Elle a annoncé son retrait du haut-niveau en France, en mai dernier, quelques jours avant le début des championnats de France élite. Désormais installée en Arizona, aux Etats-Unis, Anne Kuhm poursuit ses études supérieures et a rejoint l’équipe universitaire des Sun Devils. Particulièrement épanouie dans sa nouvelle vie outre-atlantique, l’ancienne pensionnaire de l’INSEP évoque son quotidien dans une interview complète qui permet d’en savoir plus sur son intégration, sa découverte de la vie universitaire américaine et ses entraînements.
Gym and News : Anne, tout d’abord comment vas-tu ?
Anne Kuhm : Je vais très bien. Je suis très heureuse d’être aux Etats-Unis, à ASU en Arizona. Tout se passe bien pour moi ici, même si mon rythme de vie est très soutenu.
Peux-tu nous décrire ton arrivée aux Etats-Unis et nous en dire plus sur ta prise de marque (au campus, à la gym, en cours, etc) ?
Je suis arrivée aux Etats-Unis le mardi 27 juin. Les entraîneurs sont venus me récupérer à l’aéroport et m’ont emmené dans l’appartement où j’allais loger durant l’été. Ma colocataire m’a ensuite accueillie et m’a fait visiter rapidement les lieux. Elle s’appelle Kate et est également ma coéquipière. Le 28 juin, j’ai passé la visite médicale nécessaire pour être autorisée à m’entraîner et j’ai également participé à une réunion avec les étudiants-athlètes pour la présentation des règles du campus et du département athlétique. Les cours que j’ai suivi durant l’été ont commencé le 29 juin. J’ai été inscrite dans deux matières. J’avais cours de 11h50 à 13h15 du lundi au vendredi et de 16h à 20h30 le mardi, mercredi et jeudi. Je n’ai pas eu de problèmes particuliers concernant la compréhension des cours en anglais. Entre temps, j’allais à la gym de 13h30 à 15h45. Durant l’été, nous n’avions pas de programmes préconisés par les entraîneurs, car c’est contraire au règlement de la NCAA. Ainsi, ils étaient uniquement autorisés à nous corriger et nous donner des conseils. Les agrès en gymnastique universitaire sont différents de ceux que l’on trouve en code FIG pour ce qui est du saut et des barres. En effet, la hauteur du saut est de 1m30 et l’écartement des barres est très important. J’ai eu du mal à m’adapter à l’écartement des barres notamment à cause de mon shapo. Ainsi, il a été convenu que l’écartement de mes barres ne seraient pas au maximum, ce qui me permet de continuer à faire cet élément dans mon complet. Pour ce qui est du saut, j’ai mis deux semaines à m’adapter, juste le temps de prendre mes repères. Le sol est plus rebondissant, donc je n’ai pas eu de souci et pour la poutre tout s’est bien passé également. Durant l’été, entre la gym et les cours, j’ai également dû faire beaucoup de démarches administratives concernant mon arrivée aux États-Unis, par exemple pour l’ouverture d’un compte en banque ou des démarches pour les taxes et impôts.
T’es-tu tout de suite bien intégrée ?
Je n’ai pas eu de problème d’intégration. Les américains sont des personnes très ouvertes qui viennent vers toi spontanément et te parlent. De plus, dans l’équipe de gym, il y a des nouvelles filles chaque année donc les anciennes sont habituées à accueillir les nouvelles, et les accompagner pour leur intégration.
L’acclimatation n’a-t-elle pas été trop dure ?
Le changement d’environnement n’a pas été déstabilisant mis à part quand je me perdais sur le campus durant les 2-3 premiers jours. Mais c’était assez rigolo et il y avait toujours quelqu’un pour me guider. Par contre, concernant le climat, le changement a été très brutal, parce qu’il a fallu m’adapter à des températures entre 38 et 48°C. Heureusement que la climatisation est présente dans tous les bâtiments. N’étant pas habituée à de telles températures, je suivais le mode de vie des locaux et sortais peu en pleine journée, uniquement pour me rendre en cours, aller à la gym ou rentrer dans mon appartement. Cela m’a permis de m’acclimater et de ne pas trop souffrir de la chaleur. Et le week-end, j’allais à la piscine, pour me rafraîchir.
Comment se déroulent tes entraînements ?
Les entraînements officiels, c’est-à-dire à partir du moment où les entraîneurs définissent le programme, ont débuté le 15 septembre avec un test où nous devions présenter nos éléments à tous les agrès. Depuis, nous nous entraînons 20h par semaine, avec chaque jour un entrainement sur 3 agrès suivi de musculation. Le lundi, après le circuit de musculation, nous enchaînons avec de la natation. Le mardi et jeudi, nous commençons l’entraînement avec 15 min de cross-training suivi des 3 agrès, pour finir avec de la musculation avec un préparateur physique. Le mercredi est consacré à de la préparation physique. Le vendredi, nous participons à des défis entre équipes et tests aux agrès. Et la semaine se clôture avec une séance d’entrainement sur 3 agrès le samedi ainsi que cardio et musculation.
Quelle est (ou quelles sont) les plus grandes différences avec la gym en France ?
Le rythme d’entraînement est très différent. En effet, tout est planifié à la minute près et les entraînements sont plutôt courts mais très intensifs. Nous n’avons jamais une minute de repos durant les entraînements, et nous bougeons tout le temps. De plus, nous faisons beaucoup de musculation avec des charges (squats…), mais également spécifiques aux agrès et beaucoup de cardio avec de la corde à sauter, natation, vélo et course. L’ambiance est également très différente avec des encouragements permanents durant les entraînements. Les exigences sont également plus élevées, car le programme est axé sur la perfection que nous essayons d’atteindre au quotidien.
Te reconnaît-on en tant qu’Anne Kuhm, ancienne membre de l’équipe de France féminine ?
Je suis considérée comme toutes les autres filles. Personne n’a de traitement de faveur peu importe son parcours. Le but est de se surpasser et de se donner au maximum à chaque entrainement.
Une semaine type d’Anne Kuhm, ça ressemble à quoi désormais ?
Mon emploi du temps diffère peu selon les jours.
Du lundi au vendredi :
7h30-11h45 : cours
13h-17h ou 17h30 : gym et musculation
18h-20h30 : cours ou étude obligatoire
21h-22h30 : travail personnel
Samedi :
9h-13h : gym
14h-15h : courses pour mes repas de la semaine
15h-18h : travail personnel
Dans l’ensemble, qu’est-ce qui te change le plus par rapport à ta vie en France ?
La première chose qui change beaucoup par rapport à ma vie à l’Insep est le fait que je vive dans un appartement et que je sois indépendante avec toutes les contraintes : courses, préparation des repas, vaisselle, ménage, charges administratives (paiement loyer, et charges mensuelles). Au départ, cela n’a pas été évident. Après l’été, j’ai changé de logement et ai dû déménager et m’installer seule. Ou encore, il a fallu, par exemple, lire tous les contrats en anglais avant de m’engager. Ensuite, toutes ces charges ménagères sont consommatrices de temps et il faut composer avec un emploi du temps déjà chargé. Sinon, le climat est également très différent mais très agréable. Il y a du soleil presque tous les jours et les températures sont élevées en été, mais très clémentes actuellement encore. En octobre, il fait encore 30-35°C et je m’habille encore en short tous les jours. J’ai également assisté à des tempêtes de sable, ce que je n’aurais jamais vécu en France.
Gères-tu bien la distance avec tes proches ? Pas trop de coup de blues ?
Je gère bien la distance, même s’il s’agit de 9 000 kms environ. Le plus difficile a été le départ de France, mais depuis mon installation, tout va bien. Je profite des connexions wifi disponibles partout sur le campus, et dans une majorité d’établissements. Ainsi je peux discuter par Facetime et Whatsapp avec mes amis et mes proches. Et cela me permet de rester facilement en contact avec ma famille.
En terme de gymnastique, comment va se dérouler ton année ? Vas-tu faire toutes les compétitions ? Des tests sont-ils réalisés ?
Depuis mi-septembre, nous nous entraînons tous les jours et passons régulièrement des tests. Fin décembre nous avons un « intrasquad » qui est une compétition préparatrice pour la saison. Cette dernière démarre le 7 janvier avec un premier match à domicile contre 3 équipes. Les compétitions s’enchaîneront ensuite toutes les semaines jusqu’au 24 mars, à travers les Etats-Unis. L’équipe est constituée de 17 filles. Lors de chaque match, 6 filles passent à chaque agrès. Les passages ne sont pas encore déterminés. L’objectif est de présenter les meilleurs enchaînements pour chaque match. Aussi, les entraîneurs décideront de chaque constitution d’équipe la semaine précédant la compétition. Pour ma part, je serai certainement, selon les matchs et équipes adverses alignées, sur les 4 agrès.
Au niveau des études, raconte-nous un peu comment ça se passe pour toi ? Pas trop dur de suivre les cours en anglais ?
Les cours se passent très bien. Je n’ai pas eu de problèmes pour comprendre et suivre les cours en anglais. La seule difficulté a été de lire des livres entiers en anglais, car durant mes études en France, je n’ai pas été préparée à de la lecture de livres en langue étrangère. Mais depuis, après avoir lu quelques livres de philosophie, …. de politique américaine …. et de communication, j’ai bien progressé. Dans l’ensemble, le système universitaire américain diffère de l’enseignement que j’ai suivi en France. A ASU, chaque semestre, chaque étudiant s’inscrit à 6 matières de son choix, proposées dans le Bachelor qu’il suit. Des « projets » et des « activités » de 5 à 20 pages environ sont à rendre toutes les semaines. Ces contributions sont notées et comptent pour la note finale selon un pourcentage différent selon les matières. Dans certaines matières, se rajoutent des quizz hebdomadaires sur internet, à l’issue desquels la notation est instantanée. La charge de travail est très importante. Mais en travaillant régulièrement, j’arrive à obtenir des notes satisfaisantes. Ainsi, durant l’été, où j’ai été inscrite dans 2 cours que je n’avais pas choisi, j’ai obtenu deux A+ correspondant à la validation de 98% des connaissances de la matière. J’aime étudier et apprendre de nouvelles matières, mais je reconnais que le rythme est très intense et fatigant. En résumé, je suis 18h de cours à la fac, et le travail personnel nécessite au minimum 20h supplémentaires pour pouvoir rendre le travail demandé. Aussi, heureusement que je n’ai que très peu de temps de transport, contrairement à Paris où j’allais 3 fois par semaine de l’Insep à Paris Dauphine.
La vie sur le campus ressemble-t-elle vraiment à ce que l’on peut voir dans les films ou séries américaines ?
Cette question me fait rire car c’est la première chose à laquelle j’ai pensé en arrivant ici. Je suis désolée de vous décevoir, mais la réponse est négative. Ce qu’on voit dans les films existe peut-être sur le campus, mais ce n’est pas visible quand on s’y déplace. Il existe bien sûr des sororités et fraternités, mais si tu n’es pas dans ce « cercle fermé », tu ne t’en rends pas (vraiment) compte.
En trois mots, comment résumerais-tu tes premières semaines passées sur le sol américain ?
Chaleur, joie et stress.
Propos recueillis par Charlotte Laroche pour Gym and News