Gestion du stress, des émotions, confiance en soi, concentration, relation entraîneur entraîné, aujourd’hui, la performance sportive est de plus en plus associée à des facteurs psychologiques. Car oui, le sport c’est dans les jambes, mais c’est aussi dans la tête. C’est ainsi que depuis quelques années, la prise en compte de la préparation mentale dans la carrière sportive est devenue primordiale pour de nombreux athlètes et structures d’entraînements.
Anaïs Chateau est préparatrice mentale spécialisée dans le sport. Ancienne gymnaste rythmique d’excellent niveau à GRS Paris Centre, elle réalise d’abord une licence STAPS « entraînement sportif ». Intéressée par la préparation mentale, elle se lance ensuite dans un master en préparation mentale ciblé sur l’optimisation de la performance à Montpellier, nommé « PsyCoach ». « En tant que gymnaste, le mental a beaucoup pêché chez moi. J’avais du mal à gérer mon stress, mes émotions, le regard des autres notamment celui de mon entraîneur. Suite aux conseils de ma meilleure amie, je suis allée voir un préparateur mental. J’ai fait très peu de séances avec lui, mais ça m’a complètement changée », confie Anaïs continuant, « Ça m’a fait prendre du recul sur ma situation et je me suis rendue compte que la façon dont je percevais les choses n’étaient pas forcément la réalité et qu’il existait une autre manière de me comporter en compétition et à l’entraînement qui me permette de me sentir mieux et d’être plus performante ». Une expérience gagnante pour la gymnaste qui réalise alors le meilleur résultat de sa carrière finissant cinquième aux Championnats de France en Nationale A 18 ans et plus. Elle avoue que grâce à la préparation mentale, son but n’était plus de faire la compétition parfaite, mais simplement de montrer ce dont elle était capable sans être submergée par ses émotions et son stress. « C’est là que je me suis dit ‘mais c’est tellement important la préparation mentale’ et que j’ai voulu moi aussi aider d’autres sportifs », se souvient celle qui utilise aujourd’hui son expérience sportive dans sa pratique professionnelle. Elle explique au micro du podcast Le Cerveau musclé les enjeux de la préparation mentale et le rôle que tiennent les professionnels du métier.
Qu’est ce que la préparation mentale ?
« C’est un des piliers de la performance », déclare-t-elle. En effet, chaque sportif entraîne son physique, sa technique, sa tactique, mais pour performer au mieux, il semblerait qu’entraîner son mental est possible. D’ailleurs, on entend souvent que 50% de la performance est due au mental. « Développer son mental permet à la fois de se sentir mieux dans sa pratique et également d’être performant au moment T, lors d’une échéance sportive ou autre », définit-elle. Si nous parlerons ici que de sport, la préparation mentale peut se faire dans tous domaines aussi bien dans le milieu médical que dans les arts du spectacle et même en entreprise.
Jean Fournier, président de la société de psychologie du sport et président du club de gymnastique En Avant de Paris, définit la préparation mentale comme « un entraînement qui consiste à développer les habiletés mentales et cognitives dans l’objectif d’optimiser la performance personnelle (ou collective) du (des) sportif(s) tout en favorisant le plaisir de la pratique et l’autonomie¹ ».
Un effet de mode ou un réel enjeu ? La réponse aux sceptiques
Anaïs Chateau le sait, nombreuses sont les personnes à ne pas croire en les bienfaits de la préparation mentale. Pourtant, il suffirait simplement de regarder les grands champions français, qui ont durant toute leur carrière eu recours à la préparation mentale, pour ne plus douter. C’est le cas notamment de Teddy Riner, légende du judo, onze fois champion du monde et quintuple médaillé olympique. Suivi durant toute sa carrière par la même préparatrice mentale, il avoue dans une vidéo de Brut : « Si ma psy n’avait pas été là, j’aurais eu une autre carrière, j’aurais peut-être arrêté, car elle m’a appris ce qu’est le sport de haut niveau ».
Néanmoins, est-ce que tous les athlètes ont réellement besoin de la préparation mentale ? Pour Anaïs, oui : « Certaines personnes en auront plus besoin que d’autres. Quelqu’un avec plus de qualités physiques aura peut-être moins besoin de travailler son mental, mais le travailler permet d’évoluer, de progresser, d’être plus à l’aise et de viser des performances encore plus hautes ». Lily Ramonatxo, membre de l’équipe de France de GR, nous avait confié dans un entretien ne pas en ressentir le besoin de travailler ce point et de très bien performer sans. Il semble donc qu’on peut réussir sans préparation mentale, mais qu’elle sera toujours un plus.
Mais alors, est-ce que la préparation mentale s’adresse à tout le monde ?
À tout le monde oui, et même à tout âge. Anaïs nuance tout de même : « Je pense qu’il y a différentes manières de travailler en fonction de l’âge de la personne, notamment quand on travaille avec des sportifs très jeunes. Je dirais à partir de dix, douze ans, ça va dépendre de la maturité de l’enfant. Des sportifs jeunes n’ont pas toujours réfléchi à ce qui se passe dans leur tête donc on va insister sur ce qui importe dans la pratique et faire de l’initiation ». Elle ajoute : « Le travail est le même entre un sportif de loisir et un athlète de haut niveau, mais évidemment ce ne seront pas les mêmes problématiques, ni la même envergure, car pour un sportif de haut-niveau, sa pratique peut être son métier et cela engage toute sa vie, tandis qu’un sportif amateur, bien qu’il soit engagé dans ce qu’il fait, cela engage sa pratique physique, mais pas forcément sa vie entière ».
L’important finalement c’est d’avoir une personne réceptive et motivée, car parfois l’impulsion ne vient pas du sportif, mais de l’entraîneur ou des parents. Anaïs a déjà rencontré ce genre de situation et pour elle il est primordial que le sportif joue le jeu : « C’est important d’être ouvert à la préparation mentale, car si la personne n’a pas envie, elle va être réfractaire à tout le travail qu’on fera. À partir du moment où on est à l’aise et qu’on a envie de s’intéresser à ça, je pense qu’on peut tout à fait faire de la préparation mentale ». C’est donc une collaboration à deux et peut-être même un travail de groupe avec le staff entraîneur.
Et d’ailleurs, la préparation mentale ne se pratique pas qu’individuellement. Le sport collectif existant, les séances de groupe se font souvent aussi afin de travailler l’esprit d’équipe : « On ne travaille pas les mêmes choses. Quand on suit un sportif individuellement, on a accès à des choses plus personnelles et profondes tandis qu’en ensemble on est plus sur la théorie, la cohésion, la communication. C’est presque un travail d’animateur », décrit Anaïs.
À quoi ressemble donc une séance de préparation mentale ?
Bien que certaines demandes, comme la gestion de stress, reviennent régulièrement, chaque sportif possède ses problématiques propres à traiter. Les séances seront donc très variables. C’est pourquoi les préparateurs mentaux agissent par phase, comme nous l’indique Anaïs Chateau : « Quand on commence un suivi, il y a une sorte de diagnostic à faire en premier lieu. La personne explique ce qui se passe pour elle à la fois à l’entraînement et dans sa tête, mais aussi ce qui a fait qu’aujourd’hui elle se dirige vers la préparation mentale. Ça nous permet de comprendre les tenants et aboutissants de son expérience au sport ».
Il est nécessaire de réaliser un certain nombre de séances pour voir un effet, « comme le physique, le mental se travaille sur le long terme », insiste Anaïs. Mais le but, au terme du suivi est que le sportif devienne complètement autonome. Ainsi, il aura des exercices à faire chez lui ou bien à l’entraînement afin de trouver ce qui lui fait du bien et qui le met en confiance, jusqu’à baisser le rythme des séances. Pour autant, tout cela est assez modulable, car à l’approche de l’échéance, si le besoin se manifeste chez l’athlète, le nombre de séances peut à l’inverse augmenter.
Il y a donc une très grande adaptation du préparateur mental au sportif qu’il a en face de lui : « On ne peut pas faire du copier-coller, car toutes les personnes sont différentes. Bien que les problématiques soient proches, leurs natures ne sont pas forcément les mêmes. En fonction de son caractère et son expérience, le sportif ne réagira pas de la même façon à ce que je vais lui proposer », distingue Anaïs. Pour autant, tout préparateur mental que vous croiserez vous dira : « on est préparateur mental, pas psychologue ». La distinction est importante, car bien que les études pour devenir préparateur mental proposent des cours de psychologie, ce sont deux formations distinctes et certains athlètes auront peut-être besoin d’un suivi psychologique voire psychiatrique, ce qu’un préparateur mental ne s’aura offrir. Ainsi, le préparateur mental doit savoir reconnaitre une personne en détresse psychologique afin de la rediriger vers des spécialistes.
Le métier de préparateur mental
En un mot, l’objectif du préparateur mental est d’accompagner une personne afin de lui redonner goût à sa pratique et lui permettre d’être performant. Pour arriver à cela, les méthodes sont très diversifiées, car il existe autant de techniques que de préparateurs mentaux, c’est un métier qui s’apprend au contact des sportifs. « Un sportif peut travailler avec un préparateur mental et se rendre compte que celui-ci ne lui convient pas du tout. C’est comme quand on rencontre des personnes, on a des atomes crochus avec certains alors qu’avec d’autres ça ne passe pas, on ne sait même pas expliquer pourquoi. Il n’y a donc pas de mal à ne pas s’entendre avec un préparateur mental. Il y a plein de préparateurs mentaux, et le but, c’est de trouver celui avec qui on va se sentir à l’aise », conseille Anaïs qui nous donne les qualités d’un bon préparateur mental selon elle.
Le bon préparateur mental doit avoir la théorie certes, mais aussi le savoir-être. Il saura communiquer et être à l’écoute. Bienveillant, il ne doit pas être dans le jugement : « on n’est jamais au courant de tout ce qu’une personne a pu vivre et on ne peut pas juger son comportement juste parce qu’on a discuté avec elle pendant une séance. Il y a des valeurs qu’il faut absolument respecter si on veut que ça se passe bien. C’est en partie inné, mais ça s’apprend ».
La préparation mentale reste un métier à part entière. Dans certaines structures, on peut voir des entraîneurs qualifiés aussi en préparation mentale exercer auprès de leurs athlètes. Pourtant, Anaïs qui est aussi entraîneur met en garde sur ce point : « Pour moi, c’est très compliqué d’être à la fois entraîneur et préparateur mental d’un groupe, puisque forcément l’entraîneur joue un rôle particulier dans la vie du sportif. Il y a une relation spéciale un peu du type dominant-dominé ». L’ancienne gymnaste poursuit : « S’il y a une bonne entente, cela peut fonctionner, mais pour moi il n’y a rien de mieux qu’un préparateur mental externe, puisqu’il aura plus de recul sur la situation et il n’y aura pas de risque que son avis soit biaisé. Et du côté du sportif, il ne pourra pas se livrer aussi facilement, d’autant plus qu’il y a aussi le fait de vouloir rendre fier son entraîneur. C’est pour cela qu’en tant qu’entraîneur, j’aurais du mal à être préparateur mental de ce même groupe ».
Anaïs Chateau livre les raisons pour lesquelles elle fait ce métier : « Personnellement, j’ai vraiment envie d’aider et je suis profondément convaincue que cela peut changer la vie sportive et même la vie de quelqu’un. Quand on me remercie, que la personne que j’ai suivie a vécu sa compétition différemment, je me dis que je n’ai pas fait ce métier pour rien, mais je réponds toujours que le travail, ce n’est pas moi qui l’ai fait, c’est le sportif ».
La préparation mentale en gymnastique rythmique
Plus qu’au sport, il est important de s’adapter à la personne d’abord. Anaïs Chateau bien que venant de la gymnastique rythmique, ne se restreint pas à cette discipline, ayant déjà travaillé avec des tennismen et même un joueur de poker. En revanche, la GR a ses particularités et être connaisseuse du milieu permet à la préparatrice mentale d’aller plus loin dans le suivi des gymnastes : « c’est un sport dans lequel on travaille des jours et des jours, pendant des heures et des mois, pour passer sur un praticable devant des juges pendant une minute trente. C’est énormément de préparation pour très peu de temps. Il s’agit donc de tout donner au moment T et on n’a qu’une chance ». Cette particularité est ce qui constitue la plus grande source de stress aux gymnastes. C’est ainsi qu’elle conclut : « C’est important d’insister sur le fait que, oui il faut performer, mais pour performer, ce n’est pas le résultat qu’il faut viser, mais le cheminement pour arriver au résultat ».
Retrouvez le podcast dans lequel Anaïs Chateau présente la préparation mentale et retrace son parcours sur Le Cerveau musclé.
¹ Jean Fournier, « Préparation mentale : 5 idées reçues », lequipe.fr, 25 mars 2015
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