Ancienne gymnaste reconvertie dans le trampoline depuis l’âge de 13 ans, Laura Paris (31 ans) fait partie de ces athlètes au parcours atypique et inspirant. Alors qu’elle avait mis un terme à sa carrière de sportive de haut-niveau en 2017, elle vient d’être sacrée vice-championne du monde par équipes de trampoline il y a quelques jours à Birmingham, seulement huit petits mois après avoir repris l’entraînement. Un exemple de courage et de combativité.

Médaillée d’argent par équipe aux championnats du monde de trampoline le 11 novembre dernier, Laura Paris n’avait repris l’entrainement qu’en février dernier. Photo DR

Spot Gym : Laura, on vient de te retrouver sur les toiles aux championnats du monde alors qu’on t’avait quittée “retraitée”, quelle belle surprise !
Laura Paris : Et oui, me revoilà (Rires). J’avais arrêté une première fois en 2012 avant de reprendre en 2015 pour Rio avant d’arrêter à nouveau en 2017, et là j’ai repris précisément le 24 février 2023.

Qu’est-ce qui t’a poussée à reprendre ?
À la base, ça part des petites que j’entraîne. Elles ont été repêchées pour les DN, une équipe c’est quatre et elles n’étaient que trois. Pour leur faire plaisir et faire plaisir au club également parce qu’on savait que si je sautais on pouvait aller chercher une médaille, je me suis dit ‘allez, je vais remettre le justaucorps, ce sera fun pour elles !’ Donc tout est parti de là. Je me suis à peine entraînée deux semaines avant la compétition et j’ai été plutôt étonnée de ce que j’étais encore capable de faire. Le vélo commençait à se remettre en route jusqu’au moment où je me suis dit qu’il fallait prendre une décision : est-ce que j’y retourne ou pas ? J’ai d’abord validé que tout soit possible, que ce soit entraîneur, matériel, le médical, vraiment tout et en fait toutes les planètes s’alignaient au fur et à mesure. À chaque fois que je regardais si un point était ok, il passait au vert, et ainsi de suite, du coup quand toutes les planètes s’alignent comme ça, je me suis dit feu ! Je n’avais rien à perdre et j’y suis allée étape par étape, jusqu’à cette superbe médaille mondiale avec les filles. Rien que d’en parler, j’en ai encore les frissons.

Tu as repris l’entraînement en février, quel a été le processus de sélection pour les Mondiaux ?
Quand j’ai repris, j’avais forcément cet objectif lointain de faire les Mondes mais avant ça, il fallait d’abord que j’arrive à reprendre mon niveau pour me sélectionner pour les championnats de France. C’est seulement après, en fonction des championnats de France, que je pouvais alors obtenir l’autorisation de participer aux sélectives pour les championnats du monde. Mais rien n’était gagné, je devais d’abord valider plusieurs étapes avant d’en arriver là. Donc je me suis déjà qualifiée pour les championnats de France après avoir participé aux régionales et aux demi-finales. Ensuite ce que je présente aux championnats de France n’est pas dinguissime, je gère assez mal ma compète mais c’est suffisant pour être invitée à faire les sélections pour les championnats du monde si je le souhaite. Donc le processus continuait, je me suis entraînée tout l’été jusqu’à la première sélective en septembre, où la compétition se déroule sur deux jours. Le premier jour, il faut faire deux libres et le deuxième jour un seul libre. Sur le premier jour, j’ai eu un problème de figure, ça me suivait depuis l’été, donc j’ai fait un tout petit score sur mon premier libre, ce qui fait que je me mets en galère. Sur le deuxième libre, je fais un refus sur la figure pour laquelle j’ai eu des problèmes cet été donc je m’arrête afin de finir mon libre. Sur le deuxième jour par contre, je sors à 53,300 points, ce qui est plutôt très cool car ça me permet de valider ce deuxième jour et d’être toujours en course pour les Mondes, car sur les deux week-end de sélection, il fallait valider au moins deux passages sur quatre le premier jour et un passage sur deux le deuxième jour donc j’ai validé l’étape du 2ème jour dès le premier week-end de sélection. Ensuite, sur le deuxième week-end de sélection, je fais un sans-faute le premier jour ce qui me permet de me qualifier pour les championnats du monde puisque sur les deux week-ends, j’ai validé une étape à chaque fois.

Tu viens donc de participer aux championnats du monde, quel bilan fais-tu de ta compétition ? Comment l’as-tu vécue ? 
À chaud, je sais que je n’aurais pas un bilan très objectif parce que je suis assez déçue de mon individuel. En fait c’est hyper bizarre car j’ai deux sentiments totalement opposés pour mon individuel : la déception d’un côté car je me suis arrêtée au stade des qualifications en indiv mais la satisfaction de l’autre d’avoir fait mes deux fois 20 touches pour l’équipe. J’étais la première à passer, il fallait faire 6 libres sur les 8 présentés pour entrer en finale donc ça permettait de mettre le reste de l’équipe dans de bonnes conditions, en se disant ‘Ok s’il y a une chute c’est pas grave’. Donc sur ce point-là, c’est hyper positif, par contre je suis déçue de mon score, je passe à 0,270 points de la demi-finale en individuel, alors que je sais que je peux passer la barre des 53 points. Mais sinon, si on prend un peu plus de hauteur et qu’on regarde l’ensemble de la compétition, l’individuel, la team et le synchro, j’ai conscience que pour un retour, c’est quand même assez fou tout ce qu’il s’est passé et que je peux être fière de moi. En synchro, on termine 4ème des qualifs ce qui permet à la France de se qualifier pour les Jeux Mondiaux, en équipe on est vice-championne du monde, c’est incroyable ce qu’on a fait. Le travail qu’on a produit, c’est dingue. Mais voilà, le tout fait quand même que j’ai deux sentiments : la déception et le Waouh quoi, on est vice-championne du monde !

Comment tu sentais mentalement sur la compétition sachant que c’était un retour à l’international sur une grande compétition d’envergure après de longues années d’arrêt ?
J’ai essayé de ne surtout pas penser à ça justement, de faire comme si j’étais à la maison, comme si c’était quelque chose de normal afin de ne pas me procurer plus de stress que ce qu’il y en avait déjà. Sur les qualifs, j’étais quand même pas mal stressée mais j’ai réussi à gérer cette pression là. La seule chose que je n’ai pas réussi à faire sur mon 2eme libre et que j’aurais vraiment voulu réussir à faire, c’était de lâcher les chevaux. J’avais présenté un premier libre un peu timide où je subissais un peu la toile et quand je suis descendue de ce libre là, je me dit ‘OK Laura c’est bon tu l’as fait, c’est bon maintenant lâche les chevaux sur le 2eme’. Mais je n’ai pas réussi à le faire, de part l’envergure de la compète, et du stress qu’il y avait. Sinon sur la team j’étais vraiment bien, j’étais hyper concentrée et je pense que c’était la première fois de ma vie que j’étais vraiment dans cet état là (Rires). J’étais stressée mais méga concentrée. D’ailleurs pour la petite anecdote, à un moment il y a Julie, l’une des coach, qui était en train de ramasser une bouteille d’eau qui était dans son sac à mes pieds, elle m’a parlée mais je ne l’ai même pas entendue ! J’étais tellement focus, tellement concentrée, j’avais à la fois l’envie de bien faire pour l’équipe et ce petit truc de me dire t’as pas réussi comme tu voulais ton indiv donc là défonce tout, que j’étais à fond dans ma bulle. Tout ça a fait que j’étais hyper bien.

Léa Labrousse, Cléa Brousse, Laura Paris et Anaïs Brèche médaillées d’argent en équipe. Photo DR

À quoi ressemble ton organisation quotidienne désormais ? 
Je bosse à temps plein et j’ai plusieurs jobs. J’entraîne dans un club de trampoline où je suis licenciée aussi en tant qu’athlète au Trampoline Club des Monts d’Or et en parallèle pendant les vacances scolaires, je fais des animations de trampoline pour les centres aérés. Sinon, à la base je suis coach en développement personnel avec un peu de prépa mental sauf que dans ma réflexion, quand je me suis demandée si je reprenais le trampoline ou pas, ce double projet aurait été difficilement viable si je restais dans la même dynamique, dans le sens où être coach de développement personnel demande beaucoup d’énergie. Entre-temps, j’ai rencontré une personne qui cherchait quelqu’un pour faire des états des lieux d’appartement et j’ai foncé. Ça me permettait d’avoir une rémunération en faisant un job qui me demandait moins d’énergie que dans le développement personnel et qui me permettait donc de poursuivre mon projet de reprise en trampoline.

Où et à quelle fréquence t’entraînes-tu ? 
Le plafond étant trop bas dans mon club ce qui fait que je touche le plafond, je ne pouvais pas m’y entraîner. Je m’entraîne donc à Cournon d’Auvergne, à 1h45 de Lyon, le mardi soir et le mercredi toute la journée avec Lilian Lavergne. Ensuite je retourne sur Lyon le mercredi soir et jusqu’aux championnats du monde, j’ai pu aussi m’entraîner à côté de Lyon, au club de Sathonay Trampoline avec Franck Pallanche. J’ai également fait quelques allers-retours sur Antibes. Quand il y avait les sélections par exemple, j’y allais une bonne semaine avant à chaque fois, en août j’y étais aussi et je vais partir avec eux en stage également. C’est un peu du mic-mac mais ça m’a quand même bien réussi.

Quels sont tes objectifs désormais ? 
Très honnêtement, là tout de suite maintenant, je ne pourrai pas répondre. À la base, dans ma tête, j’allais jusqu’aux Mondiaux, je ne me projetais pas forcément plus loin, comme depuis le début en fait. Dans cette reprise, j’ai vraiment avancé étape par étape. C’était d’abord je reprends, j’essaie de retrouver mon niveau, ensuite une fois que cette étape est validée, j’essaie de me sélectionner pour les championnats de France, ensuite j’essaie de faire une belle perf aux Frances puis de me sélectionner pour les championnats du monde. J’y suis vraiment allée Step by Step. Mais là, la prochaine étape est de prendre un peu de repos car j’en ai besoin et ensuite on verra. Il y a les coupes du monde qui arrivent début 2024, ensuite les championnats d’Europe, mais on verra. Je vais avancer pas à pas, comme j’ai toujours fait depuis 8 mois.

Un peu plus haut, tu parlais des pertes de figure qui t’avaient handicapée pendant l’été, comment t’en es-tu sortie ? 
Ça m’était déjà arrivé en 2017 avant que j’arrête, et là quand j’ai repris, j’ai donc eu un peu d’appréhension sur les figures sur lesquelles j’avais eu des blocages dans le passé mais j’ai tout de même réussi à les débloquer assez facilement, à bien reprendre. J’étais contente. Mais cet été, il y a eu un trop plein de tout, trop de travail, trop de fatigue, et donc à un moment je pense que le cerveau a débranché. Sauf que ça m’a vraiment duré tout l’été, jusqu’aux premières sélectives pour les Mondes. C’était une période très très compliquée. La semaine avant les sélectives, j’en étais arrivée à un stade où je me suis demandée si je n’allais pas faire forfait parce que c’était en train de toucher les autres figures, même celles de base. J’avais peur de tout faire.

Comment as-tu fait pour t’en sortir ?
J’ai pris l’une des meilleures décisions (Rires). J’ai coupé le boulot, j’ai tout arrêté quelques temps pour partir à Antibes. J’ai appelé l’entraineur national et je lui ai demandé si je pouvais venir m’entraîner là bas avant les tests car j’étais en train de perdre pied. Et le fait de changer d’environnement, de ne plus travailler, de ne plus avoir à penser au travail, de ne faire que du trampoline, d’être tranquille et l’esprit apaisé, a permis de débloquer les choses. Le premier jour à Antibes, j’ai refait des bases, des choses tranquilles, et dès le deuxième jour tout allait 100 fois mieux.

Ta charge mentale avait diminué ce qui t’a permis d’avoir l’esprit plus libéré et de te concentrer sur ton sport ?
Je pense que d’avoir fait le focus uniquement sur le trampoline en mettant toutes les chances de mon côté a été particulièrement bénéfique pour moi. C’était ce qu’il fallait faire. Et je l’ai abordée dans le sens où de toute façon ça pouvait pas être pire. Donc je me suis lâchée, je me suis détendue, je me disais de faire ce que je pouvais, sans pression, et de partir dans et état d’esprit là, de lâcher tous les impératifs de la vie quotidienne a été le combo gagnant.

Propos recueillis par Charlotte Laroche 


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