Alors que les 35èmes Championnats d’Europe féminin se terminent avec une moisson de médailles pour l’équipe de France, revenons 40 ans en arrière… La station balnéaire italienne accueillait alors les 4ème Championnats d’Europe, exclusivement juniors.
En 1984, seuls les juniors, filles et garçons s’étaient rendus, ensemble, à Rimini. Quarante ans plus tard, les garçons et les filles se sont succédé, juniors et seniors cette fois. Et la gymnastique de demain s’est révélée dans les rangs français avec un nombre record de médailles : 6 chez les garçons, dont 2 titres (concours général et fixe pour Anthony Mansard), et 8 pour les filles dont 4 titres (équipe, concours général et barres asymétriques pour Elena Colas, poutre pour Maïana Prat).
Si aujourd’hui ce sont les nations de l’Ouest qui dominent presque sans partage, Italie, France, Grande Bretagne, il y a 40 ans nous étions dans l’âge d’or de la gymnastique de l’Est : l’URSS régnait quasiment exclusivement, à peine bousculée par la Roumanie chez les jeunes filles avec une certaine Daniela Silivas.
La vice-championne olympique de Séoul (1988) a d’ailleurs été une invitée d’honneur de la compétition, et a pu fouler les marches du podium 40 ans après son titre à la poutre et ses 2 médailles d’argent (barres et sol). Elle a assisté au retour au premier plan de ses compatriotes durant la finale par équipe. Elle y a d’ailleurs retrouvé une coéquipière en la personne de Camélia Voinea, entraîneur et mère de Sabrina Voinea, et médaillée d’argent par équipe aux JO 88.
Un autre gymnaste de Rimini 1984 était présent à Rimini 2024… Le slovène, à l’époque yougoslave Enes Hodzic classé 40ème du concours général, qui a officié en tant que juge. Une épopée toujours émouvante, un retour dans le passé qui ne laisse pas de marbre.
Florence Laborderie, première finaliste française de l’histoire
En 1984, soviétiques, filles comme garçons, remplissent les podiums. « Nous avons entendu 11 fois l’hymne soviétique », témoigne un des jeunes supporters français qui avait fait le déplacement, dans les colonnes du magazine « Le Gymnaste » en juin de la même année. 11 fois, sur 14 possibilités ! Une hégémonie d’un autre temps, car aujourd’hui 84% des médailles féminines sont partagées entre la France et l’Italie.
En 1984, le concours général permettait 3 gymnastes d’un même pays sur un même podium : et l’URSS ne s’était privée ni en GAM ni en GAF. Mais même si la France était à l’époque repartie sans médaille, une première grande étape dans la progression internationale allait se jouer sur cette édition.
L’équipe de France féminine était composée de trois gymnastes issues des trois plus grands clubs français : Florence Laborderie (Saint-Etienne), Valérie Le Gall (Créteil), Corinne Ragazzacci (Marseille) – et Sandrine Livet (Créteil) remplaçante, suivies par Yvette Brasier et Marcel Hermitte.
L’équipe masculine se composait de Christian Chevalier, Patrick Mattioni et Marc Meyer, issus des structures de Montceau-les-Mines, et Epinay sous Sénart, accompagnés par Jean-Louis Bourbon et Daniel Peteuil. Patrick Douilly est le gymnaste remplaçant.
Si les trois masculins se sont immiscés dans les finales par agrès, chez les jeunes filles, seule Florence Laborderie y parvient. Mais cette place en finale, au sol, est historique car elle est la première à l’atteindre, au milieu du « bloc de l’est ». Elles ne sont d’ailleurs que deux gymnastes de l’Ouest à intégrer les finales : Patricia Luconi l’italienne, au saut, et la française, c’est dire l’exploit. Elle s’y classe 7ème avec la 5ème note du concours.
Corinne Ragazzacci, porte-parole du Président de la Fédération Italienne
C’est un discours sur le thème de l’olympisme et de l’universalisme que Bruno Grandi, le Président de la Fédération italienne a voulu transmettre. Pour cela, il a choisi la triple championne de France en titre (elle obtiendra un quatrième titre en 1984, NDLR) Corinne Ragazzacci pour s’adresser aux gymnastes, entraîneurs et autres officiels. Dans ce discours, le président et la gymnaste mettent en avant le sport comme instrument de paix et de fraternité.
Les valeurs de l’olympisme que la marseillaise accompagnée de Florence Laborderie toucheront du doigt quelques mois plus tard en participant aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Il était possible lors de sa première année senior de prendre encore part aux Championnats d’Europe junior (ce fut le cas jusqu’en 1996 de doubler les deux, à l’image d’Elvire Téza, vice-championne d’Europe junior et olympienne à Atlanta).
De leur côté, Christian Chevalier et Patrick Mattioni prendront part aux Jeux Olympiques de Séoul en terminant 10ème en équipe.
Des figures de l’Union Européenne de Gymnastique dans la délégation
Autour des gymnastes, la délégation se compose d’un aréopage de personnalités qui ont marqué l’Histoire de l’Union Européenne créée officiellement quelques années auparavant (devenue European Gymnastics) et de la Fédération française de Gymnastique.
Jeanne Beaume, membre fondateur de l’association européenne en 1982, et alors présidente du comité technique féminin 1982/1987) est la chef de cette délégation française, André Laurent, alors membre du Comité Technique masculin mais aussi Georges Guelzec, juge (futur président de l’UEG) et Yvette Brasier (future présidente technique).
La délégation était complétée par deux figures de la gymnastique rythmique européenne, Dominique Muller (membre du CT UEG de 1982 à 2020) et mondiale, Jeanine Rinaldi (membre du CT FIG, et précurseure dans le développement de la GRS mondiale).
Autant dire, la place de la France dans le paysage politique européen était déjà bien ancrée. Aujourd’hui encore, on peut voir d’éminents membres gravitant autour des podiums lors des remises de récompenses, signe d’un engagement dans l’institution européenne : Michel Boutard comme vice-président ou encore Fabienne Beaume-Ringler, Jean-François Blanquino, membre de leur Comité Technique. Des présences importantes et nécessaires dans le rayonnement international de la France. Au même titre que les résultats sportifs, les élus et l’organisation d’évènements d’ampleur sur le territoire permettent d’asseoir une position forte d’un pays, dans l’écosystème de la gymnastique internationale et du sport en France.
Une organisation balbutiante
Si on en croit le rapport technique et les témoignages des spectateurs français à Rimini, en 1984, le niveau technique proposé par les gymnastes était exceptionnel. Quelques noms sont d’ailleurs restés dans les tablettes au fil du temps : les roumaines Dobre et Silivas, leur homologue Marius Toba, les soviétiques Vladimir Gogoladze chez les hommes et Natalia Frolova chez les femmes, les italiens Paolo Bucci Giulia Volpi et Patricia Luconi, et le britannique Neil Thomas.
À côté de ces performances gymniques, le spectacle d’ouverture est spectaculaire. C’est la mise à l’honneur de la gym spectacle, grand groupe comme on le connait aujourd’hui notamment lors de la Gymnaestrada, à ce groupe était associée une actrice italienne.
Dans le public, les spectateurs sont surpris par la facilité d’accès au plateau depuis les gradins. Un accès si facile qu’il était parfois difficile de distinguer les gymnastes, les entraîneurs et des fans partis prendre des photos du plateau. Parfois cette proximité interrogeait même sur l’importance de la compétition à laquelle ils assistaient.
Cependant organiser un tel événement dans une station balnéaire est un atout pour les acteurs présents, tant le public qui peut profiter de la plage à proximité, que les sportifs qui ont un environnement de récupération très agréable et naturel. Le dernier jour, le traditionnel banquet s’est d’ailleurs tenu sur la plage, un avant-goût de l’été… peut être avant 2064 !