
[DOSSIER DU MOIS DE JUIN – VOLET 1/5] La saison touche à sa fin pour beaucoup de gymnastes qui vont pouvoir s’octroyer un peu de vacances avant la reprise de l’entraînement. Pour certaines d’entre-elles, beaucoup plus jeunes, elles s’apprêtent, à tout juste 11 ans, à prendre un nouveau départ en entrant dans le cercle très restreint des Pôles France. Comment les parents se préparent-ils à cette nouvelle vie ? Comment les jeunes gymnastes qui, pour la plupart entreront au collège à la rentrée prochaine, appréhendent-elles ce grand changement ? Eléments de réponse avec quelques familles qui ont accepté de se confier et d’évoquer leur état d’esprit, leurs doutes, leur appréhension, à quelques semaines de la reprise de la saison. Un dossier du mois qui s’étalera sur cinq volets et qui permettra de plonger au coeur du système.
C’était l’un de leur premier rêve : rejoindre un Pôle. Un rêve devenu réalité en ce jour du 17 mai où la Fédération a publié les résultats du Gym Eval, l’équivalent des entrées et sorties au sein des différentes Pôles France. Des entrées en Pôle qui entraînent de gros changements au sein des familles. Eloignement familial, entrée en famille d’accueil, dépenses liées à la gym qui augmentent, autant de choses qu’il faut prendre en compte. La première grande étape à passer pour beaucoup de parents reste le départ de la maison de leur jeune enfant. Tout juste sortie de l’école primaire, certaines gymnastes vont devoir partir vivre à des centaines de kilomètres pour pouvoir pratiquer la gymnastique en haut-niveau. “En tant que maman, j’ai un peu peur que Cypriane ne gère pas l’éloignement, qu’on ne soit pas là en cas de petits ou gros bobos. Elle va nous manquer, à nous et ses frères et soeurs mais on se doit de la soutenir dans son projet qui sera une magnifique aventure pour elle. C’est ce qu’elle veut et nous essayons au mieux de lui permettre de réaliser ce rêve“, confie Adeline Pilloy, la maman de Cypriane (11 ans), future pensionnaire du Pôle de Meaux.
Une question de l’éloignement qui revient très régulièrement dans les discours de tout parent car pour lui, il n’est jamais simple de voir sa fille de 10-11 ans quitter le cocon familial. Jamais simple de se dire qu’en cas de bobos, de coups de blues, on ne sera pas là pour l’épauler. Face à ces questions, chaque parent garde alors en tête que tous ces sacrifices sont faits dans un seul but : permettre à son enfant de vivre son rêve, de sa passion.
Afin de limiter la distance géographique, certaines familles prennent parfois la décision de déménager afin de vivre au plus près du Pôle intégrée par les jeunes GAF. A l’image, il y a quelques années, de la famille Lechenault qui avait quitté la région parisienne pour s’installer dans le Sud de la France lorsqu’Oréane avait été sélectionnée pour intégrer le Pôle de Toulon. “A l’époque, nous envisagions de toute manière de quitter l’Ile de France pour venir s’installer dans le sud. L’entrée en Pôle d’Oréane a accéléré les choses“, explique Deborah, la maman d’Oréane avant d’ajouter : “Maintenant, Oréane est à l’INSEP et nous sommes restés vivre dans le sud mais l’éloignement est plus facile à gérer. On s’est habitués car elle est partie de chez nous depuis un moment. Les parents finiront par s’habituer. Lorsqu’Oréane était à Toulon, elle était en famille d’accueil la semaine et rentrait à la maison tous les week-end. Maintenant, elle revient une fois par mois. Mais elle a 17 ans maintenant et l’entrée à l’INSEP était une suite logique dans sa carrière. Cela va aussi avec sa prise d’autonomie car nos enfants apprennent à devenir autonomes beaucoup plus tôt que d’autres enfants. Il faut en avoir conscience.”
Le déménagement pour se rapprocher du Pôle a également été l’option choisie par la famille de Kloé Gausselan-Cresson, future pensionnaire du Pôle Espoir de Dijon. “Nous avons fait le choix de suivre Kloé dans son aventure et déménageons à Dijon“, confie Xavier son papier. “Nos choix ont toujours été pour le bien de notre famille, et le projet de haut niveau de Kloé est en quelque sorte un projet familial.”
Augmentation des finances liée à la pratique de la gymnastique
Si l’éloignement familial et la prise d’autonomie précoce sont deux grands changements engendrés par une entrée en Pôle, cette dernière entraîne également une augmentation des finances liée à la pratique de la gymnastique. Une année au Pôle coûterait 12 000 euros à chaque famille. Un budget à prendre en compte et qui entraînent certains sacrifices et auquel les familles se préparent. “L’intégration en Pôle d’Ambre va irrémédiablement changer notre vie. Au-delà de la difficulté à la laisser partir s’ajoute la difficulté financière, livre Franck et Aurore Doskocz, les parents de la jeune Ambre, future pensionnaire du Pôle de Marseille dès la fin du mois de juillet. Nous allons rogner sur les dépenses et nous serrer la ceinture, faire des heures supplémentaires et remettre à plus tard toute dépense inutile. Après, cela reste compliqué car Ambre a aussi 4 frères et nous ne pouvons pas tout sacrifier juste pour elle.”
Face au coût entraîné par une saison en Pôle, certaines familles décident de se lancer dans un financement participatif. Une démarche pas forcément aisée et qui peut entraîner quelques craintes. A l’image des parents d’Anakéa qui a été sélectionnée pour rejoindre le Pôle de Saint-Etienne. “Le lancement de la cagnotte leetchi a été une étape difficile pour nous. En tant que parents, admettre que nous avons besoin d’inconnus pour réaliser le rêve de notre fille n’est pas chose facile. C’est notre entourage qui nous a convaincu de la faire. Malheureusement, malgré toutes nos démarches pour faire connaitre le projet d’Anakéa et diffuser le lien (radio locale, article dans le Sud-Ouest, notre mairie, Facebook, et tracts) la cagnotte n’avance plus. Nous comprenons qu’il y ait plus urgent comme faire un don pour un enfant malade par exemple, alors malgré tout nous gardons espoir, et croyons encore à la solidarité“, explique monsieur et madame Granier.
Faites confiance, c’est le plus important !
Si les entrées en Pôle sont un grand saut vers l’inconnu, une première étape est également à passer quelques années avant et entraîne parfois certains sacrifices, à l’image de certaines entrées en sport-études, synonymes de premier éloignement familial. Originaire du Vaudreuil, en Normandie, Laurène Beausire (13 ans) a rejoint le club de l’Elan Gymnique Rouennais à la rentrée scolaire 2015, lors de son entrée en Sixième, afin de s’entraîner en sports études. Si Laurène n’est pas encore en Pôle, l’entrée en sports-études a néanmoins déjà nécessité quelques changements dans la vie quotidienne. “Quand un entraîneur lui a proposé de participer à un stage pour ensuite rejoindre le sports-études, Laurène a d’abord hésité. Elle avait les compétences physiques mais elle avait un peur de quitter papa-maman, confie Malvine, sa maman. On nous a proposé d’aller voir la salle, le collège et la famille d’accueil et à partir de ce moment-là, Laurène s’est décidée rapidement. En un week-end, elle avait décidé qu’elle voulait s’entraîner en sports-études, à Rouen. De notre côté, en tant que parents, ce n’était pas facile non plus de la laisser partir, de la confier à une famille d’accueil qu’on ne connaît pas mais c’était la décision de Laurène et on l’a respectée.”
En sport-étude, Laurène s’entraîne déjà à raison de 25 heures par semaine et est épanouie. Elle aime ce qu’elle fait et avance sans se poser de questions, sans de donner d’objectif particulier. “C’est plutôt moi qui me pose des questions”, sourit sa maman avant de compléter : “Mais je suis heureuse de voir ma fille heureuse. C’est tout ce qui m’importe. Même si pendant ses compétitions, je suis en apnée !!! Et si un jour elle veut arrêter, elle arrêtera. C’est elle qui décide si elle a envie de continuer ou pas. On ne lui met pas la pression. Pour l’instant, tout se passe bien, les entraînements se passent très bien et en deux ans, elle a déjà eu une grosse phase de progression. Nous sommes impressionnés son père et moi.”
Si le départ peut se révéler difficile pour les parents et même pour les gyms, la passion pour la gymnastique prend rapidement le dessus. Sur une page Facebook destinée aux parents de gymnastes, une mère de famille a souhaité apporter son témoignage après que sa fille ait passé sa première année en Pôle, à Saint-Etienne. Si la maman évoque une réorganisation familiale, des heures de voitures, de bouchons, des “grignotages de quelques moments de bonheur”, elle évoque à l’inverse l’épanouissement de sa fille. “Ma fille s’est épanouie, a gagné en assurance, en autonomie et en dépendance. Elle réalise son rêve, en a conscience et est heureuse (…) Le plus difficile au début pour une maman, c’est l’éloignement, savoir être présente mais pas trop, savoir déceler au bout du fil quand ça va ou pas, laisser le temps du retour à la maison pour la réadaptation (quand c’est déjà l’heure de repartir…). Le sourire de ma fille est là et je lui ai toujours dit d’aller au bout de ses rêves“, écrit-elle avant de conclure : “Faites confiance, c’est le plus important !“.
Des constats souvent partagés par de nombreux parents qui, face au bonheur et à l’épanouissement de leur enfant, oublie les sacrifices et l’éloignement familial car une entrée en Pôle est synonyme d’entrée dans le circuit très fermé du haut-niveau. Synonyme pour certaines GAF de sélections en équipe de France et de compétitions internationales. Des rêves que beaucoup de petites filles ont lorsqu’elle débute la gymnastique. Pour certaines, si tout cela restera dans le domaine du rêve, en revanche pour d’autres, le rêve finit par devenir réalité…
Charlotte Laroche pour Gym and News
Un grand merci aux familles pour leurs précieux témoignages. Retrouvez quatre interview ces prochains jours qui vont permettront de plonger au coeur des familles.
Super article !
En revanche, il manque un peu de recul et donne un côté très bisounours de la situation. A lire, on a l’impression que tout est beau et que tous les parents sont satisfaits et qu’il n’y a jamais d’expérience négative. L’aspect financier est rapidement mis de côté… Mais je vois qu’il y a une suite sur le dossier donc je vais lire ça de ce pas car ça reste super intéressant à lire tout de même !