Mercredi, deux semaines avant les Championnats du monde de GR à Valence, les gymnastes françaises sélectionnées pour la compétition en Espagne ont réalisé une démonstration à Thiais devant un public venu nombreux malgré la période estivale qui vide habituellement la région parisienne.
L’ensemble France a présenté ses deux compositions. Stress, fatigue ou jour sans, les passages n’ont pas été à la hauteur de ce qu’elles devraient exécuter à quelques jours de la qualification olympique, repassant plusieurs fois l’enchaînement aux rubans ballons. L’enchaînement cinq cerceaux était davantage maîtrisé. En individuel, Hélène Karbanov (pôle de Calais) et Maëlle Millet (pôle de Montpellier) ont réalisé de bons passages. Quelques petits points restent à améliorer d’ici les mondiaux mais les filles semblent en forme. Il pourrait y avoir match entre les deux le jour J. Lily Ramonatxo (pôle de Montpellier), réserve individuelle, a montré également ses quatre enchaînements. Bien qu’irrégulière, elle a été, comme à son habitude, la plus présente artistiquement.
Parmi les supporters, quelques anciennes membres de l’ensemble France étaient présentes pour encourager les athlètes. C’est le cas d’Eloïse Marchon qui nous accordé un entretien pour revenir sur la démonstration et sur la préparation de ses trois propres Championnats du monde au sein de l’ensemble France en 2018, en 2019 et en 2021.
Spot gym : Comment as-tu senti les filles de l’équipe de France aujourd’hui ?
Eloïse Marchon : Je les ai senties calmes, sans stress ou du moins elles ne le laissent pas paraître. La confiance règne, même si là ce n’était pas le top. Encore récemment, j’étais à l’INSEP pour les voir à l’entraînement. Elles sont bien et elles enchaînent les sans chute. Les entraîneurs m’ont dit qu’hier au test, c’était mieux qu’aujourd’hui. Je pense que c’était un jour sans. Après il se peut que la pression monte, puisqu’on est à deux semaines et que même si elles sont qualifiées d’office pour les JO, elles ont, je pense, l’envie de montrer qu’elles méritent leur place. Et puis, avec les résultats qu’elles font, il faut maintenir le niveau, voire chercher plus. C’est différent de ce que j’ai pu connaître, parce qu’on ne faisait pas ce genre de résultats, bien que ça commençait, puisqu’on avait fait une médaille en coupe du monde en 2021.
Trouves-tu qu’il y a quelque chose de différent par rapport à tes années en ensemble France ?
C’est totalement différent. Je ne saurais dire quoi exactement, mais oui le travail n’est pas le même. Rien que la composition et la stratégie des enchaînements est différente ; au niveau des déplacements, c’est bien réfléchi et les erreurs sont bien camouflées.
Je l’avais déjà ressenti auparavant parce que je me suis entraînée presque deux ans à leur côté. Les filles sont entre de bonnes mains, elles ne pouvaient pas avoir mieux pour les Jeux.
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Qu’est-ce qui est le plus important selon toi à deux semaines des mondiaux pour un ensemble ?
Je pense de ne pas se perdre dans les objectifs et de vraiment rester dans sa bulle. La pression est plus importante bien sûr et c’est pour ça qu’on nous disait souvent que c’était une compétition comme les autres et qu’on avait juste à reproduire ce qu’on faisait à l’entraînement. Au final, ce qui est important, c’est ce qui est fait à l’entraînement : faire des sans chute et automatiser pour se mettre en confiance. Tout se prépare avant. Et puis, on ne le dit pas assez souvent, mais la compétition c’est aussi le rendez-vous, le moment qu’on attend, celui pour lequel on s’entraîne, il faut profiter.
Ce qui est bien en ensemble, c’est que tu peux te reposer sur les autres, tu te sens entourée. Quand on sent une fille un peu plus stressée, on arrive vite à lui faire redescendre la pression. Le stress se gère plus facilement.
Les Championnats du monde dont tout le monde se souvient réellement sont ceux de 2018 à Sofia où vous aviez fini 8e et 6e en finale cerceaux. Comment avais-tu vécu cette compétition ?
Il faut remonter dans le passé, mais c’est quand même une sacrée date pour notre équipe. Je dis pour notre équipe, car moi je n’y étais pas. Je me suis blessée deux semaines avant d’une commotion cérébrale et d’une entorse des cervicales. C’était très très dur pour moi, j’y croyais, je pensais que j’allais partir malgré la blessure, mais pour les filles aussi ça n’a pas été facile, car j’ai été remplacée par Chloé à la dernière minute qui venait d’arriver dans l’ensemble et ce n’était pas son poste. On ne se rend pas compte, mais une gymnaste, ça peut vraiment dérégler tous les automatismes. Je pense que les quatre autres étaient vraiment de bons piliers pour que ça se déroule bien. Cela montre qu’on était assez fortes pour s’adapter aussi rapidement.
Quelle préparation aviez-vous suivie pour faire un tel résultat ?
J’ai le souvenir d’une préparation où on avait mis toutes nos chances de notre côté. On était conditionnées pour les Championnats du monde que ce soit lors des stages ou à l’entraînement, on avait franchi un cap par rapport à l’année d’avant. Le collectif avait un peu changé avec l’arrivée de Chloé Sivadier et on avait travaillé énormément sur la cohésion d’équipe en faisant des exercices dessus. On avait des séances toutes ensembles en dehors des entraînements avec la neurologue de l’INSEP et je pense que ça a beaucoup aidé.
Je me souviens aussi du dernier stage préparatif qu’on a fait à Calais ; on s’était donné à fond physiquement. On avait une intervenante russe qui nous avait accompagnées et elle nous rappelait souvent de nous inspirer des footballeurs, car la France venait de gagner la coupe du monde, et que maintenant c’était à nous de briller. C’était assez marquant.
Vous aviez un objectif en 2018 ?
Je crois que c’était le top 10, en tout cas, se rapprocher de la finale. Et en fait, objectif plus qu’atteint.
Qu’est ce qui a été différent avec les deux autres Championnats du monde auxquels tu as participé ?
En 2019, c’était l’année des qualifications pour les JO. Ce fut moins productif, forcément, puisqu’on l’a ratée. On s’est souvent posé la question du pourquoi, parce que ça a été hyper frustrant. Au cours de l’année, on sentait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, mais on avait du mal à poser des mots dessus. Pourtant, on était toujours aussi motivées. Mais peut-être que la pression était différente et plus dure à gérer. Je me rappelle que quand je suis entrée sur le praticable, je me suis dit ‘c’est la qualif olympique là‘. Peut-être qu’aussi c’était l’année du BAC et, bien qu’on savait qu’on était à l’INSEP principalement pour le sport, il fallait allier les deux. En vérité, on a essayé de chercher, mais sans vraie réponse.
Ce que je retiens le plus de 2021, et c’est bête car ça n’a même pas de rapport avec la GR, c’est simplement d’être partie au Japon. C’était incroyable, en plus on n’a pas l’habitude de voyager aussi loin pour la GR. Je n’étais pas partie en me disant que c’était le dernier monde, car je comptais faire les deux cycles olympiques, mais beaucoup de choses étaient différentes. C’était une nouvelle équipe, de nouveaux entraîneurs. On avait moins cette préparation ciblée sur la cohésion et tout ce qu’il y avait à côté, qu’en 2018. On était focalisé GR. Je le sentais différemment. Il me semble que nous n’avions pas d’objectif de place, contrairement aux deux mondiaux précédents. Moi, personnellement j’avais plus la pression, parce que j’étais avec d’autres filles, j’avais l’envie de prouver ma place, même si je pense que j’étais au niveau. Enfin, l’ambiance au Japon était très particulière. Il n’y avait pas la même énergie que sur les autres compétitions, d’abord parce que c’était dans ce pays, mais aussi à cause du contexte ; il n’y avait vraiment pas grand monde.
Que gardes-tu de ces trois Championnats du Monde ?
Je ne pense pas avoir de regret, même si en 2019, ça a été dur et ça reste une déception. Rebondir après a été compliqué, parce qu’il y a eu le Covid et on comptait sur le Championnats d’Europe qui a suivi, car c’était la dernière chance pour les JO. Malheureusement, on n’a pas réussi.
Que deviens-tu, toujours un pied dans la GR ?
J’ai complètement arrêté la GR. Ça a été un an sans sport même. Je me suis rendue compte que c’était très difficile de se lancer dans autre chose que la GR, mais je n’ai pas forcément l’envie de reprendre, bien qu’on prépare une petit retour pour les 150 ans de Bercy. Rien que pour ça j’ai la pression, parce que c’est le premier retour après l’arrêt.
Sinon, je suis dans la préparation du concours pour être professeur des écoles. Et je vais aider brièvement dans le club de GR proche de chez moi à Saint Ouen, histoire d’apporter un petit quelque chose.
Propos recueillis par Elisa Cohen