Coup de massue pour la GR élite française ; le pôle d’Orléans qui a fermé ses portes en début de saison ne rouvrira pas. Cette décision poignante pose bon nombre d’interrogations. On se questionne en premier lieu, sur les raisons d’une fermeture aussi brutale, mais aussi et surtout sur les accès au haut niveau pour les gymnastes de la région.
Lylou Viassone, gymnaste en catégorie avenir la saison dernière, devait faire son entrée cette année au pôle du Centre-Val de Loire ; un rêve qui se brise pour la jeune fille licenciée au club de la Gymnastique Rythmique Fertoise et Maissoise (GRFM).
Le 10 février dernier, les meilleures gymnastes françaises ont été convoquées à l’INSEP pour le premier test de la saison en présence des juges internationaux français afin d’évaluer les nouvelles compositions et de classer les cinq meilleures individuelles seniors et les quatre premières juniors.
> Résultats du test sur le site de la fédération
Maëna Millon, classée quatrième du test, était accompagnée de Jeanne Dot, entraîneur du club d’Orléans. Un indice révélateur des changements au sein de la GR orléanaise. Mais comment se sont déroulés les événements avant cela ?
Une annonce brutale
Début septembre, à quelques jours de la rentrée scolaire, les gymnastes en stage à Orléans sont informées d’une nouvelle inattendue : le pôle ferme et ne pourra garder les jeunes filles cette saison. « On a toutes pleuré », nous confie Lylou en larmes, alors qu’elle venait de vivre ses premiers jours en tant que gymnaste élite.
La raison de cela ? Le départ de l’entraîneur et coordinatrice du pôle d’Orléans, Isabelle André, missionnée à la fédération pour reprendre les rênes de la formation « DEJEPS », anciennement dirigée par Eva Serrano. Si cette annonce a soulagé les acteurs impliqués dans la formation d’entraîneur qui désespéraient à l’idée de ne pas avoir de formateur pour cette année, le départ d’Isabelle André représente une véritable perte pour le pôle. En plus de devoir se passer d’un entraîneur de qualité à la tête de la structure depuis de longues années, le pôle ne parvient pas à recruter un nouveau candidat pour le poste, laissant une place vacante tout l’été. Un entraîneur se propose, l’espoir renait, mais celui-ci se désiste finalement fin juillet. Au stage de reprise, la décision tant redoutée tombe, le pôle ferme.
C’est une vraie catastrophe pour les gymnastes pensionnaires du pôle d’Orléans qui doivent alors trouver une solution d’urgence pour la saison sportive. Mais comment trouver une structure de haut niveau pour accueillir les jeunes sportives, alors que les pôles sont déjà tous pleins (un pôle étant limité à dix gymnastes inscrites) ?
Qu’advient-il des gymnastes du pôle d’Orléans ?
En avril dernier, Lylou Viassone, gymnaste de la Fertoise Maissoise (91) apprenait qu’elle était reçue au pôle d’Orléans. Une victoire pour la gymnaste avenir qui avait manqué les tests de sélection et avait été refusée au pôle Ile-de-France : « Isabelle et Snejana [entraîneurs du pôle, ndlr] ont bien voulu voir Lylou. Elle a présenté son cerceau et son mains-libres. Elles ont beaucoup aimé le côté artistique qu’elle avait et ont dit tout de suite ‘on adore, on la prend’ », raconte Sarah, la maman de Lylou et entraîneur aux côtés de Stéphanie Giral.
Quelques jours après que Lylou ait participé au stage au pôle de mi-juillet, Sarah reçoit un appel d’Isabelle André : « Elle était désolée, car l’entraîneur qui devait reprendre le pôle ne venait plus, mais elle restait optimiste disant qu’il y aurait encore des candidatures qui se présenteraient », rapporte la maman. De toutes les vacances, les Viassone ne reçoivent aucune nouvelle, pensant « pas de nouvelle, bonne nouvelle ».
Le stage de reprise de saison commence le lundi 28 août, Lylou est en famille d’accueil, tout se passe pour le mieux, mais le lendemain Isabelle appelle de nouveau Sarah : « Je décroche parce que je ne sais pas trop ce qu’il se passe, est-ce que Lylou s’est blessée ? Nous étions en stage nous aussi à la GRFM et c’est là qu’elle me dit ‘Sarah, j’ai une mauvaise nouvelle, il va falloir que tu récupères Lylou vendredi, le pôle ferme. Ils n’ont trouvé personne’ ». Pour l’Essonnienne, c’est la douche froide. Ne pensant qu’au haut niveau, elle vit cela comme une défaite. Ce qui a davantage angoissé les parents est la scolarité de Lylou : « Elle était scolarisée là-bas, il a fallu rapatrier tous les papiers ici et trouver une école à cinq jours de la rentrée. Ce n’était pas simple », explique Sarah.
Depuis, Lylou est retournée dans son club d’origine. Heureusement, elle est vivement aidée par Isabelle André qui oeuvre au maximum pour que la jeune gymnaste puisse rester en élite : « Elle a été adorable avec Lylou, insistant sur le fait qu’elle a des qualités et qu’il faut lui laisser sa chance sur cette première année Espoir. Nous lui en sommes très reconnaissants. Malheureusement, il a été impossible d’intégrer un autre pôle pour cette saison. Le club de la GRFM a obtenu cette année le label club formateur qui permet à Lylou de rester dans le circuit élite, comme si elle était en pôle », déclare Sarah ajoutant « en revanche, pour le club c’est une charge de travail importante. Nous n’avons pas l’habitude d’engager des gymnastes sur des tournois à l’étranger. Nous n’avons quasiment pas eu d’accompagnement et nous n’avons pas de juge 5 rattaché à notre club, ce qui nous pénalise financièrement et sportivement ».
Du côté des autres gymnastes du pôle, Maëna Millon, gymnaste sénior a obtenu une dérogation comme Lylou et s’entraîne avec la classe aménagée du club d’Orléans pendant un an. Dounia Kheiyati Lesserre a réussi à intégrer le pôle de Strasbourg, tandis que certaines ont dû retourner dans leur club en catégorie National A.
Si Lylou, comme les autres gymnastes du pôle d’Orléans, a été déçue par la fermeture du pôle, elle espère pouvoir entrer dans un autre pôle à la rentrée prochaine, n’oubliant pas son objectif d’atteindre le haut niveau et pourquoi pas un jour, d’intégrer l’ensemble France.
Une mise en sommeil plutôt qu’une fermeture ?
Gare à celui qui évoquait il y a encore quelques mois, la fermeture du pôle. On préférait parler de « mise en sommeil ». Les acteurs du pôle d’Orléans y tenaient. Seulement depuis, la situation ne semble pas évoluer positivement pour espérer voir la réouverture de la structure. Bien que rien n’ait encore été officiellement annoncé, l’ère orléanaise parait bel et bien finie.
Le pôle, qui existait depuis 1996, faisait partie des cinq seules structures de haut niveau consacrées à la gymnastique rythmique en France. Des gymnastes renommées y ont été formées et un grand nombre de compositions originales et thématiques y ont été créées. Aïnhoa Dot-Espinosa, membre actuelle de l’ensemble France a été formée à Orléans. Ce fut aussi le cas de Chloé Sivadier, ex-membre de l’ensemble.
Ce qui inquiète désormais est qu’il ne reste à ce jour plus que quatre structures de formation pour le haut niveau : Calais, Strasbourg, Montpellier et l’Ile-de-France (l’INSEP étant un établissement que nous classons volontairement à part). Plus aucune ne rayonne à l’ouest du pays et les gymnastes de cette région qui souhaiteraient entrer en élite ont besoin de faire un sacrifice supplémentaire en s’installant parfois à l’autre bout du pays.
Tout cela limite une nouvelle fois les possibilités de former un vivier d’excellence pour tenter de rivaliser avec la rude concurrence mondiale.