Le journal de bord d’une GR de la DN1 de Paris Centre aux Championnats de France à Mulhouse

@Laureline Barras

Membre de l’équipe DN1 du club de Paris Centre en GR, Elisa Cohen, également journaliste pour Spot Gym, revient sur ses championnats de France qui se sont déroulés à Mulhouse du 26 au 28 mai. Une immersion intimiste qui permet de découvrir la manière dont elle a vécu et appréhendé la compétition, qui a eu cette année son lot d’imprévus et d’incertitudes. 

Vendredi 2 juin 2023

“Nous sommes rentrées de ces Championnats de France, le dix-neuvième de ma carrière, dimanche soir. Un retour mêlant différentes émotions, beaucoup de fatigue, un peu de tristesse et de nostalgie, mais aussi des rires, car sans eux, il aurait été difficile de passer à autre chose. Il est temps pour moi de revenir sur ce week-end, qui chaque année devient le plus important de tous, de retracer dans les grandes lignes notre préparation, chez nous, à Paris, jusqu’à notre prestation sur le praticable de Mulhouse.

Mais d’abord, qui désigne ce “nous” qui rythmera ce journal ? Il représente Aleksandra, Maëlenn, Maëlys, Maya, Roxane et moi, les gymnastes composant l’ensemble Nationale 1 de GRS Paris Centre. Cette DN1 pour laquelle je passe des centaines d’heures à m’entraîner, depuis que nous y avons gagné notre place en 2015 et que je n’ai plus jamais quittée. Elle a été bien évidemment recomposée depuis et cette année s’est créée une réelle alchimie au sein de l’équipe, quelque chose qui ne s’était pas produit depuis très longtemps.

C’est pour cela que nous croyions si fort à cet ensemble, mais aussi à cet enchaînement dont la composition et la difficulté ont été si souvent saluées cette saison. Avant de raconter cette dure journée de samedi, il me faut poser le cadre en évoquant notre début de saison et la semaine qui a précédé la compétition.

L’histoire commence mi-février lorsque Anne-Valérie Barel, mon entraîneur depuis de nombreuses années, décide de reprendre du service, elle qui avait pris sa retraite en juin dernier, en montant la composition de la DN1 qui n’était jusqu’alors qu’une ébauche. Changement de musique, d’enchaînement, de stratégie ; nous étions de nouveau prise en charge comme par le passé, pour mon plus grand plaisir.

La difficulté des engins imposés cette année à savoir ballons et rubans, mais aussi notre retard dans la saison, car beaucoup d’équipes ont commencé bien plus tôt que nous, ont fait que nous avons sauté toutes les compétitions précédant la région. Très peu prêtes, nous avons présenté cet enchaînement encore très frais début avril. C’est ensuite que nous avons commencé à travailler de façon acharnée, parcourant les différentes villes à la recherche de gymnases possédant un plafond assez haut pour lancer, ce que nous ne possédons pas à Paris Centre. Au final, nous serons passées par une dizaine de gymnases différents en un mois. Sans l’accueil des différents clubs, nous n’aurions jamais pu travailler convenablement.

Bien sûr, nous avons toutes des obligations parallèlement (scolaires ou professionnelles) qui s’ajoutaient à notre objectif sportif. De mon côté, il fallait assumer mon travail de journaliste et jongler entre les entraînements avec les interviews, les articles et les reportages. Et puis, comme je ne suis pas capable de faire qu’une chose à la fois, il faut toujours que je m’ajoute d’autres projets supplémentaires.

Lors des deux dernières semaines, nous nous sommes entraînées sept jours sur sept, ce qui nous a permis d’enfin croire à cet enchaînement et d’espérer une belle performance à Mulhouse. Une vraie dynamique s’était créée malgré la fatigue et la pression. Nous avions qu’une hâte, être le jour J.

La semaine des France cependant, il y a eu une baisse de régularité et de confiance, et ce dès le lundi. Nous avons vécu un entraînement étrange. Pleurs, craquage, discussions et remotivation. Bien que rude, cette soirée dans notre gymnase placé au sous sol d’un centre commercial au centre de Paris, a été assez bénéfique pour ressouder l’équipe après des passages de chaos total.

À quoi cela était-il dû, je ne sais pas. Était-ce l’absence de notre entraîneur, qui ne nous avait pas quittées une seule journée depuis le début de la saison, qui a joué, ou bien la journée de repos de mercredi qui a cassé le rythme, ou encore simplement l’arrivée de l’échéance ? Bien que le retour d’Anne Valérie jeudi et vendredi m’ait personnellement rassurée, quelque chose n’allait plus et ces deux entraînements ont été réellement mauvais. Une démonstration jeudi dans un club voisin désastreuse et un dernier entraînement le lendemain pas concluant.

Le vendredi soir, dès la fin de l’entraînement, nous sommes parties avec la DN3 et l’ensemble Nat 17 et moins en direction du Grand Est, rejoindre les deux gymnastes avenirs qui avaient déjà fini leur compétition. Si le trajet a plutôt bien commencé, (nous nous étions offert de petits cadeaux surprises aux couleurs de notre ensemble), la fin du trajet s’est assombrie pour l’une d’entre nous. Une forte douleur au pied, dont on ignorait la cause, progressait à mesure de l’avancée du voyage. À ce moment encore, je me disais qu’une nuit de repos suffirait à faire dégonfler son pied et que tout irait mieux ensuite. Comme il est coutume avec les chemins de fer français, nous sommes arrivées à Mulhouse avec plus d’une heure de retard, soit à minuit, les taxis ne nous ayant pas attendues. Une arrivée donc très tardive à l’hôtel, sans tarder à s’endormir.

Le lendemain matin, jour tant attendu, nous avons été réveillées par notre entraîneur, nous alertant de l’état du pied de notre amie. Après un déplacement peu fructueux à la pharmacie et sous les recommandations d’un médecin à distance, elle a pris la direction des urgences. Nous sommes restées à l’hôtel pour nous préparer en attendant des nouvelles. Les minutes passaient, la tension montait. Il fallait prendre une décision. Notre coach a choisi celle de la sécurité aussi bien sur le plan de la santé que de la performance. C’est donc notre remplaçante, qui heureusement travaillait depuis le début de l’année sur ce rôle, qui devrait assumer le Championnat de France, après n’avoir pas touché l’engin pendant près de trois semaines. Aujourd’hui encore, je ne sais sincèrement pas quel aurait été le meilleur choix. Déception immense pour l’une, pression importante pour l’autre, nous étions toutes dans un état d’inconfort. Mais je savais qu’il fallait impérativement ne pas flancher, car nous rentions à l’échauffement dans moins de trois heures et que si les piliers de l’équipe craquaient, tout se serait écroulé avec. Nous nous sommes préparées dans une ambiance étrange, les gorges nouées. Il fallait avant tout mettre en confiance notre remplaçante. Nous avons donc entrepris un entraînement express dans le réfectoire de l’hôtel, poussant tables et chaises afin de répéter en musique.

Au moment de partir vers le gymnase de compétition, j’étais si désorientée, moi qui pourtant ne ressent jamais de réelle pression, qui me sens chez moi dans n’importe quel gymnase, qui aime la compétition et la représentation pour ce moment unique sur le praticable qui procure une émotion incomparable. Lors de l’échauffement, je cherchais simplement à rester concentrée sur la technique pour assurer au maximum. Je n’avais pas le droit à l’erreur, pour l’équipe, pour nous toutes. Le mental a tendance à suivre habituellement, il me suffit d’être dans une atmosphère de confiance et de joie. Disons qu’on était dans le total inverse et cela s’est ressenti. Très fermées et silencieuses nous avons réalisé une préparation correcte mais avec des éléments qui ne passaient pas de façon régulière et fluide. Les habitudes changent lorsque l’on change de partenaire.

Sur la zone de concentration, nous étions toutes à faire les mouvements qui nous convenaient le mieux, avant de nous regrouper comme habituellement. J’ose espérer que les filles étaient dans un meilleur état d’esprit que moi, car jamais je n’ai été aussi mal à l’aise avant de passer. Une prestation sans faute aurait été un miracle, non seulement parce qu’à l’entraînement, jamais nous n’avions fait un passage parfait, mais surtout en tenant compte des événements du jour. Il est déjà heureux que nous ayons réalisé convenablement les deux tiers de l’exercice, mais ne pas avoir pu profiter, autant que d’habitude de ces deux minutes trente, est peut-être mon plus gros regret.

À la suite de notre passage, nous étions certes déçues de la prestation, mais nous n’arrivions pas à réaliser que c’était bel et bien terminé. Plus d’entraînement tous les jours, plus de trajet à six pour se rendre au gymnase et surtout on n’entendrait plus vingt fois par jour notre incroyable musique Spider Man qu’on avait mis du temps à apprivoiser.

Nous sommes remontées dans les gradins encourager nos individuelles à commencer par Alina Harnasko. Venue de loin et n’étant pas n’importe qui, elle ajoutait une petite pression supplémentaire à l’équipe. J’ai omis de raconter cette anecdote la concernant. Possédant la nationalité biélorusse, Harnasko fait souvent débat lors de ses déplacements. Il semblerait qu’une fois encore elle ait fait l’objet de discussions. Devait-on permettre de la faire passer étant donnée la situation géo-politique actuelle ? Si la réponse avait était négative, cela aurait été dramatique pour nous. Finalement, elle a été acceptée et a produit un spectacle magistral. J’ai rarement été aussi impressionnée par une performance gymnique. Elle réunit tout, une technicité à l’engin impressionnante, des qualités corporelles rares et une présence sur le praticable saisissante. Je n’ai pas été la seule à être stupéfaite d’une pareille perfection, la salle entière a retenu son souffle durant son passage. Une ovation telle qu’il n’y en a que très rarement aux Championnats de France s’en est suivie. Alina a été réellement touchée par cette compétition qu’elle gardera en mémoire longtemps. Ayant perdu l’habitude d’être aussi bien accueillie, elle a versé quelques larmes à la sortie. Notre deuxième individuelle, revenant tout juste d’une blessure, a dû passer juste après la performance de son idole dans une salle euphorique. Moi qui craignait qu’elle perde ses moyens, cela l’a au contraire bien portée.

Dans l’ensemble, il y a eu beaucoup de grosses erreurs en DN1. La place était réellement à prendre, d’autant plus que l’équipe Championne de France en titre était forfait. Je suis ravie de voir à la première marche nos amies strasbourgeoises avec qui nous avons partagé un petit bout de saison cette année, leur place est amplement méritée, dommage qu’on n’ait pas su tenir notre promesse d’un doublé Strasbourg/Paris Centre.

Il est presque fou de se sentir déçue par une quatrième place en DN1, car depuis notre podium en 2016, nous n’avions pas reproduit un aussi bon résultat et beaucoup enviraient certainement une telle place. Mais nous avions fondé tant d’espoirs sur cette année, nous avions fourni tant d’efforts, nous ne vivions dernièrement que pour ces France, avec sur les dernières semaines des entraînements tous les jours, faisant parfois trois heures de route pour espérer s’entraîner dans des conditions appropriées à notre sport, que l’issue de la saison est très amère. Difficile aussi d’encaisser cela, car nous n’avons pas su montrer l’enchaînement tel qu’il était, tel qu’il aurait dû être, afin d’apporter une belle surprise à Anne-Valérie et une récompense aux filles, qui pour certaines n’ont jamais eu la chance d’avoir une médaille sur un Championnat de France.
Bien sûr, vu les circonstances que je viens d’évoquer, tout cela aurait pu être dix fois pire, mais il restera toujours en nous un regret amer, alors qu’il y a encore une semaine toutes les conditions étaient réunies pour performer au mieux.

Retenons aussi les très belles performances du club : Un titre (NAT 17), une troisième place (DN3) et deux quatrièmes places (Nat 13 et DN1).”

Elisa Cohen

Podium DN1 PC
@Laureline Barras
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