En 1974, l’Etat français met en place le statut des sections sport-études en France. Après les échecs olympiques de 1960 et 1964, des aménagements sont entrepris par le Général De Gaulle (modification du statut de l’INS*, mise en place des Directeurs Techniques Nationaux, aménagements scolaires dans chaque département). La Fédération Française de Gymnastique, sous l’impulsion d’Arthur Magakian, créé une section encore plus unique qui mêle gymnastique de haut-niveau, danse et études.
C’est à l’occasion d’une rencontre internationale opposant la France à l’URSS, à Orléans (1971) où elle réside, que Claude Bessy, alors directrice de l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris, interpelle Arthur Magakian, Directeur Technique National. Elle l’interroge sur le : « Pourquoi faire pratiquer de la danse classique à vos gymnastes lorsqu’elles sont déjà formées, alors qu’il faudrait, au contraire, les préparer, très jeunes, aux techniques de la danse et, ensuite, les conduire vers les agrès et l’acrobatie ? » Elle ira même plus loin dans sa réflexion « Les françaises ont les mêmes qualités physiques que les soviétiques, mais elles subissent un handicap chorégraphique considérable » (“Les gymnastes à l’Opéra” Raymond Pointu – Le Monde).
Le franc-parler de la maître de ballet a fait mouche et le technicien se penche sur l’évolution simultanée de la pratique gymnique en termes acrobatique et chorégraphique. Cette rencontre s’opère alors même que l’Etat français met en place un statut spécifique pour les aménagements des conditions pédagogiques. Ce statut sera effectif en 1974 sous le nom des « Sport-Etudes » (devenus sections sportives en 1996, NDLR).
Le rendez-vous entre la danseuse et le gymnaste a pour conséquence de lancer une collaboration profitant de cette instauration. En juin 1975, avec l’apport administratif et financier du secrétariat d’Etat de la Jeunesse et des sports, du secrétariat des affaires culturelles et du ministère de l’Education Nationale, est créée pour trois années expérimentales la section expérimentale « gym danse études ».
Une mise en place faite de compromis
Si l’idée première de Claude Bessy était d’ouvrir cette section aux très jeunes enfants, la FFG a préféré la proposer aux gymnastes « espoirs » et « nationales ». Un appel à candidature est lancé auprès des gymnastes de France, avec la contrainte de l’hébergement. Rapidement les gymnastes de Choisy-le-Roi sont identifiées parmi lesquelles deux espoirs pour les Jeux Olympiques de 1980 à Moscou : Erminia Bolotti et Michèle Paillard. Finalement, le récent échec du lycée sportif à Font Romeu et la peur de la nouveauté limitent le recrutement à quatre gymnastes du club choysien. Catherine Chabrillange et Evelyne Sabourin rejoignent ce projet pourtant innovant.
Le projet est ainsi confié à Mireille et Bernard Cayre, entraîneurs reconnus pour leur travail précis, élégant et artistique. Mireille, après une brillante carrière de gymnaste et deux participations aux Jeux Olympiques de Mexico en 1968 et Münich en 1972, avait choisi de raccrocher les justaucorps. Elle continua de dévouer sa vie à la gymnastique, toujours aux côtés de Bernard, lui-même ancien gymnaste (vice-champion d France en 1971 et membre de l’équipe de France aux championnats du monde en 1966, NDLR), l’un toujours avec l’autre, côte à côte, unis dans la vie, comme dans la ferveur de la gymnastique.
Ensemble, ce projet les a propulsés dans le monde de l’Opéra, comme ils ont porté ce projet, avec l’amour, l’organisation et la passion qui les caractérisent, pour construire une réussite sportive et humaine. Tous deux indissociables, ils ont la charge de l’entièreté du projet : la gestion administrative, l’encadrement technique, l’accompagnement du quotidien pour les gymnastes et la pérennité de l’expérience trisannuelle.
Merci de nous faire découvrir un pan de l’Histoire du sport. Quelle belle initiative. Elles ont dû garder de beaux souvenirs de ce passage de leur carrière et de leur vie !
Bonjour Emilie, pas tant que cela, voir ci-dessous……
Droit de réponse :
Suite à ce billet, lu avec grand intérêt, je trouve regrettable, alors que la première année de cette expérience, nous étions quatre, et que Mr Cayre pouvait joindre au moins 3 anciennes gymnastes, que nous n’ayons pas été prévenues de cet article que je découvre tout à fait par hasard.
Aucune décence, tact, de la part de la journaliste, et/ou de Mr Cayre, ce qui ne m’étonne guère en fait, envers celles qui ont été des « cobayes ». Il est donc fort regrettable que l’on ne demande qu’à une personne son ressenti et son vécu suite à ce dispositif « Gym-Danse-Etudes » .
J’ai longuement réfléchi quant à écrire. Mais je me suis trop tue dans ma jeunesse. Des choses seraient à replacer dans leur contexte, mais je n’en ferai rien car le passé est le passé et le restera. Je suis plutôt du genre à regarder vers le futur mais il est en mon devoir de rétablir certaines vérités ou d’exprimer ma gratitude envers des personnes oubliées.
En premier lieu, remercier pour ma part mes parents qui m’ont laissée libre choix. On ne parle pas du choc de la séparation, de leur implication lors de ces années et encore plus lors de la deuxième, lorsqu’ils ont dû accueillir le week-end une des jeunes provinciales suite à une demande de nos entraîneurs car elle ne pouvait pas rentrer chaque semaine chez elle, alors qu’ils auraient préféré avoir leur fille seule avec eux.
Que d’heures perdues à chercher le soir une cabine téléphonique pour échanger avec leur enfant, que d’heures et de frais sur les routes à venir aux entraînements à l’Insep juste pour passer quelques minutes avec moi ou lors de compétitions ou de représentations.
Avec mon accord certes, mais à 15 ans a t’on conscience de ce que l’on nous demande, car en fait, du moins pour ma part, on a décidé de ma vie. Pour ma part, on voulait que je me dirige par la suite vers une formation de juge et d’entraîneur. En vieillissant j’ai enfin ouvert les yeux et j’ai sciemment raté les examens.
L’opéra fut certes une expérience, mais pas sur le plan humain et surtout psychologique. Il faut ensuite se reconstruire. Merci donc à mes parents, à Claude Bessy grâce à qui j’ai pu accéder dans l’antre de l’opéra de Paris, monument qui est, et restera toujours cher à mon cœur.
Remerciements également à mon professeur de Français Mme Gobot (désolée si j’orthographie mal son nom), qui m’a donnée l’amour des mots. Le temps passant et en analysant cette période, je me dis que si c’était à refaire je ne dirai NON car tout n’était pas rose. Je me tairai sur certaines choses, non pas malsaines, mais m’aperçois juste que, près de 45 ans après, rien ne change. Le passé est figé et le restera. Faites du sport si vous en avez envie mais ne laissez jamais quelqu’un décider de votre jeunesse, de votre avenir, sous prétexte que vous avez quelques dons et que l’on vous fait miroiter médailles, réussite etc…
Voilà plus de 40 ans que je n’ai pas remis les pieds dans un gymnase et durant plusieurs années je n’ai plus regardé la gymnastique à la télévision. Par contre, il me faut être honnête, j’adore la danse et me rends régulièrement à des représentations. Le temps faisant une grande colère enfouie en moi est partie. Je ne suis ni aigrie, ni jalouse, juste incertaine d’avoir fait les bons choix durant cette période et furieuse envers moi de ne pas avoir affirmé ma personnalité par peur.
Tout n’est pas à jeter, loin de là, et je ne fais pas un réquisitoire sur ces années passées, mais à lire cet article, ou certains commentaires ici, ou sur les réseaux sociaux, tout était fantastique, idéal, alors que nous étions loin d’être dans le monde des Bisounours et des Étoiles.
Parfois des entraîneurs ont plus de rêves de gloire et de réussite que leurs disciples…