combat qui est en train de se mettre en place afin de sauver la seule structure de haut-niveau de gymnastique artistique féminine basée dans le sud de la France et ainsi protéger la filière d’accès au haut-niveau dans toute une zone de l’Hexagone.
Les voix sont tristes, le climat est lourd et l’humeur plombée par l’incompréhension de la situation si soudaine et “l’amalgame” qui a pu être fait. Amalgame, ce mot qui reviendra dans chacun des discours et qui pèse lourd. Souvent suivi d’un long silence. Pesant. Ou d’un soupir qui en dit long. “Une douche froide” , lancera d’ailleurs Émilie Roy, l’une des entraîneurs du pôle, qui se dit “autant dévastée qu’en colère“. Pour les gyms surtout, qui n’ont rien demandé. “Des enfants qu’on devrait protéger plutôt que de les abandonner.” Surtout que pour eux, la structure était sauvée. Le procès de Vincent Pateau, directeur technique de la structure jugé pour harcèlement moral à la suite de plaintes de cinq anciennes gymnastes, appartenait au passé, un verdict avait été prononcé avec une condamnation de six mois de prison avec sursis et une amende de 10 000 euros, et des décisions avaient été prises. D’ailleurs, du côté du pôle, le verdict qui a découlé du procès n’est pas remis en cause, la justice ayant parlé, et leur combat n’est pas celui-ci. “Il y a Vincent Pateau, le procès, j’ai reconnu des maladresses, la peine a été moins lourde que ce qui avait été demandé, et derrière il y a une structure qui n’a absolument rien à voir avec tout ça. On ne peut pas tenir une structure responsable de ce qu’a fait un entraîneur, encore plus quand on sait que cet entraîneur a été licencié et qu’il n’exercera plus sur la structure” , précise le directeur technique du pôle qui va également se voir notifier une interdiction d’exercer à la demande du Ministère des sports suite au reportage diffusé dans l’émission Stade 2 dimanche 14 mai, reportage qui ne faisait pas référence à Marseille, et qui avait entraîné une série de mesures.
“On a pris une balle perdue”
“J’ai signé ma lettre de licenciement le 2 mai, avant même le verdict, et il était prévu que je quitte la structure le 4 juin suite à mon licenciement, donc pourquoi prendre une telle décision ? On a pris une balle perdue en fait. Je pense que c’est un effet d’annonce car la ministre a mis la pression et qu’il a fallu mettre un coup de poing quelque part pour camoufler certaines choses ailleurs. C’est dur de se dire qu’il faut sauver Marseille, surtout lorsqu’on voit ce que Marseille a fait pour la France, mais aujourd’hui on en est là.”
C’est dans un communiqué, publié dimanche sur les réseaux sociaux du Pôle France de Marseille, que la nouvelle a été annoncée : “la Fédération Française de gymnastique a convoqué la présidente du pôle pour une réunion ce samedi 20 mai à Miramas pour lui annoncer la décision de fermeture du pôle de Marseille au 30 juin 2023. La présidente est sommée de démissionner dès lundi et l’ensemble des activités arrêtées au 30 juin. Gymnastes titulaires, gymnastes entrantes, et salariés sont mis à la porte.” Ce même communiqué qui révèle ensuite les raisons évoquées : “le procès du directeur technique“, “le reportage sur Stade 2 portant sur des faits qui ne concernent pas du tout le Pôle actuellement” et “une situation financière instable“. Contactée lundi, la Fédération française de gymnastique n’était pas en mesure de nous confirmer cette information publiée sur les réseaux sociaux par le pôle marseillais mais a toutefois rappelé que dans leur communiqué en date du 18 mai était indiqué que “la Fédération étudie actuellement le cadre d’exercice du pôle de Marseille, employeur direct de Vincent Pateau, afin de décider de sa gouvernance et de sa pérennité” et que “des décisions seront prises rapidement.”
Un plan d’actions et “un engagement de la Fédération”
Invitée par le trésorier de la Fédération à assister à une réunion le samedi 20 mai à Miramas, en marge des championnats de France individuels Nationale A et B, suite aux difficultés financières de la structure, Dany Scotto, la présidente du pôle, ne s’attendait pas à une telle issue. “Elle pensait assister à une réunion qui permettrait de parler de l’organisation de l’après car ils s’étaient engagés il y a plusieurs mois à maintenir la structure qui avait certes des difficultés financières, notamment suite à l’interdiction qui nous avait été faite d’organiser l’Elite Gym Massilia, l’une de nos sources de revenus la plus importante, mais qui était viable“, nous éclaire-t-on. “Au final, elle a été sommée de fermer le pôle.” Une issue inattendue car d’après le pôle marseillais, malgré les difficultés financières auxquelles il devait faire face, un plan d’actions avait été mis en place ces derniers mois avec la Fédération afin de maintenir la structure jusqu’en 2024. “La Fédération s’était engagée à laisser la structure ouverte en nous demandant toutefois de mettre en place certaines choses. Nous avions tout accepté.” Démission de Dany Scotto à la prochaine assemblée générale, licenciement de Vincent Pateau, perte du label Pôle France avec une structure qui devenait alors un pôle espoir, réduction de la masse salariale, mise en place d’un nouveau projet et d’une nouvelle dynamique, “tous les critères demandés ont été respectés et contrairement à leur engagement, ils somment la présidente de fermer le pôle. Il n’y a aucune raison qu’on en arrive là. La structure est belle avec des aménagements extraordinaires et on a besoin d’une structure comme Marseille dans le sud de la France” , regrette Vincent Pateau.
D’autant que leur combat est également collectif et, surtout, vise plus loin. Car la fermeture du pôle de Marseille ne cacherait qu’une partie de l’iceberg avec le sud de la France qui serait alors privée d’une structure de haut-niveau. “Il faut sauver la filière d’accès au haut-niveau dans le sud de la France car si Marseille ferme, ça veut dire que les filles vont aller au mieux à Saint-Etienne, ce qui sera le plus près pour elles. Saint-Etienne qui a déjà 23 gyms la saison prochaine. Et puis c’est tout un système qui va s’effondrer et c’est vraiment malheureux. Pour les gyms, les clubs partenaires, les clubs du sud de la France, les familles. On est à un an des Jeux Olympiques, ça devrait être la fête du sport mais on ferme les structures et on met les enfants dehors, sans se soucier de leur avenir car aujourd’hui, on ne leur propose aucune autre solution” , déplore Emile Roy qui préparait déjà la rentrée prochaine avec les cinq gymnastes restantes et les cinq nouvelles entrantes. “J’ai même fait les inscriptions au collège car pour nous les entrées avaient été confirmées. Rien ne laissait présager une fermeture si soudaine.”
L’espoir d’un nouveau projet sportif pour un nouveau départ
En effet, les cinq gymnastes qui devaient faire leur rentrée au pôle l’été prochain avaient été inscrites sur la plateforme du haut-niveau gérée par la Fédération nous livre-t-on du côté du pôle marseillais : “Il y a le gym eval mais la vraie intégration se fait lorsque les gyms sont listées sur la plateforme et c’était le cas pour les cinq gyms, c’est pour cela que c’est encore plus incompréhensible car il y a encore quelques semaines, ils n’étaient pas dans une dynamique de vouloir fermer le pôle.” Et de préciser : “On était prêt à attaquer un nouveau projet sportif, on était même contents de partir sur quelque chose de nouveau mais là on n’a tout simplement pas vu les choses arrivées.” Quant aux gymnastes maintenues sur la structure marseillaise suite au Gym Eval, elles avancent dans le brouillard. À contre-courant. Sans savoir où elles vont pouvoir s’entraîner la saison prochaine. Une atmosphère lourde à quelques jours des championnats par équipes en DN de Lyon et des championnats de France élite de Saint-Brieuc. “Je ne sais même pas où je serai dans quelques mois” , soupire la jeune Keylia Doquoy, arrivée sur le pôle de Marseille au début de la saison. “On s’entraîne dur tous les jours, on se sent bien dans notre structure mais on nous met dehors. On ne mérite pas ça.” Et une maman de compléter : “Pour nous, en tant que parent, c’est une situation très difficile à vivre. On voit nos enfants souffrir, subir toute cette situation et on est impuissant face à tout ça. On se doit de se battre pour nos filles, pour qu’elles puissent préparer la fin de l’année dans de bonnes conditions, on doit se battre pour le pôle, pour les entraîneurs afin qu’ils conservent leur poste et qu’ils ne se retrouvent pas licenciés du jour au lendemain, on ne peut pas rester silencieux et assister sans rien dire à cette injustice.”
“Nous avons le sentiment d’être abandonnées, isolées et sans soutien de notre fédération (ni courrier, ni appel téléphonique, ni rencontre…) et lorsque que l’on s’exprime en soutien à notre entraineur publiquement, on nous impose de nous taire ou on nous reproche d’être sous emprise” , écrivent conjointement Sheyen Petit, Taïs Boura, Lena Khenoun et Keylia Doquoy dans un courrier adressé au Ministère des sports. Car même si les trois premières rejoindront l’INSEP dès l’été prochain, elles n’en demeurent pas moins “tristes” de voir leur structure qui les a vues grandir, progresser, évoluer, être obligée de fermer. “Moralement, c’est très difficile d’y faire face et à défaut de ce que beaucoup de gens peuvent penser, ce n’est pas à cause de Vincent Pateau que nous en sommes là aujourd’hui, bien au contraire, mais plutôt à cause d’une démarche infondée qui met en péril tout un pôle !“
Le pôle de Marseille, une institution dans le paysage gymnique français
Si le pôle était amené à fermer, c’est une véritable institution de la gymnastique française qui s’éteindrait comme beaucoup le regrette déjà sur les réseaux sociaux, tentant d’apporter leur soutien à leur manière. Des débats se lancent également avec parfois des comparatifs qui ne devraient toutefois pas exister et des paroles de victimes remises en doute de manière assez virulentes sur ces mêmes réseaux s’éloignant alors du contexte. “Les gymnastes qui ont témoigné n’y sont pour rien dans la fermeture du pôle, elles ont fait part de leur mal-être, un procès a eu lieu, un jugement a été rendu, une condamnation a été prononcée alors pourquoi certains sur les réseaux se permettent-il de remettre en cause leur parole ? Ce n’est pas du tout le propos et c’est surtout extrêmement déplacé. Pour elles, les dernières années ont été suffisamment difficiles alors laissons-les tranquilles et respectons leur parole, leur mal-être. Respectons-les tout court” , insiste l’une de nos sources évoluant dans l’univers proche de la sphère fédérale et qui souhaite conserver l’anonymat. “Il faudrait arrêter avec les parallèles qui n’ont pas lieu d’être. Ce genre d’amalgames causent du tort à tout le monde et ça nuit considérablement à l’image de la gym. En ce moment, on ne parle de gym que dans le négatif mais la gym c’est aussi plein de belles histoires, pourquoi ne pas en faire les gros titres.”
Pour l’heure et afin d’éviter d’arriver à cette fermeture planifiée au 30 juin, gymnastes, entraîneurs, salariés et familles du pôle de Marseille mais également les clubs de la zone sud avancent main dans la main, avec leurs armes et avec l’espoir qu’un jour plus heureux puisse chasser les jours passés. “On va se battre” , confie d’ailleurs Emilie Roy, la voix chargée en émotion, avant de conclure : “Je dis souvent aux gyms que tant qu’on n’est pas tombé de la poutre et qu’on a toujours un pied dessus il faut y croire et bien là c’est pareil, tant qu’on n’est pas dehors et qu’on est dedans, il faut continuer d’y croire…“
Emiie
De tout coeur avec vous !
Les décisions prises peuvent elles être contestées ?
Une action en recours est elle possible ?
Si c’est possible merci de me donner qq infos
Marcel AGU
Planète Gym