Elle est entrée dans l’histoire de la gym française en août 2004, à Athènes. A tout juste 16 ans, Emilie Le Pennec devenait championne olympique aux barres asymétriques. Une première en France encore jamais égalée. Douze ans plus tard, celle qui est depuis kinésithérapeute sur Paris s’envole ce mardi pour Rio en tant que consultante gym pour Canal +. Une fonction déjà occupée à Pékin, en 2008, quatre ans après son sacre.
Son nom est gravé dans l’histoire. Emilie Le Pennec, la seule et unique gymnaste française championne olympique, est connue de tous. Même par ceux qui ne s’intéressent que de très loin -voire pas du tout- à la gym. Tout le monde sait assimiler Emilie Le Pennec à sa médaille d’or aux barres asymétriques à Athènes, en 2004. Et plus de dix ans après son sacre, elle reste toujours dans les esprits. C’est un fait. Cet été, elle s’apprête à participer une nouvelle fois à des Jeux Olympiques, mais autrement. Elle a en effet été une nouvelle fois choisie pour être consultante gym sur Canal+. Partie ce mardi pour Rio, elle est aussi excitée que stressée à l’idée de prendre le micro pour commenter ce sport qui a tant marqué sa vie. “Je suis de nature stressée à la base donc tout me stresse (Rires). Surtout que commenter ce n’est pas mon métier mais j’ai hâte d’y être aussi. Je l’avais déjà fait pour les Jeux de Pékin en 2008 mais j’étais aux côtés de Jean-Charles Sabattier. Tout s’était super bien passé. Là je change de partenaire, je serai associée à Nicolas Souchon, je le connais un peu, il va falloir qu’on prenne nos marques tous les deux mais je ne me fais pas de souci, ça va le faire”, sourit-elle.
Retraitée du haut-niveau depuis septembre 2007 à la suite d’une blessure, Emilie Le Pennec est aujourd’hui pleinement épanouie dans sa nouvelle vie. “Lorsque j’ai annoncé mon arrêt du haut-niveau, la décision avait été assez simple en définitive pour moi. J’étais blessée et puis je venais d’être acceptée dans une école de kiné. C’était mon deuxième rêve. J’ai pu passer mon diplôme normalement, avoir une vie étudiante normale et j’ai vraiment apprécié !“, lance-t-elle pleine de spontanéité.
Kiné dans un cabinet du 15ème arrondissement de Paris aux côtés de son père et d’un troisième associé, elle n’est néanmoins jamais loin des plateaux de compétition. Kiné auprès des juniors lors des championnats d’Europe de Berne, elle a vécu la compétition au plus près des gym. “Cela faisait quelques temps qu’on me proposait d’être kiné pour les équipes de France mais je n’avais jamais sauté le pas. Cette année, Sophie Darrigade, directrice sportive GAF, m’a sollicitée, on se connaît bien et je me suis dit que c’était le bon moment pour accepter. Et je ne regrette pas. C’était cool. C’était vraiment sympa d’être avec les filles, le rapport qu’on a en tant que kiné est génial. Elles étaient un peu timides au début mais après elles se sont vite décoincées avec moi (Rires)”, livre-t-elle avant d’ajouter : “Et puis c’était très particulier pour moi de rentrer sur un plateau, en file indienne, comme lorsque j’étais gym. Et j’ai partagé le stress des filles car c’est stressant en fait de les regarder pendant leur passage. Ce sont de nouvelles sensations pour moi mais c’était vraiment une bonne expérience.”
Mais si cette première expérience était plaisante et enrichissante, la médaillée olympique aux barres asymétriques n’a pas pour autant l’intention de devenir LA kiné attitrée de l’équipe de France junior sur les différentes compétitions internationales. La raison ? Elle serait obligée de fermer son cabinet trop souvent. “J’ai une clientèle très fidèle et je ne peux pas me permettre de fermer régulièrement mon cabinet. Même lorsque je mets un remplaçant, les gens ne viennent pas et attendent mon retour, confie-t-elle. Mais pour des missions ponctuelles, pourquoi pas, je pourrai de nouveau accepter. Je me suis attachée à cette équipe junior.”
Cet été, l’ancienne sociétaire du club de Créteil va quitter son habit de kiné pour revêtir sa casquette de consultante lors de cette compétition qui a marqué, changé sa vie. “Les sensations que j’ai pu ressentir au moment de mon sacre restent gravées à vie. Lorsque j’en parle, encore aujourd’hui, je ressens les mêmes frissons”, explique-t-elle. Et de préciser : “On est fière à ce moment-là mais on ne comprend pas trop ce qu’il est en train de se passer. Gagner une médaille olympique, c’est le grâal de tout sportif mais à 16 ans, on n’a pas vu grand chose, on n’a pas beaucoup de recul alors ce moment était vraiment particulier. Aujourd’hui, je regarde ma victoire avec un oeil amusé. J’étais si naïve à l’époque (Rires).”
Douze ans après comment analyse-t-elle sa victoire ? Dans quel état d’esprit se trouvait-elle au moment de sa finale ? Elle se souvient de toutes les sensations ressenties comme si c’était hier. “J’étais déterminée, dans ma bulle. Avant, lors des championnats d’Europe ou du Monde, on me disait toujours que j’avais les capacités pour gagner des médailles. Au final, ça ne m’a pas réussi. J’étais un peu la championne de l’entraînement mais le jour J, ça ne passait pas. Alors sur cette finale olympique, je m’étais juste fixée comme objectif de réussir mon mouvement. Je voulais me faire plaisir et ne pas être déçue. Je ne pensais pas à la médaille. Aux entraînements, juste avant les finales, j’ai fait abstraction des entraîneurs américains qui m’applaudissaient et des chutes à répétition de Korkina. J’étais dans ma bulle et je ne pensais qu’à mon mouvement. C’était ce qu’on avait bossé avec Yves (Kieffer, aujourd’hui entraîneur de l’équipe féminine belge, NDLR). On avait beaucoup travaillé sur la robotique. Il fallait que je fasse mon mouvement de manière automatique. C’est ce que j’ai fait“, se souvient-elle à la fois fière et émue. Une méthode de travail à laquelle elle a adhéré et qui lui a permis d’entrer dans l’histoire. “Ma médaille, je la dois clairement à Yves aussi. J’ai tenu face à ce qu’il me proposait. Certes je suis une bosseuse, une perfectionniste mais s’il ne m’avait pas mis d’objectif si haut, s’il ne m’avait pas aidé à y croire, je n’aurais jamais fait tout ça. Et puis, on avait vraiment une équipe de folie à l’époque. C’était une époque géniale”, complète-t-elle.
Aujourd’hui Emilie Le Pennec, pleine de joie de vivre, est multi-casquettes. Kiné, consultante gym ou encore ambassadrice Paris 2024, elle ne s’arrête jamais et croque la vie à pleine dent. Cet été à Rio, elle observera les Françaises avec bienveillance. “Les filles ont une belle mentalité. Elles proposent de la belle et de la bonne gym. Elles cherchent à faire propres, c’est important. Elles ont su prouver qu’elles étaient là, la preuve avec leur médaille de bronze par équipes aux championnats d’Europe. Elles ont le mental pour réussir”, analyse-t-elle. “Alors peut-être que sur ces Jeux ça va être un peu juste car la DIF va leur manquer mais c’est encourageant pour la suite et pour les générations à venir.” Parole de championne.
Propos recueillis par Charlotte Laroche pour Gym and News
Revivez sa finale aux Jeux Olympiques d’Athènes commentée par l’ancien gym de haut-niveau Laurent Barbieri :